« vie », définition dans le dictionnaire Littré

vie

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vie [1]

(vie) s. f.
  • 1En général, état d'activité de la substance organisée, activité qui est commune aux plantes et aux animaux. Chez les plantes, la vie est constituée par deux fonctions, la nutrition et la génération ; chez les animaux, il y a en plus la contraction et la sensibilité. Et la vie ? vous me direz bien ce que c'est. - C'est la végétation avec le sentiment dans un corps organisé, Voltaire, Dial. 7. La vie commence à s'éteindre longtemps avant qu'elle s'éteigne entièrement, Buffon, De la vieillesse et de la mort. Plus la vie des animaux est courte, et plus leur production est nombreuse, Buffon, Quadrup. t. IV, p. 225. On distingue dans les êtres terrestres trois sortes de vies : la vie végétative, la vie sensitive et la vie réfléchie, Bonnet, Causes prem. VI, 14.

    Ce qui a vie, ce qui a eu vie, se dit des animaux. Voyez ces pieux solitaires qui s'abstiennent de tout ce qui a eu vie, Buffon, Morc. choisis, p. 49. Les brames ne mangent rien de ce qui a vie, Raynal, Hist. phil. I, 8.

    Cet animal, cet homme a la vie dure, il est difficile de le tuer.

    Terme de physiologie. Vie organique, l'ensemble des fonctions purement végétatives ; vie animale, l'ensemble des fonctions de relation.

  • 2En particulier, la vie de l'homme. Pour moi, je vous confesse ma poltronnerie ; je suis acoquiné à la vie ; et, quelque mauvais lieu que j'habite, quelque incommodité que j'y reçoive, j'aurais peine à déménager, Guez de Balzac, Lett. à Conrart, 21 juill. 1653. Voilà le style de ces grandes âmes [les premiers chrétiens] qui méprisaient la mort comme si elles eussent eu un corps de louage et une vie empruntée, Guez de Balzac, Socr. chrétien, 3. La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste, Corneille, Cinna, IV, 3. Vous n'avez pas la vie ainsi qu'un héritage, Corneille, Poly. IV, 3. La vie est bonne en soi et le plus grand bien du monde, mais le plus mal ménagé, La Rochefoucauld, Max. au mot Vie. Le temps de notre vie n'est qu'une ombre qui passe, et après la mort il n'y a plus de retour, Sacy, Bible, Sagesse, II, 5. Ne quittons pas cet amour que la nature nous a donné pour la vie, puisque nous l'avons reçu de Dieu ; mais que ce soit pour la même vie pour laquelle Dieu nous l'a donné, et non pas pour un objet contraire, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Entre nous et l'enfer ou le ciel, il n'y a que la vie entre deux, qui est la chose du monde la plus fragile, Pascal, Pens. IX, 3, édit. HAVET. Quand je considère la petite durée de ma vie absorbée dans l'éternité précédant et suivant, Pascal, Pens. XXV, 16. Nous perdons la vie avec joie, pourvu qu'on en parle, Pascal, ib. II, 2 bis. Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être ; nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, Pascal, ib. II, 1. La honte d'avoir entrepris sur la vie d'une princesse si bonne et si généreuse, Bossuet, Reine d'Anglet. Dans ses premières guerres il [Condé] n'avait qu'une seule vie à lui offrir [au roi] ; maintenant il en a une autre [celle de son fils] qui lui est plus chère que la sienne, Bossuet, Louis de Bourbon. Ne lui dites pas que la vie d'un premier prince du sang, si nécessaire à l'État, doit être épargnée, Bossuet, ib. J'entre dans la vie avec la loi d'en sortir ; je viens faire mon personnage, je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître, Bossuet, Sermons, Fragment sur la brièveté de la vie. Pyrrhus rend à l'autel son infidèle vie, Racine, Andr. v, 3. Il tombe sur son lit sans chaleur et sans vie, Racine, Brit. v, 5. Je vois de quel succès leur fureur fut suivie, Et que dans les tourments ils laissèrent la vie, Racine, Esth. II, 3. … Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie, Racine, Phèdre, v, 6. On est maître de la vie des autres quand on ne compte plus pour rien la sienne, Fénelon, Tél. XX. Ôtez-moi la vie que je ne saurais supporter, Fénelon, ib. I. Ce qui me perça le cœur fut que je crus que Mentor avait perdu la vie, Fénelon, ib. IV. La vie est un sommeil ; les vieillards sont ceux dont le sommeil a été plus long : ils ne commencent à se réveiller que quand il faut mourir, La Bruyère, XI. Il n'y en a pas un à qui la vie n'ait manqué, avant qu'il en eût fait l'usage qu'il en voulait faire, Fontenelle, Dial. 6, Morts mod. Les grands intérêts sont tout ce qui remue fortement les hommes ; et il y a des moments où la vie n'est pas leur plus grande passion, Fontenelle, Réfl. poét. 8. Notre vie, pour ainsi dire, nous est moins chère que nous, que nos passions, Marivaux, Marianne, 5e part. La vie m'a été donnée comme une faveur ; je puis donc la rendre lorsqu'elle ne l'est plus, Montesquieu, Lett. pers. 76. Il faut avouer que la vie ressemble au festin de Damoclès : le glaive est toujours suspendu, Voltaire, Lett. d'Argental, 18 août 1767. Quand je vous aurai répété que la vie est un enfant qu'il faut bercer jusqu'à ce qu'il s'endorme, j'aurai dit tout ce que je sais, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 22 juill. 1761. Quand on a tout perdu, quand on n'a plus d'espoir, La vie est un opprobre, et la mort un devoir, Voltaire, Mérope, II, 7. Rarement le dernier âge de la vie est-il bien agréable ; on a toujours espéré assez vainement de jouir de la vie, et à la fin tout ce qu'on peut faire, c'est de la supporter, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 6 janv. 1764. Il [le président Hénault] a vécu quatre-vingt-deux ans ; ce n'est qu'un jour ; on aime la vie, mais le néant a du bon, Voltaire, ib. 1er nov. 1769. Il faut du temps pour vous exposer tout ce que je pense sur le sort de l'homme et sur le vrai prix de la vie, Rousseau, Ém. IV. Quand une fois l'ennui de vivre l'emporte sur l'horreur de mourir, alors la vie est évidemment un grand mal, Rousseau, Hél. III, 21. Il est défendu de quitter son poste sans la volonté de celui qui commande ; le poste de l'homme est la vie, Diderot, Opin. des anc. philos. (Pythagorisme). Dans ton sein [de la nature] qu'est-ce qu'une vie ? Ce qu'est une goutte de pluie Dans les bassins de l'océan, Lamartine, Harm. IV, 9. Quand tous les dons que l'homme envie, à son gré semblent accourir, Quand de la fortune asservie On n'a plus rien à conquérir, C'est alors qu'on aime la vie, C'est alors qu'il faudrait mourir, P. Lebrun, Mort de Nap. IV.

