« valet », définition dans le dictionnaire Littré

valet

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

valet [1]

(va-lè ; le t ne se lie pas ; au pluriel, l's se lie : des va-lè-z adroits ; valets rime avec traits, succès, paix, etc. ; dans quelques provinces on dit vâ-lè ; bien que fondée en raison, puisque l'orthographe primitive est vaslet, cette prononciation n'est pas admise par le bon usage) s. m.
  • 1Celui qui est en service auprès d'une personne. Valet d'écurie. Valet d'étable. Valet de louage. Je te conjure, esprit muet, de me confesser si tu es valet, et, si tu es valet, par quelle vertu admirable tu ne m'as pas dit jusqu'à cette heure du mal de ton maître, Scarron, Rom. com. I, 15. L'on va, l'on vient, les valets font cent tours, La Fontaine, Fabl. IV, 21. Voilà comme un valet pour nous montre du zèle ! Molière, Amph. II, 1. Vous dirai-je encor plus ? soit faiblesse ou raison, Je suis las de me voir le soir en ma maison, Seul avec des valets souvent voleurs et traîtres, Et toujours, à coup sûr, ennemis de leurs maîtres, Boileau, Sat. x. Valet souple au logis, fier huissier à l'église, Boileau, Lutr. IV. Riches atours, tables, nombreux valets, Font aujourd'hui les trois quarts du mérite, Deshoulières, Ballade, t. I, p. 47. Il [Mahomet] avait été facteur, ou, si l'on veut, valet d'une marchande de chameaux, Voltaire, Philos. Déf. Bolingbr. 31. Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ? Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 2. Le comte : Les domestiques ici… sont plus longs à s'habiller que les maîtres. - Figaro : C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider, Beaumarchais, Mar. de Figaro, III, 5.

    Fig. Oh ! que, si je vivais sous les règnes sinistres De ces rois nés valets de leurs propres ministres, Et qui, jamais en main ne prenant le timon, Aux exploits de leur temps ne prêtaient que leur nom, Boileau, Épître VIII.

    Valet à tout faire, valet propre à tout genre de service.

    Fig. Tessé, valet à tout faire de Chamillart, tant qu'il fut en faveur, Saint-Simon, 183, 2.

    Je suis votre valet, je vous salue ; locution vieillie. Ariste : Je suis votre valet - Sganarelle : Je ne suis point le vôtre, Molière, Éc. des mar. I, 3.

    Fig. et ironiquement. Je suis votre valet, se dit à quelqu'un quand on ne veut pas faire ce qu'il désire, croire ce qu'il dit. Ariste : Hé ! laissez-les, mon frère, aller se divertir. - Sganarelle : Je suis votre valet, mon frère, Molière, Éc. des mar. I, 2. Je suis votre valet, seigneur capitaine ; je n'en ferai rien, je vous jure, Lesage, Guzm. d'Alf. III, 10.

    Elliptiquement. Votre valet, pour je suis votre valet. Votre valet, Bazile ; il vaut mieux qu'elle [Rosine] pleure de m'avoir, que moi je meure de ne l'avoir pas, Beaumarchais, Barb. de Sév. IV, 1.

    Fig. Il fait le bon valet, il est flatteur et complaisant, pour se faire préférer aux autres. Enfin Sergius obtint d'Honorius ce décret qui fut porté au 6e concile en faisant, dites-vous, le bon valet auprès de ce pape, Pascal, Prov. XVIII. Le premier président fit le bon valet avec sa souplesse et sa fausseté accoutumées, Saint-Simon, 69, 183.

    Fig. Disposé à rendre service (vieux en ce sens). Bien qu'il m'eût fait entendre Qu'il était mon valet à vendre et à dépendre, Régnier, Sat. VIII.

  • 2Valet a pris un sens qui a quelque chose de défavorable ; aussi ne dit-on guère que domestique ou serviteur, excepté dans les emplois suivants qui sont consacrés. Valet de ferme. Valet de charrue.

