« triomphe », définition dans le dictionnaire Littré

triomphe

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triomphe [1]

(tri-on-f') s. m.
  • 1 Terme d'antiquité romaine. Honneur accordé chez les Romains à un général qui avait remporté une grande victoire ; il consistait en une entrée solennelle et pompeuse, où marchaient le vainqueur, l'armée victorieuse, les captifs et les dépouilles. On sait bon gré à Plutarque, qui fait sans cesse mention de triomphes chez les Romains, d'avoir fait une peinture exacte et détaillée de celui de Paul-Emile, qui fut un des plus magnifiques, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 308, dans POUGENS. Celui-là seul avait droit de demander le triomphe, sous les auspices duquel la guerre s'était faite, Montesquieu, Rom. 13. Les consuls, ne pouvant obtenir l'honneur du triomphe que par une conquête ou par une victoire, faisaient la guerre avec une impétuosité extrême, Montesquieu, ib. 1. Le triomphe de Pompée est surtout mémorable par les nouveaux objets de luxe dont il introduisit l'usage, Pastoret, Instit. Mém. hist. et litt. anc. t. III, p. 427.

    Petit triomphe, voy. OVATION.

    Char de triomphe, char sur lequel le triomphateur était porté.

    Mener en triomphe, faire aller à la suite du char de triomphe. Ne souffrez pas qu'un jour votre femme enchaînée Soit dans le Capitole en triomphe menée, Mairet, Sophon. IV, 3. Les rois, qu'ils [les Romains] faisaient mourir inhumainement, après les avoir menés en triomphe, chargés de fer, Bossuet, Hist. III, 6.

    Fig. Ma raison est captive en triomphe menée, Régnier, Élég. I. Vous avez triomphé, ô Jésus, et vous menez en triomphe les puissances des ténèbres captives et tremblantes après votre croix, Bossuet, Sermons, Croix, 1. La Stewart [maîtresse de Charles II] menait en triomphe la tendresse du roi, Hamilton, Gram. 10.

  • 2Arc de triomphe, sorte d'arcade sous laquelle passe une marche solennelle de victoire. Vainqueur des Turcs et des Tartares, il [Pierre le Grand] voulut accoutumer son peuple à la gloire comme aux travaux ; il fit entrer à Moscou son armée sous des arcs de triomphe, au milieu des feux d'artifice…, Voltaire, Russie, I, 8.

    Fig. On se couronne de ses propres mains, on se dresse un triomphe secret à soi-même, Fléchier, Turenne.

  • 3 Fig. Action de triompher. Voilà donc le triomphe où j'étais amenée ! Racine, Iph. II, 5. Que vos heureux enfants dans leurs solennités Conservent de ce jour le triomphe et la gloire ! Racine, Esth. III, 7.

    Porter quelqu'un en triomphe, le porter sur les bras pour lui faire honneur.

    Son entrée fut un triomphe, un véritable triomphe, on l'accueillit, à son entrée dans la ville, avec de grandes démonstrations de joie, de respect, etc.

    En triomphe, d'une manière triomphale. David la mena [l'arche d'alliance] en triomphe dans Sion, Bossuet, Hist. II, 4.

    En triomphe, signifie aussi avec une satisfaction qui triomphe. On va conter en triomphe la chose, La Fontaine, Psaut.

  • 4Grande victoire, succès militaire éclatant. Ce vaillant homme [Machabée] reçut le coup mortel, et demeura comme enseveli dans son triomphe, Fléchier, Turenne. Et ce triomphe heureux qui s'en va devenir L'éternel entretien des siècles à venir, Racine, Iph. I, 5.

    Gagner un triomphe, obtenir un succès. Pour gagner un triomphe il faut une victoire, Corneille, Rod. III, 5.

  • 5Succès éclatants, en général. Mais c'en est une [douceur] ici bien autre et sans égale, D'enlever, et sitôt, ce prince à ma rivale, De lui faire tomber le triomphe des mains…, Corneille, Sophon. II, 5. Mme de Vaubecourt a gagné son procès avec triomphe, comme vous, Sévigné, 17 déc. 1688. Et si je m'en croyais, ce triomphe indiscret Serait bientôt suivi d'un éternel regret, Racine, Brit. IV, 4. Ton triomphe [de Vénus sur Phèdre] est parfait ; tous tes traits ont porté, Racine, Phèdre, III, 2. Laissez-le s'applaudir d'un triomphe frivole, Racine, Esth. III, 2.