    Aimer plus que sa vie, aimer passionnément. Mme de Guénegaud, qui a non-seulement perdu son cadet à Bonn, mais son fils aîné qu'elle aimait plus que sa vie, Sévigné, 9 nov. 1689.

    Terme de jurisprudence. Vie naturelle, le cours de la vie selon la nature.

    Vie civile, état que tient dans l'ordre politique celui qui n'en est pas déchu. La vie civile n'a pas plus à craindre [que la physique] de cet esprit-là [le pyrrhonisme] ; car les sceptiques n'ont jamais nié qu'il ne faille se conformer aux coutumes de son pays, Anal. de Bayle, t. III, p. 401.

    Être entre la vie et la mort, être dans un extrême péril, soit par maladie, soit autrement. Ô Dorido, mon fils, dit le vieillard, ma fille est entre la vie et la mort, Lesage, Guz. d'Alf. IV, 2.

    Fig. Sa vie ne tient plus qu'à un fil, il est moribond, il est à toute extrémité.

    Fig. Il n'a qu'un filet de vie, qu'un souffle de vie, se dit d'un homme infirme, qui n'a point de vigueur.

    Donner la vie, mettre au monde. Elle a donné la vie à une fille.

    Donner la vie à son ennemi, lui accorder merci, ne pas le tuer, quoiqu'on le puisse.

    Le prince a donné la vie, a accordé la vie, a fait grâce de la vie à ce condamné, il a empêché, en vertu de son autorité, que l'arrêt de condamnation ne fût exécuté. Télémaque obtint des rois qu'on lui donnerait la vie [à l'auteur d'un complot], parce qu'il la lui avait promise, Fénelon, Tél. XX.

    Demander la vie, implorer la pitié d'un ennemi vainqueur. Il criait : la vie ! la vie ! Il a honte de demander la vie, et il ne peut s'empêcher de témoigner qu'il la désire, Fénelon, Tél. XX.

    Il ne donne plus signe de vie, il est mort.

    Fig. Ne pas donner signe de vie, ne témoigner par rien qu'on existe. Il [le gouverneur de Lerida] nous laissa faire les approches de la place, sans donner signe de vie, Hamilton, Gram. 7. Sans lui donner le moindre signe de vie sur sa dette, Hamilton, ib. 9.

    Il doit la vie à cet homme, il lui est obligé de la vie, se dit de celui à qui un homme a sauvé ou conservé la vie.

    On dit de même : Après Dieu, il ne tient sa vie que d'un tel.

    Par exagération, y mettre sa vie, soutenir quelque chose en se déclarant prêt à mourir si la chose n'est pas. En ce cas-là volontiers gagerai, Reprit Guillaume, et j'y mettrais ma vie, La Fontaine, Orais.

    Revenir de mort à vie, revenir, contre toute espérance, d'une maladie très grave.

    Aller de vie à trépas, mourir.