    Valet de pied, homme de livrée qui suit à pied les souverains, les princes, les ambassadeurs dans les cérémonies. Les grands valets de pied. Les petits valets de pied. Que les valets de pied sont fort sujets aux crottes, Régnier, Sat. x. Seul de tous les ambassadeurs qui étaient à Venise, il ôta l'épée à ses pages, et la canne à ses valets de pied, Rousseau, Confess. VII.

    Fig. Que maudit soit le jour où j'eus la fantaisie D'être valet de pied de la philosophie ! Regnard, Démocr. I, 1.

    Valet de chambre, celui qui est attaché particulièrement au service de la personne du maître. Il [le duc du Maine] a M. Fagon avec lui, M. Le Ragois qui est son précepteur, un aumônier, six valets de chambre, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 12 juin 1677. Il avait un vieux valet de chambre nommé Termes, hardi voleur et menteur encore plus effronté, Hamilton, Gram. 7. Tout est précieux du siècle de Louis XIV, jusqu'aux bêtises du valet de chambre Laporte, Voltaire, Lett. Richelieu, 20 avr. 1770.

    Il n'y a point de héros pour le valet de chambre, voy. HÉROS.

    Maître valet, celui qui, dans une terre ou dans une ferme, a autorité sur les autres domestiques.

    Valet de place, celui qui, dans les villes, se met temporairement au service des voyageurs, des étrangers.

    Valet à louer, domestique qui n'a plus de maître.

    Fig. Valet à louer, homme qui a perdu son emploi et qui en cherche un autre.

    Valet de comédie, valet adroit et propre à l'intrigue qu'on voit figurer dans beaucoup de comédies. Tenir l'emploi des valets. Jouer les valets. Belrose : Tous les emplois sont nuls, hors celui des valets. - Granville : Que tu tiens ? - Belrose : J'ose dire avec quelque succès, Delavigne, les Coméd. I, 5.

    Terme de marine. Maître valet, distributeur des vivres à bord des vaisseaux.

    Dans la métallurgie. Valet, ouvrier d'une forge catalane, dont l'office est d'aider les autres.

  • 3Dénomination attribuée à certains offices inférieurs dans la maison des souverains, des princes et dans les grandes maisons. Valet de garde-robe.

    Valets de chiens, gens que l'on charge de nourrir les chiens, de les exercer, etc. Crispin : J'en suis à regretter le temps où j'étais valet de chiens chez un gentilhomme de campagne. - Labranche : Tu n'es pas dégoûté : valet de chiens ! peste, la jolie condition ! tu avais le privilége de battre tes maîtres et de dîner avant eux, Delavigne, Cons. rapport. III, 1.

    Valet de limier, celui qui va détourner.

  • 4Valet de bourreau, celui qui aide le bourreau dans son office.
  • 5En un sens défavorable, et en ne tenant compte que des défauts attribués aux valets. Loin de la canaille des valets, les derniers des hommes après leurs maîtres, Rousseau, Ém. II. Bien qu'eux et moi fussions ses domestiques, il ne s'en suit point que nous fussions ses valets, Rousseau, Lett. à M. de Chauvel. Corresp. t. VI, p. 351, dans POUGENS.

    Âme de valet, âme basse.

    Se conduire en valet, faire le plat valet, le bas valet, avoir des habitudes, des complaisances serviles.

    Fig. Homme servile, sans indépendance. La pourpre ne l'empêcha pas de demeurer valet sous Richelieu, Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 133, dans POUGENS. Le maréchal de Noailles, le plus valet de tous les hommes, Saint-Simon, 196, 119. Le Français fait la révérence, et sert ou veut servir ; il mourra s'il ne sert ; vous êtes non le plus esclave, mais le plus valet de tous les peuples, Courier, Pamphl. des phamphl.

  • 6 Terme de jeu de cartes. Les cartes sur lesquelles est peinte la figure d'un valet. Valet de cœur. Valet de carreau. Valet de pique. Valet de trèfle. Ce nom [Richard] n'étant point fait du tout à la propice D'un valet de joueur, je me suis de nouveau Donné celui d'Hector, du valet de carreau, Regnard, le Joueur. III, 4. Eh ! mon ami, c'est un maudit valet de cœur qui m'a enlevé ma belle jument, Al. Duval, Trente et quar. sc. 10.

    Insolent comme un valet de trèfle, voy. TRÈFLE.