    Jour de triomphe, jour marqué par quelque événement glorieux, par quelque grand avantage. Je ne m'étonne plus si je vous vois [vous Jésus] dans le palais d'Hérode avec une contenance si ferme… c'est que vous sentiez bien que le jour de votre crucifiement était pour vous un jour de triomphe, Bossuet, Sermons, Croix, 1.

  • 6 Fig. Grands effets obtenus, victoires remportées, en parlant de choses. C'est le triomphe du courage que de se vaincre soi-même. Le triomphe de l'habileté est de paraître n'en pas avoir. Le triomphe de l'éloquence. Le triomphe de l'amour, de la beauté. La grandeur et la gloire ! pouvons-nous encore entendre ces noms dans ce triomphe de la mort ? Bossuet, Duch. d'Orl. M. le Tellier dit, en scellant la révocation de l'édit de Nantes, qu'après ce triomphe de la foi il ne se souciait plus de finir ses jours, Bossuet, le Tellier. Ce traité [de la France et de la Suède] est regardé comme le triomphe de la politique du cardinal de Richelieu et du grand Gustave, Voltaire, Ann. Emp. Ferdinand II, 1631. Ce temple [le Parthénon], celui de Thésée et quelques autres encore sont le triomphe de l'architecture et de la sculpture, Barthélemy, Anach. ch. 12.

    C'est son triomphe, c'est une chose où il excelle, où il réussit particulièrement.

  • 7 Par moquerie, grand succès d'une chose qu'on n'estime pas ou qu'on veut tourner en ridicule. Il [le public à l'Opéra] ne soupçonne pas les stratagèmes, les illusions du maillot… c'est là le triomphe des coussins et de la garniture, Reybaud, Jér. Paturot, II, 1.
  • 8Satisfaction triomphante. Et vous, heureux Romains, quel triomphe pour vous, Si vous saviez ma honte, et qu'un avis fidèle De mes lâches combats vous portât la nouvelle ! Racine, Mithr. IV, 5.
  • 9 Fig. Éclat comparé à une pompe triomphale. Enfin… je le quittai [Arnauld d'Andilly], et vins ici, où je trouvai tout le triomphe du mois de mai : le rossignol, le coucou, la fauvette…, Sévigné, 27 avr. 1671.
  • 10 Au plur. Bruit éclatant d'une solennité. Nous aurions entendu de notre abbaye les triomphes, les fanfares et la musique de Chelles, au sacre de l'abbesse, Sévigné, 1er sept. 1680.
  • 11Triomphe de Lille, variété d'œillet.

    Triomphe de Jodoigne, variété de poire.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et quant Charles ot toute Lombardie conquise et toute la terre de Ytaille [Italie] sozmise à soi et à sainte Eglise, il ala à Rome o [avec] grant triumphe, Latini, Trésor, p. 85.

XIVe s. Triumphe estoit celui grant honneur que l'en fesoit à aucun prince roumain, quant il revenoit à Rome d'aucune bataille où il avoit eu très noble victoire, Bercheure, f° 3. Comment cil qui avoit victoire Eüe sus les anemis, Si ert [était] o trimphe en Romme mis, Jean de Condé, t. III, p. 292.

XVe s. Toute la grand triomphe [joie] qu'en cet hostel souloit comblement abonder, est par cas flappie et ternie, Louis XI, Nouv. II.

XVIe s. Il dressa un triumphe superbe en toute autre magnificence d'appareil, et mesmement en ce qu'il se feit porter par Rome sur un chariot triumphal, trainé…, Amyot, Cam. 14. Histoire des faits, gestes, triomphes et prouesses du bon chevalier sans paour et sans reprouche, le gentil seigneur de Bayard, titre de l'ouvrage du Loyal serviteur. Et autres qui avoyent retenu place dix jours devant sur les boutiques et ouvroirs de la rue Sainct-Anthoine, pour veoir amener le Biarnois prisonnier en triomphe, Sat. Mén. les Tapisseries.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. triomfe ; espagn. triunfo ; ital. trionfo ; du lat. triumphus, forme archaïque triumpus, le même que θρίαμϐος, la procession de la fête de Bacchus.