  • 3L'espace de temps qui s'écoule entre la naissance et la mort. La moitié de la vie se passant en sommeil, Pascal, Pens. VIII, 1. La vie est trop courte, et la mort nous prend que nous sommes encore tout pleins de nos misères et de nos bonnes intentions, Sévigné, Lett. à Bussy, 27 juin 1679. La vie est courte, mon cher cousin, c'est la consolation des misérables et la douleur des gens heureux, et tout viendra au même but, Sévigné, ib. 15 déc. 1685. La vie, déjà raccourcie, s'abrège encore par les violences qui s'introduisent dans le genre humain, Bossuet, Hist. II, 1. Aussitôt qu'on cesse de compter les heures et de mesurer notre vie par les jours et par les années, Bossuet, Duch. d'Orl. Nous avouerons franchement, à l'exemple de notre abbesse, que nous devons mesurer la vie par les actions, non par les années, Bossuet, Yolande de Monterby. Hélas ! si jeune encore, Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur ? Ma vie à peine a commencé d'éclore, Racine, Esth. I, 5. La vie est courte et ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer ; l'on remet à l'avenir son repos et ses joies…, La Bruyère, XI. Nous ne songeons point à la mort, parce que nous ne savons où la placer dans les différents âges de notre vie, Massillon, Carême, Sur la mort. La satire ment sur les gens de lettres pendant leur vie, et l'éloge ment après leur mort, Voltaire, Lett. de Bordes, 10 janv. 1769. J'ai vécu ; j'ai passé ce désert de la vie Où toujours sous mes pas chaque fleur s'est flétrie, Lamartine, Méd. I, 18. Ce n'est pas le plus bel endroit de sa vie, ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux. Ce ne sera jamais là le plus bel endroit de sa vie, Marivaux, Marianne, 8e part.

    Élixir de longue vie, nom donné à une sorte d'élixir.

    Eau-de-vie, voy. EAU, n° 19.

    Vie moyenne, la part de vie qu'en moyenne peut espérer un nouveau-né. La vie moyenne des enfants d'un an est de trente-trois ans ; celle d'un homme de vingt et un ans est aussi à peu près de trente-trois ans, Buffon, Prob. de la vie, Œuv. t. x, p. 257. On sait que la longueur moyenne de la vie des hommes, à compter depuis le moment de la naissance, est d'environ vingt-sept ans, D'Alembert, Œuv. t. IV, p. 298.

    Si Dieu lui prête vie, si la volonté de Dieu est qu'il vive. Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie, La Fontaine, Fabl. v, 3.

  • 4Une partie considérable du cours de la vie. Il est estropié pour toute sa vie. Nous passons près des rois tout le temps de nos vies à souffrir des mépris et ployer les genoux, Malherbe, I, 3. Avez-vous cependant une pleine assurance D'avoir assez de vie ou de persévérance ? Corneille, Poly. I, 1. Quand il l'ouït ronfler comme s'il n'eût fait autre chose toute sa vie, Scarron, Rom. com. I, 6. La vie de l'homme est misérablement courte ; on la compte depuis la première entrée dans le monde, Pascal, Pass. de l'amour. La vie est pleine de choses qui blessent le cœur, Sévigné, 212. La Champmeslé [célèbre actrice] est quelque chose de si extraordinaire, qu'en votre vie vous n'avez rien vu de pareil, Sévigné, 1er avr. 1672. Au lieu de l'histoire d'une belle vie, nous sommes réduits à faire l'histoire d'une admirable, mais triste mort, Bossuet, Duch. d'Orl. Est-on, disait-il, dans les places pour se reposer et pour vivre ? ne doit-on pas sa vie à Dieu, au prince et à l'État ? Bossuet, le Tellier. Bassien ou Caracalla… passa sa vie dans la cruauté et dans le carnage, Bossuet, Hist. I, 10. Dieu tonne du plus haut des cieux ; le redouté capitaine tombe au plus beau temps de sa vie, Bossuet, Anne de Gonz. Embrassez la belle pratique où, sans se mettre en peine d'attaquer la mort, on n'a besoin que de s'appliquer à sanctifier sa vie, Bossuet, Mar.-Thér. Mais vous savez trop bien l'histoire de ma vie, Pour croire…, Racine, Mithr. III, 1. Pour Antiope, ce que je sens n'a rien de semblable… c'est goût, c'est estime, c'est persuasion que je serais heureux si je passais ma vie avec elle, Fénelon, Tél. XXII. Une vie est souvent heureuse ou malheureuse Par les endroits qu'on n'en voit pas, Lamotte, Fabl. II, 5. Du courage : il faut bien s'amuser dans la vie, Collin D'Harleville, Malice pour malice, I, 5.
  • 5L'existence terrestre. La vie présente. Ils passèrent de cette vie à une autre meilleure, Naudé, Apologie, p. 449. La vie de l'homme sur la terre est une guerre continuelle, et ses jours sont comme les jours d'un mercenaire, Sacy, Bible, Job, VII, 1. Cette vie est le temps de croire, comme la vie future est le temps de voir, Bossuet, Concupisc. 1. Si cette vie est le champ fécond dans lequel nous devons semer pour la glorieuse éternité…, Bossuet, Yolande de Monterby. Vous exigez des gens de bien une exemption de tout défaut et un degré de perfection qui n'est pas de cette vie, Massillon, Carême, Injust. du monde.

