« trucheman », définition dans le dictionnaire Littré

trucheman

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

trucheman ou truchement

(tru-che-man) s. m.
  • 1Celui qui explique à des personnes qui parlent des langues différentes, ce qu'elles se disent l'une à l'autre. Où est le truchement, pour lui dire qui vous êtes, et lui faire entendre ce que vous dites ? vous verrez qu'il vous répondra ; et il parle turc à merveille, Molière, Bourg. gent. v, 4. Son armée [de Mithridate] était de près de trois cent mille hommes, et composée de vingt-deux nations différentes, qui avaient chacune une langue particulière ; et Mithridate les savait toutes, en sorte qu'il n'avait pas besoin de truchements pour leur parler, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 2e part. p. 448, dans POUGENS.
  • 2 Fig. Une personne qui parle à la place d'une autre, qui exprime les intentions d'une autre. Nous n'entendons pas bien ce qu'un soupir veut dire ; Et je vous servirais de meilleur truchement, Si vous vous expliquiez un peu plus clairement, Corneille, Sertor. IV, 1. C'est ainsi que ma muse, aux bords d'une onde pure, Traduisait en langue des dieux Tout ce que disent sous les cieux Tant d'êtres empruntant la voix do la nature ; Truchement de peuples divers, Je les faisais servir d'acteurs en mon ouvrage, La Fontaine, Fabl. XI, Épil. Jugez, lecteur, si l'auteur d'une si noire supposition ne doit pas passer désormais pour le truchement du père des mensonges, Pascal, Prov. X. Nul ne peut vous entendre à moins d'un truchement, Boursault, Fabl. d'Es. I, 6. Le ministre chrétien, dit encore saint Jérôme, est le truchement entre Dieu et l'homme, Chateaubriand, Génie, I, I, 9.
  • 3 Fig. Ce qui fait comprendre. Une parfaite ardeur a trop de truchements Par qui se faire entendre aux esprits des amants : Un coup d'œil, un soupir…, Corneille, Mél. III, 2. Ses regards, truchements de l'ardeur qui la touche, La Fontaine, Adonis. Ce langage, il est vrai, peut être obscur parfois, S'il n'a pour truchement l'écriture ou la voix, Molière, Éc. des mar. I, 6. Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements, Molière, Femm. sav. I, 4. Il n'est pas habile, mais il a une langue qui peut servir de truchement, et des pieds qui peuvent le porter d'un lieu à un autre, La Bruyère, II.

HISTORIQUE

XIIe s. Drugement somes d'Aufrique et d'outre mer, la Prise d'Orenge, v. 422.

XVe s. Et qui n'a pas langaige en lui, Pour parler selon son desir, Uug truchement lui fault querir, Orléans, Rondel, 63.

XVIe s. Procureur ou truchement, Nouv. coust. gén. t. I, p. 846. Je parlay à l'un d'eulx [Indiens d'Amérique] fort longtemps ; mais j'avois un truchement qui me suyvoit si mal… que je n'en peus tirer gueres de plaisir, Montaigne, I, 246. …Tes carmes [vers] Sont les truchemans de ton cœur, De Brach, Œuv. t. I, p. 314.

ÉTYMOLOGIE

Cat. torsimani ; espagn. trujaman ; de l'arabe tardjeman, interprète. C'est le même que drogman.