    Fig. et familièrement. Valet de carreau, homme qui ne mérite point de considération. On le reçut comme un valet de carreau. Et Marinette aussi d'un dédaigneux museau Lâchant un laissez-moi, beau valet de carreau, Molière, Dép. amour. IV, 2.

    Valet de carreau est devenu un terme d'injure, sans doute parce que, dans les anciens jeux de cartes du commencement du XVIIe siècle, ce valet porte la qualité de valet de chasse, tandis que le valet de pique est dit valet de noblesse, le valet de cœur, valet de cour, et le valet de trèfle, valet de pied, Bibl. des ch. 6e série, t. II, p. 20.

  • 7Contrepoids qui, pendant derrière une porte, fait qu'elle se referme sans qu'on y touche.

    Barre de fer qui sert d'appui au battant d'une porte

  • 8Valet de miroir, morceau de bois attaché derrière un miroir de toilette pour le soutenir sur une table.
  • 9 Terme de serrurier. Petit morceau de fer mouvant monté dans un cramponnet sur la platine d'une targette, dont le bout entre dans une entaille faite au verrou lorsqu'il est fermé.
  • 10Instrument de fer, qui sert à fixer le bois sur l'établi d'un menuisier. Puis il scie une planche et en met une pièce sous le valet pour la polir, Rousseau, Ém. v.
  • 11Pièce de la cadrature d'une montre ou d'une pendule à répétition.
  • 12 Terme de manége. Espèce de poinçon, d'aiguillon, ou de petit fer émoussé, placé au bout d'un bâton, employé pour exciter un cheval sauteur.

    Terme de pêche. Morceau de bois ayant un crochet à chacun de ses bouts ; on l'emploie pour tenir un filet tendu.

  • 13Valet de chaise, morceau de fer carré, dans les bras d'un fauteuil, qu'on en tire pour poser une table dessus.
  • 14Valet à débotter, planche où l'on appuie le talon pour se débotter sans secours : on dit aujourd'hui tire-botte.
  • 15Anciennement, valet d'ingénieur à feu, valet pyrobolique, cylindre de bois chargé de poudre et percé en plusieurs endroits, où l'on met des balles, des pétards.
  • 16Valet de caïman, espèce de crabier (Saint-Domingue).

PROVERBES

N'est pas valet qui se sert, se dit quand, dans une maison, dans un repas où il n'y a pas de domestique, chacun se sert soi-même.

Tel maître, tel valet, les valets prennent les habitudes de leurs maîtres.

Les bons maîtres font les bons valets, en traitant bien ses domestiques, on s'en fait bien servir.

Il est comme le valet du diable, il fait plus qu'on ne lui commande, se dit d'un homme qui, par zèle ou par tout autre motif, fait plus qu'on ne lui dit. Je vous conjure de ne vous point pénétrer de déplaisir, et, pour m'expliquer plus élégamment, de n'être pas le valet du diable, Maintenon, Lett. au D. de Noailles, 7 mars 1711.

SYNONYME

VALET, LAQUAIS. Le mot de valet a un sens général qu'on applique à tous ceux qui servent. Celui de laquais a un sens particulier qui ne convient qu'à une sorte de domestique : il indique plutôt un homme de suite qu'un homme de service, GIRARD.

HISTORIQUE

XIIe s. Et Liganors, uns vaslez [jeune guerrier] surcuidés [outrecuidant], Ronc. p. 65. Je sui vaslez, vous estes chevalier, ib. p. 187. Guiteclins de Sassoigne, quant ce vint à son tans, De sa premiere fame ot deus vaslez enfans, Sax. v. Respundi Saül [à David] : ne te poz à lui cupier, kar tu es vadlez, e il [Goliath] est un merveillus bers de sa bachelerie, Rois, p. 65. Tele vie mena li sainz huem e suffri, N'a nul humme suz ciel nel mustra ne gehi [avoua], Fors à Brun sun vaslet, si cum dire l'oï, Qui ses haires lava et de ço le servi, Th. le mart. 103. Le brief à l'apostolie [il] baille [à] un vaslet à pié, ib. 124.