    Fig. En termes de spiritualité, la vie des sens, les sentiments terrestres et mondains. Tout ce qui plaît, tout ce qui flatte, tout ce qui nourrit la vie des sens, devient un besoin dont vous ne pouvez plus vous passer, Massillon, Carême, Prospér. temp.

  • 6L'existence de l'âme après la mort. La vie future. L'espérance d'une autre vie. Hésiode garde constamment le silence sur une autre vie, et revient plusieurs fois sur les promesses de récompenses et de peines temporelles, Lévesque, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. II, p. 18.

    La vie éternelle, ou, absolument, la vie, état des bienheureux dans le ciel. Simon Pierre lui répondit : à qui irons-nous, Seigneur ? vous avez les paroles de la vie éternelle, Sacy, Bible, Év. St Jean. VI, 69. Jésus-Christ a dit dans son Evangile : Combien est étroit le chemin qui mène à la vie ! Bossuet, Reine d'Anglet.

    Le livre de vie, voy. LIVRE 1, n° 2.

  • 7 Fig. Renaissance spirituelle, communion, baptême. Nous avons fait à Dieu mille promesses en approchant du tribunal sacré où nous avons trouvé une nouvelle vie, Massillon, Carême, Pâques. Un pontife sacré viendra jusqu'en ces lieux Vous apporter la vie et dessiller vos yeux, Voltaire, Zaïre, III, 4.

    Se nourrir du pain de vie, communier.

    En termes de dévotion. La grâce est la vie de l'âme. La charité qui est l'âme et la vie de la grâce, Pascal, Prov. v.

    Vie spirituelle, voy. SPIRITUEL, n° 2.

  • 8 Fig. Vie de réputation, seconde vie, réputation qui dure après la mort. Mais peut-être que, prêt à mourir, on comptera pour quelque chose cette vie de réputation, ou cette imagination de revivre dans sa famille qu'on croira laisser solidement établie ; qui ne voit, mes frères, combien vaines, mais combien courtes et combien fragiles sont encore ces secondes vies que notre faiblesse nous fait inventer pour couvrir en quelque sorte l'horreur de la mort ? Bossuet, le Tellier.
  • 9Principe d'existence et de force. Il y a bien de la vie dans ce vieillard, dans ce malade. Si toutefois, après ce coup mortel du sort, J'ai de la vie assez pour chercher une mort, Corneille, Poly. II, 2. Dans les cruelles mains par qui je fus ravie Je demeurai longtemps sans lumière et sans vie, Racine, Iphig. II, 1.

    Fig. Donner, redonner, rendre la vie, se dit de ce qui rassure, ranime, réconforte. Par votre lettre qui me donne la vie, nous voyons votre triomphe quasi assuré, Sévigné, 175. Pour cet hiver, l'espérance de vous avoir me donne la vie, Sévigné, 28 mars 1676. Ah ! je respire, Arsace, et tu me rends la vie, Racine, Bérén. III, 2.

    Fig. Rendre la vie à une institution, à une corporation, en ranimer le principe, la force. La mort de Lalli ne rendit pas la vie à la compagnie des Indes ; elle ne fut qu'une cruauté inutile, Voltaire, Pol. et lég. Fragm. hist. Inde, 20.

  • 10Ce qui est dans les compositions des lettres ou des beaux-arts comme la vie dans un corps. Le coloris donne la vie à un tableau. Des vérités audacieuses, des expressions pleines de vie que la réflexion solitaire n'aurait pas fait naître, Staël, Corinne, III, 3.

    Il y a bien de la vie dans ce tableau, il y a de l'action, les figures en sont fort animées.

    Ce style, ce discours est sans vie, il est sans force, sans énergie.

    Dans le sens contraire : Ce discours, ce style a de la vie, est plein de vie.

    Terme de peinture et de sculpture. Caractère, expression naturelle dans les visages et les gestes des figures ; apparences de la vie. Ce portrait est plein de vie.

  • 11Ce qui regarde la nourriture et la subsistance. Il a très peu de bien, il n'a que la vie et le vêtement. Les ouvriers qui gagnaient leur vie en faisant de petits temples d'argent de la Diane d'Éphèse, Bossuet, Hist. II, 12. Ils [les Parisiens assiégés par Henri IV] voyaient devant eux ces piques formidables… Ces lances qui toujours avaient porté la mort… Au bout d'un fer sanglant leur apporter la vie, Voltaire, Henr. x.

    Demander sa vie, demander l'aumône. Ceux qui subsistaient par leur travail sont réduits à la honte de mendier leur vie, Bossuet, 3e sermon pour le jeudi de la Passion, Intégr. 3.

    Être de grande, de petite vie, manger beaucoup, ne manger guère.

