« tondre », définition dans le dictionnaire Littré

tondre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tondre [1]

(ton-dr'), je tonds, tu tonds, il tond, nous tondons, vous tondez, ils tondent ; je tondais ; je tondis ; je tondrai ; je tondrais ; tonds, qu'il tonde, tondons, tondez ; que je tonde, que nous tondions ; que je tondisse ; tondant ; tondu v. a.
  • 1Couper la laine ou le poil à certaines bêtes. Tondre un barbet. La chair des bêtes que j'ai fait tuer pour ceux qui tondent mes brebis, Sacy, Bible, Rois, I, XXV, 11.

    Fig. et familièrement. Se laisser tondre la laine sur le dos, souffrir avec patience les vexations.

    Fig. Tondre la brebis de trop près, mettre des impôts trop lourds sur le peuple. La dame d'honneur, se mêlant de la conversation, dit que très souvent ce mot de berger était appliqué aux rois ; qu'on les appelait bergers, parce qu'ils tondent de fort près leur troupeau, Voltaire, Pr. Babyl. 2. Il est vrai qu'on nous tond un peu trop près, en attendant qu'on nous égorge, Mme du Deffant, Lett. à II. Walpole, t. II, p. 269, dans POUGENS.

    On dit dans le même sens : tondre une province. Monsieur l'évêque de Munster, Vous tondez donc votre province ? Voltaire, Ép. 65.

    Fig. et familièrement. Tondre quelqu'un, l'attraper, le tromper. Ceux qui nous chicanent, nous nous efforçons de les tondre, et nous ne les épargnons point, Molière, G. Dand. II, 1. Ces moutons à deux pieds qui contemplent les hommes d'État dans une lourde stupéfaction, et, s'étonnant de se voir tondre si lestement, se regardent et se disent : Voilà de fiers hommes ! et que nous sommes bien tondus ! Georges Sand, Lettres d'un voyageur, VIII.

    Absolument et fig. Il tondrait sur un œuf, se dit d'un homme très avare qui veut épargner les plus petites choses. Ils font de grandes et belles actions, et cependant ils tondraient sur un œuf, Mme D'Épinay, Mém. t. III, p. 121.

    Tondre sur tout, tirer de l'argent de qui que ce soit et de quoi que ce soit. Il faut tondre sur tout, Régnier, Sat. XII.

  • 2 Familièrement. Couper les cheveux de près. Il est tondu de frais.

    Tondre un homme, le faire moine. Je n'ai point oublié ces ciseaux que vous montriez à tout le monde, disant que vous les portiez pour me tondre, Fénelon, Dial. des morts mod. (Henri III, la duchesse de Montpensier.) La crainte qu'il [Louis le Débonnaire] en eut [de ses ennemis] le détermina à faire tondre ses frères, Montesquieu, Esp. XXXI, 20.

    Je veux qu'on me tonde, je veux être tondu, si je fais cela, se dit par une sorte d'imprécation pour affirmer qu'on ne fera pas ce dont il s'agit ; locution née de l'ignominie qu'il y avait autrefois à être tondu.

    Fig. Il a été tondu sur le peigne, et, plus ordinairement, il a été tondu, son avis n'a pas été suivi, il a échoué dans ses prétentions (locution qui vieillit et qui provenait aussi de la dégradation infligée aux gens qu'on faisait moines malgré eux). Il y est venu pour tâcher de soutenir sa thèse ; lui et sa cabale antimoniale y ont été tondus, Patin, Nouv. lett. t. II, p. 170, dans POUGENS. Sans toi j'étais tondu, je le dois avouer ; J'aurais reçu sans doute un affront effroyable, Hauteroche, Souper mal appr. sc. 10. Que M. de Grignan se garde bien du monsieur [de dire monsieur à un maréchal, au lieu de lui dire monseigneur] ; il ferait mal sa cour ; le roi s'en est expliqué ; il sera tondu, Sévigné, 19 août 1675. Il [Jurieu] a produit diverses causes de récusation contre M. Piélat et même des dépositions de témoins ; mais il a été tondu : le consistoire les a déclarées nulles, Bayle, Lett. 24 août 1691.

  • 3Tondre des draps, des feutres, en couper les poils pour les rendre unis, ras.
  • 4Tondre une haie, couper les branches qui débordent.

    On dit à peu près dans le même sens : tondre les buis, le gazon, etc.

    Par extension. Pour en former l'emplacement [du nid], elle se contente de tondre à fleur de terre un petit rond dans l'herbe, qui bientôt se flétrit à l'entour par la chaleur de la couveuse, Buffon, Ois. t. XV, p. 83.

  • 5Il se dit de l'action des animaux qui broutent l'herbe. Les brebis ont tondu ce pré. Je tondis de ce pré la largeur de ma langue, La Fontaine, Fabl. VII, 1.
  • 6 Terme de construction. Enlever une faible épaisseur du parement de la pierre.

HISTORIQUE

XIIe s. Li clers porte sun merc en sum le chief adès, Tunduz est cumme fous e de luins e de près, Th. le mart. 30. Cum ço oïd David, el desert, que Nabal fist tundre sun fulc [troupeau], Rois, p. 96. Une feiz par an fist tundre ses chevals [ses cheveux], quant sa chevelure li fud à grevance, ib. 171.

XIIIe s. Tout tes chaviaus [tonds tes cheveux], si va al roi, Tes vestemens change por haire, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 19. Onques Tristans, qui fu à force Tundus come fous por Yseut, Lai de l'ombre. Devant que li dras soit tondus, Liv. des mét. 133. Et si dist on un proverbe que cil qui à une fois escorche, deus ne trois ne tont, Beaumanoir, XLV, 37. Diex les confonde, Qui sires est de tout le monde ! Et je r'otroi que l'en me tonde, Se maus n'en vient, Rutebeuf, 202.

XIVe s. … Se li sires ne tont Bien sovent ses subjès et puis tont et retont, Girart de Ross. v. 1147. Mais aussi grant journée paie Chevaus tondus, c'est chose vraie, Souvent que chieus [celui] à lons cheviaus, Jean de Condé, t. III, p. 34.

XVe s. Pour ce cisme [schisme] est tout le monde perdu ; Guerre en descent entre foibles et fors ; En grant peril en sont prestre et tondu, Deschamps, Poésies mss. f° 248.

XVIe s. Et dont pour vray le moindre et le plus neuf Trouveroit bien à tondre sur un œuf, Marot, I, 249. Sans estre raiz ne tondu, Incontinent on le fait moyne, Marot, I, 188. Les clercs, en tondant un touppet de cheveux, monstrent qu'ils se sont desmis de l'abondance des biens terriens, Calvin, Instit. 1181. Lui et tous ceux qui debatirent ce temporisement furent tondus, pour user du terme de ce temps, D'Aubigné, Hist. III, 149. Averti de Romme qu'on devoit tondre le roi à la fin des estats, D'Aubigné, ib. III, 190. Ce qui est rais ne se peut tondre, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 260. Nous usons encore d'une signification de ce mot tondre contre celuy qui a perdu sa brigue, ou est descheu de son entreprise, quand nous disons qu'il a esté tondu de sa brigue ou de son entreprise, Pasquier, Rech. VIII, p. 676, dans LACURNE. Toutesfois fut le pré tondu, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, toud ; provenç. tondre ; cat. tondrer ; espagn. tundir ; ital. tondere, du lat. tondere. Le français et le provençal viennent d'une accentuation barbare, tondère.