XIIIe s. Ensi furent li message envoié en Alemaigne au roi Phelippe, avoec le vallet [le jeune prince] de Constantinoble, Villehardouin, XLIII. C'est bien drois que chetis se claime Valez, quant il pert ce qu'il aime, la Rose, 8306. Valez cortois et debonnaire, Qui vuet à ce metre sa cure, Gart que du tout ne s'aseüre En sa biauté, ne en sa forme, ib. 8350. Valès [garçon] fu nés de la [rine] paiene, Et mescine [fille] ot la crestiene, Fl. et Bl. 169. Après ce m'envoia querre par un vallet de sa chambre, Joinville, 281. Raoul, vallet à servir, De Laborde, Émaux, p. 533.

XIVe s. Pour ce dit on, je l'ay oy dire pieça : Cilz qui n'a point d'argent, point de vallet si n'a, Guesclin. 12960. Quant varlet presche à table et cheval paist en gué, Il est temps qu'on l'en oste, que assez y a esté, Ménagier, II, 3. À maistre Guillaume Brisetout, verrier, et, depuis que fu parti, à ses vallés, pour verrer une des formes de la croisée, De Laborde, Émaux, p. 533. Se aucun apprentis [d'orfévre] se rachepte de son maistre, il ne pourra tenir ne lever forge, se il n'a servi son maistre, ou autre, de ramenant de huit ans comme apprentis ou comme vallet servant, gaaignant argent, De Laborde, ib.

XVe s. Valet à prince, per à baron, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 103. Ilz estoient les varlès au diable : ilz faisoient plus que commandement, Chron. normande, ch. 49, Viriville. Ne suis en volenté encore de me contenter de Charles [qui fut depuis Charles le téméraire], mais luy monstreray que je suis son pere, et que je le pourrai bien faire un petit vallet, Chastelain, Chronique, IV, 47. Aux varlets de Johanne d'Eyck, Jean van Eyck paintre, pour don par monseigneur à eulx fait, quand mondit seigneur a esté en son hostel veoir certain ouvraige faict par ledit Johannes, De Laborde, Émaux, p. 533. Je congnois le maistre au valet, Villon, Ball. Jacquemart print le baston de sa faulx, appellé le varlet, Du Cange, valeti.

XVIe s. Un bon valet dit à son maistre : après servir convient repaistre, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 164. Par la richesse on satisfaict le service d'un valet, la diligence d'un courrier…, Montaigne, II, 64. Pour mieux façonner un valet de chien, on le doit prendre le plus jeune que l'on peut, comme de dix à douze ans, Charles IX, Chasse roy. XIX. Valet anciennement s'adaptoit fort souvent à titre d'honneur près des roys ; car non seulement on disoit valets de chambre ou garde robe, mais aussi valets trenchants et d'escurie ; et maintenant le mot de valet se donne dans nos familles à ceux qui entre nos serviteurs sont de moindre condition, Pasquier, Rech. VIII, p. 663, dans LACURNE. Vous vintes faire le bon valet à cette dame [la saluer], Sully, Mém. t. III, p. 19. Cheval fait et valet à faire, Cotgrave De grand maistre hardi valet, Cotgrave Nous souffrons peines telles, Soustenans des plus grands les injustes querelles, Valets de tyrannie, D'Aubigné, Tragiques, éd. LALANNE, p. 96.

ÉTYMOLOGIE

Berry et Basse-Normandie, vâlet, domestique de ferme ; bourguig. vaulô ; wallon, valet, garçon qui n'est pas marié, vârlet, domestique ; génev. terme d'amitié qu'on donne aux petits garçons : viens, mon valet, que je t'embrasse ; provenç. vaslet, vaylet, vallet ; diminutif du bas-lat. vassus, vassal (voy. ce mot). Dans quelques provinces, les bergères disent à leur chien : viens, mon valet.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. VALET. Ajoutez :
17Dans le moyen âge et parmi les corporations ouvrières, nom de l'apprenti qui devenait ouvrier. Après la rude épreuve de l'apprentissage, l'apprenti devenait valet ; à partir de ce moment, il était émancipé, Octave Noël, Journ. offic. 6 mars 1877, p. 1718, 2e col.