    La vie est chère, la vie est à bon marché dans ce pays, les denrées y sont à un prix élevé, à bas prix. Je reçois mille présents de tous côtés ; c'est la mode du pays, où d'ailleurs la vie ne coûte rien du tout : enfin, trois sols deux poulets, et tout à proportion, Sévigné, 278. La vie n'est pas chère à Rome pour quelqu'un de domicilié, Duclos, Œuv. t. VII, p. 90. La vie est à bon marché à Saint-Germain, Genlis, Veillées du château t. I, p. 111.

  • 12La manière dont on se nourrit, dont on se traite, dont on se divertit. Venez souper chez moi ; nous ferons bonne vie, La Fontaine, Fabl. I, 14. La galande fit chère lie, Mangea, rongea : Dieu sait la vie, La Fontaine, ib. III, 17. Dansant, chantant, menant joyeuse vie, La Fontaine, Mari confess. J'avais une véritable envie de le voir, et de lui conter la bonne vie que nous avions faite à Langlar, Sévigné, 364. De la manière dont les jeux et les plaisirs sont à votre suite, c'est proprement le carnaval que la vie que vous faites, Sévigné, 406. Je vous envoie le Mondain ; c'était à vous de le faire : j'y décris une petite vie assez jolie ; mais que celle qu'on mène avec vous est au-dessus ! Voltaire, Lett. en vers et en prose, 50 (au comte de Tressan)

    Absolument. Faire la vie, se livrer à toutes sortes d'amusements, mener une vie débauchée. Et quand on en médirait, Tant que l'hiver durerait, Elle passerait son envie, Et ferait jour et nuit la vie, Scarron, Virg. IV.

    Faire une terrible vie, se livrer à des excès. Mais vous-même, à propos, Vous avez fait tantôt une terrible vie, La Fontaine, Joc.

  • 13Manière de vivre. Mener une vie douce. Il coule doucement sa vie, ou, familièrement, il roule doucement sa vie. Vous ne sauriez imaginer combien la vie que j'y fais [en Espagne] est différente de la mienne passée, Voltaire, Lett. 23. Ces vies brutales où je vois que plusieurs personnes de votre condition se laissent emporter, Pascal, Condition des grands, 3. Les pensées pures… le fatiguent et l'abattent [l'homme] ; c'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accommoder, Pascal, Pass. de l'amour. M. de Pompone aura besoin de toute sa raison pour oublier parfaitement ce pays-là [la cour], et pour reprendre la vie de Paris, Sévigné, 398. Vous voyez ma vie ces jours-ci, ma chère fille ; j'ai de plus la douleur de ne vous avoir point, Sévigné, 15 avril 1672. L'on y fait [à Bourbon] la vie des eaux, qui est tout uniforme et tout appliquée à la santé, Sévigné, 25 sept. 1687. Nous faisons une vie si réglée, qu'il n'est pas quasi possible de se mal porter, Sévigné, 29 juin 1689. La simplicité d'une vie particulière qui goûte doucement et innocemment ce peu de biens que la nature nous donne, Bossuet, Duch. d'Orl. Il [Abraham] mena toujours une vie simple et pastorale, Bossuet, Hist. I, 3. Jusque-là ils avaient mené une vie sauvage et brutale, Fénelon, Tél. II. Il sera impossible de s'imaginer une vie de courtisan plus brillante et plus délicieuse, Fontenelle, Dangeau. Si j'étais à Paris, j'y mourrais bien vite de la vie qu'on y mène, Voltaire, Lett. Vaines, 6 nov. 1776. Je m'imagine que la vie de château est une triste chose, Genlis, Théât. d'éduc. II, 4. Elles s'en allaient avec leurs époux, prêtes à recommencer le lendemain une vie qui ne différait de celle de la veille que par la date de l'almanach et la trace des années, Staël, Corinne, XIV, 1. Faire vie qui dure, ménager son corps, sa santé, ses ressources. On tâche de régler les rangs, afin de faire vie qui dure avec des gens si loin d'être rétablis, Sévigné, 506.

    Tourmenter sa vie, se donner beaucoup de mouvement, s'agiter.

    Rendre la vie dure à quelqu'un, le tourmenter, le chagriner à tout propos. Larochefoucauld aimait moins que médiocrement ses enfants, il leur rendait la vie fort dure, Saint-Simon, 229, 71.

  • 14La vie considérée au point de vue moral. Rien n'est si difficile, selon le monde, que la vie religieuse ; rien n'est plus facile que de la passer selon Dieu, Pascal, Pens. XXIV, 27. Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne ; mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie, Pascal, ib. XXIV, 64. Il [le cardinal de Retz] se porte très bien, et fait une vie très religieuse, Sévigné, 31 juill. 1675. On n'a ici nulle attention à la vie, et on compte pour tout de recevoir les sacrements à la mort, Maintenon, Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 249, dans POUGENS.

    Certificat de bonne vie et mœurs, certificat constatant qu'une personne a une conduite régulière. Vos actes de foi et informations de vie et mœurs n'arrivèrent que le propre jour qu'on tenait le premier chapitre, et par conséquent trop tard, Sévigné, 514. De sa vie et mœurs il faut faire d'abord quelque information, Dancourt, Enf. de Paris, v, 1.

