« toujours », définition dans le dictionnaire Littré

toujours

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

toujours

(tou-jour ; l's ne se lie pas) adv.
  • 1Tous les jours, sans fin, sans interruption. La lune tourne toujours autour de la terre. Mais quoi ! toujours du sang, et toujours des supplices ! Corneille, Cinna, IV, 3. Le duc [de Chaulnes] est continuellement occupé ; toujours des troupes à envoyer, à loger ; toujours des revues, toujours des tambours, toujours des soldats, des régiments, des officiers, Sévigné, 552. Eh quoi ! souffrir toujours un tourment qu'elle ignore ! Toujours verser des pleurs qu'il faut que je dévore ! Racine, Bérén. I, 2. Eh ! savez-vous ce que c'est que l'éternité ? c'est une pendule dont le balancier dit et redit sans cesse ces deux mots seulement dans le silence des tombeaux : Toujours, jamais ! Jamais, toujours ! Et toujours ! Bridaine, cité par MAURY, Éloq. de la chaire, XX.

    Substantivement. Le toujours. Par toujours j'entends un très long temps, et non pas une éternité absolue, le toujours de l'avenir n'étant jamais qu'égal au toujours du passé, Buffon, Homme, Arith. morale, Œuv. t. X, p. 71.

  • 2En continuant à être, à faire. Il est toujours absent. Votre petit frère est toujours parti, et j'en suis toujours fâchée, Sévigné, 22 avril 1676. Je l'ai voulu, sans doute ; Et je le veux toujours, quelque prix qu'il m'en coûte, Racine, Bajaz. III, 1.
  • 3Sans exception, en toute occasion. Vous n'avez pas toujours fait votre devoir. Je l'ai toujours dit. Ils [les ennemis] le trouvent toujours sur ses gardes, toujours prêt à fondre sur eux, Bossuet, Louis de Bourbon. Un style trop égal et toujours uniforme, En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme, Boileau, Art p. I. Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible, Boileau, ib. Peut-être, en le voyant, votre amour plus timide Ne prendra pas toujours sa colère pour guide, Racine, Andr I, 4. Toujours humble, toujours le imide Néron N'ose-t-il être Auguste et César que de nom ? Racine, Brit. I, 2. On croit avoir toujours aimé l'objet qu'on aime, tant il est difficile de concevoir qu'on ait pu vivre sans lui, Staël, Corinne, VIII, 2.
  • 4Le plus souvent, ordinairement. Il ment toujours. Elle est toujours en prières. Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes, Racine, Phèdre, IV, 2.
  • 5En attendant, néanmoins. Je vais sortir, travaillez toujours. Qu'il y ait, si l'on veut, de l'exagération dans ce nombre, toujours est-il assuré que son peuple était innombrable, Bossuet, Hist. III, 3. Si dans l'Autriche Albert reçut la vie, La Suisse était toujours sa première patrie, Lemierre, G. Tell, I, 2. Enfin, par-dessus tout cela, elle est parente du roi… elle n'en est pas plus fière toujours, Genlis, Veillées du château t. II, p. 470, dans POUGENS.
  • 6Du moins. Si je n'ai pas réussi, toujours ai-je fait mon devoir.
  • 7À toujours, pour toujours, sans retour. Et le premier instant où les enfants des rois Ouvrent les yeux à la lumière Est celui qui vient quelquefois Fermer pour toujours leur paupière, La Fontaine, Fabl. VIII, 1. Tu le sais ; chaque fois que j'aime, Je pense que c'est pour toujours, Lamotte, Odes, t. I, p. 454, dans POUGENS. Adieu, mon aimable ami, adieu pour toujours : ainsi l'ordonne l'inflexible devoir, Rousseau, Hél. III, 20.

HISTORIQUE

XIe s. Il priera tuz jurs pur nos pechez, Ch. de Rol. CXXXIX. Quant cil est mort, qui tuz jurs nus cadelet [commande], ib. CCVI.

XIIe s. Et fine amor si ne doit pas grever Ceux qui peinent toz jors de lui servir, Couci, X.

XIIIe s. S'or i laissons [à Jérusalem] nos enemis mortieus [mortels], à tousjours mais ert [sera] no vie honteuse, Quesnes, Romancero, p. 95. Et Sabine à tousjours de la terre est banie, Audefroi le Bastard, ib. p. 27. Et pour ce dit-on que trop fait cil mal et vilenie qui, par paour de mort, chose fait qui à deshonneur li peut estre reprovée à tous jors, Villehardouin, CXLVIII. Le ferrais [tapissier] s'avisa que le soudanc venoit touz jours jouer aux eschez après relevée, Joinville, 213.

XVIe s. Je me suis dez tousjours entietenu des imaginations de la mort, Montaigne, I, 77. Il fault conclure que Dieu seul est, non point selon aulcune mesure de temps… ains un realement estant, qui par un seul maintenant emplit le tousjours, Montaigne, II, 379.

ÉTYMOLOGIE

Tous, et jours ; bourg. tôjô, tôjor, torjo ; nivern. tozor ; Berry, toujous ; ouest du Berry, torjous ; angoum. teurjoux, teurjaux, trejaux. L'ancienne langue disait aussi tousdis, ce qui cst l'équivalent de tous jours ; elle disait toute jour, y faisant jour féminin comme le latin dies l'est quelquefois.