« tremper », définition dans le dictionnaire Littré

tremper

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tremper

(tran-pé) v. a.
  • 1Mettre dans un liquide. Tremper son pain dans du vin, dans la sauce. Pour confirmation du traité, on égorgea un loup, un bélier, un sanglier et un taureau ; les Grecs trempaient leurs épées dans le sang des victimes, et les barbares la pointe de leurs javelots, Rollin, Hist. anc Œuv. t. IV, p. 172, dans POUGENS. Si l'on veut avoir du fer toujours de la même bonne qualité, il faut absolument proscrire cet usage, ne jamais tremper le fer chaud dans l'eau, et attendre, pour le manier, qu'il se refroidisse à l'air, Buffon, Hist. min. Introd. Œuv. t. VII, p. 76. Tantôt, nous déployant ta pompe éblouissante, Pour colorer l'arbuste et la fleur et la plante, D'or, de pourpre et d'azur tu trempes tes pinceaux, Delille, Imag. v.

    Tremper la soupe, verser le bouillon sur les tranches de pain. La soupe est trempée… quand il a trempé la soupe au prisonnier, Lamartine, Joc. V, 173.

    Populairement et fig. Tremper une soupe à quelqu'un, lui donner une trempée, une correction.

  • 2Mouiller, imbiber d'un liquide. La pluie a trempé la terre. Ce formidable amas de lances et d'épées, Qui du sang philistin jadis furent trempées, Racine, Ath. III, 7. Où serait cette justice qui trempe ses flèches dans le sang du pécheur ? Massillon, Carême, Imp. fin. Sénèque disait en confidence à ses amis, que le lion [Néron] reviendrait promptement à sa férocité naturelle, s'il lui arrivait une fois de tremper sa langue dans le sang, Diderot, Cl. et Név. I, 46. Chanterons-nous l'espoir, la tristesse ou la joie ? Tremperons-nous de sang les bataillons d'acier ? Musset, Nuit de mai.

    Terme d'imprimerie. Tremper le papier, ou, absolument, tremper, imbiber d'eau le papier destiné à l'impression.

    Tremper de larmes, verser abondamment des larmes sur. Bandeau, que mille fois j'ai trempé de mes pleurs, Racine, Mithr. V, 1.

    Fig. Tremper ses mains dans le sang, donner la mort, commettre un meurtre, ou seulement l'ordonner, le conseiller. Si Alexandre eût vaincu l'orgueil et la colère, et n'eût point trempé ses mains dans le sang de ses meilleurs amis. Vaugelas, Q. C. III, 12. Dans leur sang odieux [des Romains] j'ai pu tremper mes mains, Racine, Mithr. V, 5. Elle voyait les principaux officiers du palais prêts à tremper leurs mains dans le sang du roi, Fénelon, Tél. VIII.

    Tremper dans le sang, avec un nom de chose pour sujet, faire une nécessité de donner la mort. Ton honneur t'est plus cher que je ne te suis chère, Puisqu'il trempe tes mains dans le sang de mon père, Corneille, Cid, V, 1.

  • 3Tremper son vin, y mettre beaucoup d'eau.
  • 4Tremper du fer, de l'acier, le plonger tout rouge dans de l'eau préparée pour le durcir. Il est tout aussi facile de détremper l'acier que de le tremper ; il suffit pour cela de le faire rougir, et de le laisser refroidir lentement, Thenard, Traité de chim. t. I, p. 379, dans POUGENS.

    Tremper à blanc, tremper rouge clair, etc. tremper l'acier lorsqu'il est chauffé à blanc, chauffé au rouge clair, etc.

    Tremper en paquet, voy. TREMPE, n° 3.

    Fig. Trempez, durcissez vos cœurs de fer dans votre vile décence, rendez-vous méprisables à force de dignité, Rousseau, Ém. IV.

  • 5 V. n. Demeurer quelque temps dans l'eau ou dans un autre liquide. Le papier, le linge trempe. Faire tremper de la morue pour la dessaler. Les oiseaux de rivage, montés sur de hautes jambes nues, y entrent [dans l'eau] assez avant pour que leur corps y trempe, Buffon, Ois. t. XV, p. 209.

    Fig. Vos mains n'ont point trempé dans le sang innocent ? Racine, Phèdre, I, 3.