    Familièrement. Faire vie de garçon, mener une vie libre et peu régulière.

    Familièrement. Mener une vie de bohême, vivre comme un bandit, comme un homme qui n'a ni feu ni lieu.

    Femme de mauvaise vie, prostituée. Lorsque dix ou douze chiens qui suivaient une chienne de mauvaise vie, vinrent à la suite de leur maîtresse se mêler parmi les jambes des musiciens, Scarron, Rom. com. I, 15.

    Un homme de mauvaise vie, un homme débauché, sans mœurs. Il est allé loger chez un homme de mauvaise vie, Sacy, Bible, Évang. St Luc, XIX, 7.

    Populairement. Mener une vie de cochon, vivre dans la crapule, dans la débauche.

  • 15Il se dit par rapport aux occupations et aux professions différentes de la vie. Une vie active, laborieuse. Vie active. Vie contemplative. La vie des champs. La vie des camps. Nous avons vu qu'Abraham suivait le genre de vie que suivirent les anciens hommes, Bossuet, Hist. II, 2. Ceux qui de Dominique ont embrassé la vie, Voltaire, Henr. v. La vie religieuse est un combat, et non pas un hymne, Staël, Corinne, x, 5.
  • 16 Absolument. La vie, la manière dont se comporte le monde. Que voulez-vous ? c'est la vie. Un caractère essentiel de la langue française, celui qui la rend si propre aux sciences, aux affaires, à la vie, celui qu'elle ne peut perdre sans changer tout à fait, la clarté…, Villemain, Dict. de l'Acad. Préface.

    Dans la vie, dans l'usage habituel. Dans la vie, le jour est l'intervalle de temps depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, Laplace, Exp. I, 3.

  • 17 Fig. Il se dit de ce qui fait la principale affection, la principale occupation. L'étude est sa vie. La moitié de ma vie [mon amant] a mis l'autre [mon père] au tombeau, Corneille, Cid, III, 3. Votre amour est ma vie, et ma vie est à vous, Corneille, Sertor. III, 4. Je suis toute à vous, ma très chère, et cette amitié fait ma vie, Sévigné, 292. Vous devez passer votre vie à aimer et à penser ; c'est la véritable vie des esprits, Voltaire, Micromégas, 7. L'Indien s'enfonça dans la cyprière, non sans tourner la tête vers le lieu où reposait la vie de sa vie [son ami], Chateaubriand, Natch. XI.
  • 18Histoire, récit des choses remarquables de la vie d'un homme. Les vies des saints. Je me divertis à faire la vie de mon exempt, qui était aussi fripon que Lazarilles de Tormes, Retz, IV, 283. Il [l'évêque du Puy] a fait la vie de ma grand'mère, Sévigné, 406. On appelle Histoire auguste celle de six auteurs latins qui ont écrit les vies des empereurs romains depuis Adrien jusqu'à Carin, Rollin, Hist. anc. liv. XXV, ch. II, 2. Presque toutes les vies des hommes célèbres ont été défigurées par des contes, Voltaire, Mél. litt. Lett. sur Rabelais, I. L'occupation pour les jours de pluie, fréquents en ce pays, est d'écrire ma vie : non ma vie extérieure comme les autres ; mais ma vie réelle, celle de mon âme, l'histoire de mes sentiments les plus secrets, Rousseau, Lett. à milord Maréchal, Corresp. t. II, p. 80, dans POUGENS.

    On met un grand V, quand il s'agit d'un ouvrage portant ce titre. Les Vies de Plutarque. Avez-vous lu la Vie du grand Théodose, par l'abbé Fléchier ? je la trouve belle, Sévigné, 29 mai 1679.

    Il nous a raconté toute sa vie, il nous a fait le récit de tout ce qui lui est arrivé.

    On dit dans le même sens : mémoires de sa vie.

  • 19 Familièrement, vie, avec quelque épithète, crierie qu'on fait en querellant, en réprimandant. Ce sont des vies continuelles dans cette maison. Mais vous pensez en vain chercher une défaite ; Demandez-lui, monsieur, quelle vie on m'a faite, Corneille, Suite du Ment. III, 3. Dieu sait la vie… elle tance Isabeau, La Fontaine, Cloch. Il [un enfant malade] dit qu'il veut seulement le faucon De Frédéric, pleure et mène une vie à faire gens de bon cœur détester, La Fontaine, Faucon. Votre frère est à Saint-Germain ; il est entre Ninon et une comédienne, et Despréaux sur le tout ; nous lui faisons une vie enragée, Sévigné, 29. Bon Dieu ! si j'en avais fait autant [se baigner dans une rivière], quelle vie vous me feriez ! Sévigné, 19 août 1676.
  • 20Arbre de vie, thuya.
  • 21 Terme d'alchimie. Vie et mort, le soufre et le mercure des philosophes.
  • 22 Par forme de serment. Sur la vie, très certainement ou très expressément. Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie, La Fontaine, Fabl. IV, 4. Gardez-vous sur votre vie, D'ouvrir que l'on ne vous die, Pour enseigne et mot du guet : Foin du loup et de sa race, La Fontaine, Fabl. IV, 15.

    Merci de ma vie ! espèce de jurement populaire. Eh ! merci de ma vie ! il en irait bien mieux, Si tout se gouvernait par ses ordres pieux, Molière, Tart. I, 1.

    Vertu de ma vie ! autre jurement. Vertu de ma vie ! à tout moment il me prend envie d'aller en Poitou, Scarron, Œuv. t. I, p. 180.

  • 23En vie, loc. adv. Vivant. C'est par là qu'on publie Ce prodige étonnant d'Héraclius en vie, Corneille, Héracl. II, 1. On croit que, quand on leur arrache le cœur [aux vipères, pour en faire du bouillon], c'en est fait, qu'on n'en entendra plus parler ; point du tout ; elles sont encore en vie, elles remuent encore, Sévigné, 382. Ton oncle, dis-tu, l'assassin, M'a guéri d'une maladie : La preuve qu'il ne fut jamais mon médecin, C'est que je suis encore en vie, Boileau, Épigr. XX. Il faudrait que je fusse mort pour être indifférent ; il est vrai que je ne suis guère en vie, et qu'on peut même, dans sa quatre-vingt-troisième année, n'être pas fort exact à écrire, quand on est accablé de maladies comme je le suis, Voltaire, Lett. Delille, 14 mars 1776. Vous êtes en vie ; mais comment ? vous n'en saurez jamais rien, Voltaire, Lett. M. L. C. 1768. Aimer un mari mort ! fi donc ! quelle folie ! On a bien de la peine à les aimer en vie, Legrand, Famille extrav. sc. 11.
  • 24Tout en vie, plein de vie, d'avenir, de force. Ce prélat [l'évêque d'Angers]… hormis la vue, est encore tout en vie à quatre-vingt-douze ans passés, Sévigné, 21 mars 1689. Un abbé de la Mothe… est mort tout en vie en deux jours, lorsqu'il se vantait de sa santé, Sévigné, 21 mars 1689. Barbezieux mourut tout en vie avec fermeté au milieu de sa famille, Saint-Simon, 85, 103.

    Terme de menuisier. Tout en vie ou à vif, se dit d'une planche qui entre dans une autre ou dans un bâti, sans qu'on ait rien diminué de son épaisseur ; se dit semblablement d'une porte, etc.

  • 25De la vie, de ma vie, de sa vie, etc. loc. adv. avec la négation, jamais. De ma vie je n'ai vu pareille chose. Vous n'avez de votre vie été si jeune que vous êtes, et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous, Molière, l'Av. II, 6. Des notions que vous n'effacerez de la vie, Rousseau, Ém. I.
  • 26Pour la vie, à la vie et à la mort, pour toujours. Je suis son ami pour la vie. Ils se séparent pour la vie. Je suis aise, messieurs, de vous déclarer à tous que j'aime Rosny plus que jamais, et que, entre lui et moi, c'est à la vie et à la mort, Collé, Partie de chasse de Henri IV, I, 6.

    Pour la vie, signifie aussi pour longtemps. Cette étoffe est excellente, on en a pour la vie.

  • 27À vie, loc. adv. Pendant tout le temps qu'on a à vivre. Une pension à vie. Bail à vie. Emploi à vie. Je ne sais point faire marché à vie ; c'est un métier trop périlleux, Regnard, Sérénade, sc. 1.

    On dit dans le même sens : Ma vie durant, sa vie durant. Il a la jouissance de cette maison, sa vie durant.

  • 28Frères de la vie commune, société fondée par Gérard Groot en 1384, où des personnes de savoir et de piété, vivant en commun de leur apport, s'occupaient à instruire la jeunesse.

PROVERBES

Telle vie, telle fin, ou telle vie, telle mort, c'est-à-dire on meurt de la même manière qu'on a vécu.

Vie de cochon, courte et bonne vie passée dans la crapule, et abrégée par les excès.

Qui a temps a vie, on a chance de sauver sa vie, ses biens, quand on a devant soi du temps, du loisir.

On a toujours plus de biens que de vie, se dit comme leçon aux avares qui se tuent pour en amasser.

C'est une vie de chien, se dit d'une vie mesquine, chétive, malheureuse.

On dit chienne de vie, dans le même sens. Quel chien de train, quelle chienne de vie ! Rousseau J.-B. Épigr. IV, 5.

HISTORIQUE

XIe s. La mortel vithe li prist mult à blasmer ; De la celeste li mostret veritet, St Alexis, XII. La vithe est fraile, n'i ad durable honur, ib. XI. Out [il eut] pais de vie et de membre, Lois de Guill. 1. En Saragoce menez vostre ost banie ; Metez le sege [assiégez] à [pendant] tute vostre vie, Ch. de Rol. XI. N'aurez mais guere en tute vostre vie, ib. XLIII. Si calengez e vos morz e vos vies, ib. CXLI. Deux ! dist li reis, si penuse est ma vie, ib. CCXCIII.