  • 6 Fig. Être complice, participer à. Qu'avais-je contre vous ou fait ou projeté, Pour me faire tremper en votre lâcheté ? Corneille, Suiv. V, 6. Ma foi, monsieur, si Scapin vous fourbe, je m'en lave les mains, et vous assure que je n'y trempe en aucune façon, Molière, Scapin, III, 6. Jamais l'aimable sœur des cruels Pallantides Trempa-t-elle aux complots de ses frères perfides ? Racine, Phèdre, I, 1. Je n'aime pas un homme que je ne puis aborder le premier, ni saluer avant qu'il me salue, sans m'avilir à ses yeux, et sans tremper dans la bonne opinion qu'il a de lui-même, La Bruyère, V. Loi qui ordonne de révéler les conspirations auxquelles même on n'a point trempé, Montesquieu, Esp. XII, 17. On assure que Despréaux et son ami Racine trempèrent dans l'élection de l'abbé de Mauroy, par le seul motif d'écarter Fontenelle, son concurrent, D'Alembert, Élog. J. Test. de Mauroy. J'ai vu, monsieur, votre notice d'un fragment de Longus nouvellement découvert, c'est-à-dire votre apologie au sujet de cette découverte dans laquelle on vous accusait d'avoir trempé pour quelque chose, Courier, Lett. à M. Renouard.
  • 7Se tremper, v. réfl. Être mis dans un liquide. Leurs vaillantes mains Se tremperont bien mieux au sang des Africains, Corneille, Cid, III, 6.

    Recevoir la trempe. L'acier est le seul métal qui soit susceptible de se tremper ou de se durcir par un refroidissement subit ; ni le cuivre, ni l'argent, ni l'or, ni aucun des autres métaux, sous un état quelconque, ne paraissent jouir de cette propriété, Thenard, Traité de chim. t. I, p. 379, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIIe s. Et lace l'eaume [le heaume] qui si fu dur tenprez, Ronc. p. 36.

XIIIe s. Comme les grosses gotes sunt bones seur les grosses herbes por bien tremper, Psautier, f° 186. Et Renart li a fet la lope, Por ce que si tost le deçoit, Et li chaitis ne s'aperçoit, Et il li trempe la corroie [l'allèche], Ren. 10247. Douz foiz le jor faisoit tramper [tremper la soupe], Por repaistre les familleuz, Rutebeuf, 44. Le branc que on li çaint moult bons fevres forja, Puis le parfist Galans qui un an le tempra, Ch. d'Ant. V, 127. Son vin trempoit [Louis IX] par mesure, selonc ce qu'il veoit que le vin le pooit soufrir, Joinville, 193.

XIVe s. Mais aucuns qui se voient en fortune tramper, Cuident aucune fois jusques au ciel oser, Guesclin. 15180.

XVIe s. Je trempe mon vin plus souvent à moitié, parfois au tiers d'eau, Montaigne, IV, 290. Jean Hus et Hierosme de Prague, lesquels après longues prisons et disputes furent bruslez, le dernier ayant trempé un an dans un cachot, D'Aubigné, Hist. I, 67. Montluc en ses escrits s'excuse d'avoir trempé en cet affaire, D'Aubigné, ib. I, 234. Voilà Monsieur baffoué des principaux des siens qui n'avoient point trempé à l'entreprise, D'Aubigné, ib. II, 477. Soudainement après le combat on les veit à Rome sur la place, avec leurs chevaux tous trempez de sueur, Amyot, Cor. 4. Il s'osta de dessus sa teste le chapeau de fleurs qu'il y avoit, et, le trempant luy mesme dedans une liqueur de parfum, le luy envoya, Amyot, Pélop. 55. L'homme sage doit tremper sa parole en sens et en raison, premier que de la prononcer, Amyot, Phoc. 7. N'ayant pas le pied ferme, pource que la terre, y estant fort trempée, glissoit, Amyot, Alex. 101. En automne, nous commençons à boire moins, et moins trempé, Paré, Introduct 14. Des vins pressés ou raqués, trempés, allongés et autres de mesnage. - Dans deux ou trois jours le premier trempé ou despensé sera tiré de la cuve et entonné comme le vin, De Serres, 219. Trop n'y pourront sejourner les olives, pourveu qu'elles trempent tousjours, De Serres, 843.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, treinpé ; provenç. temprar, trempar ; espagn. templar ; portug. temperar ; ital. temprare ; du latin temperare (d'où, avec métathèse de l'r, tremper).