XIIe s. De mort à vie [tu] suscitas Lazaron, Ronc. p. 48. Jamais en vie un seul ne reverrez, ib. p. 101. Fors seul itant qu'ele ne me fait don De li [l'] aimer pour alonger ma vie, Couci, II. En vostre amour, qui donra mort ou vie, ib. XX. À prendre li convient [il lui faut] vie d'home sauvage, Et gesir mainte nuit alvent et al orage, Sax. XXVI. Mult sovent le blasmeient que tel vie meneit, Kar il ert [était] granment fiebles, e trop se destreigneit, Th. le mart. 93.

XIIIe s. Gloire done au preudome une seconde vie, c'est-à-dire que après sa mort la renomée qui remaint [reste] de ses bones oevres fait sembler que il soit encore en vie, Latini, Trésor, p. 450. La vie active est l'innocence des bones oevres, Latini, ib. p. 458. L'un ot non Carloman, qui fu de bonne vie, Berte, II. Car nus [nul] ne vient à vie [que] ne conviene finer, ib. III. Se j'avoie cent vies…, ib. XLVI. Se Diex lui donnoit vie, qui sur tout a pooir, ib. LXV. Et ainsi [elle] nous formaine par sa mauvaise vie, ib. LXXII. Dont [donc] ne li faites mie du cor la vie oster, ib. XCVII. Ne porquant il emporte le [la] saiszine, dusqu'à tant que li engagemens à vie sera provés, Beaumanoir, XXIV, 4. Touz crioient à nostre Seigneur que il li donnast bone vie et longue, Joinville, 202.

XIVe s. Li tournoys commencha, à chascune partie ; Qui veïst chevalier demener gaie vie…, Beaud. de Seb. III, 753. Nourrie avoit [elle] esté de petite vie, comme du labour de son pere, Ménagier, I, 6. Item que toutes les filles de vie [filles publiques]… facent leurs bouticles es lieux à ce ordonnez d'ancienneté, Du Cange, vita.

XVe s. Et pour ce que de jone vie Te voi [je te vois]…, Froissart, Espin. amour. Disoyent bien entre eux : certes se le comte peut, il nous destruira tous ; il nous aime bien, il n'en veut que les vies, Froissart, liv. II, p. 81, dans LACURNE. Nous nous vendrions cherement, tellement qu'on en parleroit cent ans après nos vies, Froissart, liv. I, p. 410. Et luy fut dit et deffendu de par le duc de Glocestre, qu'il ne s'embesongnast plus, si cher comme il aimoit sa vie, des besongnes du roy d'Angleterre, Froissart, liv. III, p. 226. Et je et tous ceux que je pourrai prier, y mettrons les vies [nous exposerons notre vie pour cela], Froissart, I, I, 4. Ung malade s'en gueriroit, Et ung mort reviendroit en vie, Orléans, Rondeau. Il ne fit nulle execution contre ces malfaiteurs, jusqu'à ce qu'il pust prouver leur vie [conduite], Monstrelet, I, 47. Nulz ne puet estre parfait, Ne mener joieuse vie, S'amour joieux ne le fait, Qui soutient chevalerie ; Elle seroit tost perie… Il n'est vie que d'amer, Deschamps, Poésies mss, f° 163. Se ceans aucun parle de Bruyant devant luy, il maine telle vie que à peine le peult on appaiser, Perceforest, t. IV, f° 27.

XVIe s. La vie est une fleur espineuse et poignante, Belle au lever du jour, seiche en son occident, Desportes, Œuvres chrestiennes, sonnets, 12. L'humaine vie à bon droit se compare Aux vaines fleurs dont le printans se pare, Desportes, Épitaphes, Diane, complainte. Vous avez pris le secret sur votre vie, et sur votre vie tombera la punition, Marguerite de Navarre, Nouv. LXX. Par vostre lectre j'ay receu une nouvelle vie, dont je vous proumets, Monseigneur, j'avois besoing, Marguerite de Navarre, Lettre CIV. Il gaigne sa vie à se faire voir, Montaigne, I, 109. Je suis d'advis que tu quittes cette vie là, ou la vie tout à faict, Montaigne, I, 251. C'estoit un mangeur excessif ; car il devoroit la vie de neuf ou dix personnes pour le moins, à un repas, Despériers, Contes, LXXV. Montluc travailla si bien, et fit si bien travailler l'evesque de Dax, Bazin de Blois, qui sçavoit sa vie [son métier] à ce jeu là, et autres emissaires, que…, D'Aubigné, Hist. II, 65. Ou bien qu'il participoit au butin, car il en estoit de grand vie [grand coureur de filles], Carloix, VI, 4. L'oye, entre tous les oyseaux de riviere, et qu'on appelle de l'une et l'autre vie, pour se nourrir en terre et en eau, est celui qui desire le moins l'humidité, De Serres, 372. Joyeuse vie pere et mere oublie, Génin, Récréat. t. II, p. 241.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, veie ; provenç. vita, vida, via ; espagn. vida ; ital. vita ; du lat. vita (voy. VIVRE) ; gaél. bith ; bas-breton, buez.