« vieillir », définition dans le dictionnaire Littré

vieillir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vieillir

(vié-llir, ll mouillées, et non vié-yir) v. n.
  • 1Devenir vieux. De quel front, immolant tout l'État à ma fille, Roi sans gloire, j'irais vieillir dans ma famille, Racine, Iph. I, 1. Un homme qui serait en peine de connaître s'il change, s'il commence à vieillir, peut consulter les yeux d'une jeune femme qu'il aborde et le ton dont elle lui parle ; il apprendra ce qu'il craint de savoir, La Bruyère, III. L'on espère de vieillir, et l'on craint la vieillesse, c'est-à-dire l'on aime la vie et l'on fuit la mort, La Bruyère, XI. C'est elle [Mme de Thianges] qui la première a dit qu'on ne vieillit pas à table, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 99, dans POUGENS. On a encore, en vieillissant, un grand plaisir qui n'est pas à négliger, c'est de compter les impertinents et les impertinentes qu'on a vus mourir, les ministres qu'on a vu renvoyer, et la foule de ridicules qui ont passé devant les yeux, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 6 janv. 1764. Soliman vieillissait, et n'était plus si terrible, Voltaire, Ann. Emp. Ferdinand Ier, 1562. Ce qui paraît prouver qu'en général on vieillit beaucoup moins à Londres qu'à Paris, puisque, sur 13189 personnes, il y en a 2799 qui ne meurent qu'après 60 ans révolus à Paris, tandis que, sur ce même nombre, il n'y en a que 1820 qui meurent après 60 ans à Londres, Buffon, Prob. de la vie, Œuv. t. x, p. 554. On vieillit promptement dans les pays chauds, et encore plus vite dans le chagrin, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virgin.
  • 2 Par extension, vieillir dans, demeurer longtemps dans un poste, dans une situation, dans une opinion, dans une croyance. Cet homme avait vieilli dans les emplois, et s'y était acquis beaucoup de réputation, à laquelle sa longue disgrâce donna même beaucoup d'éclat, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 159. Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles [de croire à un Messie temporel], Jésus-Christ est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l'éclat attendu ; et ainsi ils n'ont pas pensé que ce fût lui, Pascal, Pens. XV, 3 bis, éd. HAVET. Rome, qui avait vieilli dans le culte des idoles, avait une peine extrême à s'en défaire, Bossuet, Hist. III, 1. Vous dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition Dans les honneurs obscurs de quelque légion, Racine, Brit. I, 2. Quoique je sois jeune, j'ai déjà vieilli dans l'habitude de ne dire jamais mon secret, Fénelon, Tél. III. Il ne vieillira point dans la classe des officiers subalternes ; c'est de quoi je puis vous assurer, Lesage, Diabl. boit. 5.
  • 3 Fig. Demeurer longtemps, tarder. Prenez donc la poste pour être bientôt ici, et ne vieillissez point en chemin, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 12.
  • 4Il se dit de certaines choses qui avec le temps perdent de leur force. Son talent commence à vieillir. Les choses du monde, quelque nouvelles qu'elles soient, vieillissent en durant, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3. Le cœur ne vieillit pas, je le sais bien ; mais il est dur aux immortels de se trouver logés dans des ruines, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 74. Le roi… lui a répondu : non, monsieur de Talleyrand, non, vous n'êtes point vieux ; l'ambition ne vieillit point, Courier, Livret.
  • 5Prendre certaines qualités par l'effet du temps. Ce vin a besoin de vieillir. Mettre du fromage à vieillir. Laisser vieillir du vin.
  • 6 Fig. Devenir plus faible avec le temps. Qui ne sait que la maison de Bavière est une de ces maisons augustes… dont la gloire ne vieillit point avec le temps ? Fléchier, Dauphin.

    Perdre de sa vogue, passer. Cette opinion, cette mode vieillit. Ce traité de physique a bien vieilli.

    Ce mot de Montesquieu n'a pas vieilli, il conserve toute sa vérité.

    Cette affaire vieillit, on commence à n'y plus prendre intérêt.

    Certaines affaires, surtout les affaires criminelles, amendent en vieillissant, le temps y apporte des adoucissements, on s'en tire plus aisément.

  • 7Devenir suranné, en parlant du style, du langage. Il doit surtout réclamer les mots qu'on a laissés mal à propos vieillir, et dont la proscription a énervé et appauvri la langue au lieu de la polir, D'Alembert, Œuv. t. III, p. 201. Rien, ou presque rien de la langue de Pascal n'a vieilli ; cela prouve sans doute un goût pur et sévère, mais trop sévère et trop exquis, Marmontel, Œuv. t. x, p. 424. On demande pourquoi il est des auteurs dont le style a moins vieilli que celui de leurs contemporains, Marmontel, ib. t. VII, p. 94.
  • 8Paraître vieux. Il ne vieillit point. Mais surtout quel avantage de ne point vieillir ! voilà le comble du bonheur, Sévigné, Lett. à Coulanges, 8 janv. 1690.
  • 9 V. a. Rendre vieux, faire paraître vieux. Les chagrins l'ont bien vieilli. Cette coiffure la vieillit. C'était de ces traits que le temps a moins vieillis qu'il ne les a rendus respectables, Marivaux, Marianne, 6e part. Fi ! cela vieillit une jeune veuve, Rousseau, Hél. VI, 2.

    Fig. C'était [la guerre de Russie] une dernière occasion qu'on se repentirait d'avoir laissée échapper ; on serait importuné des récits glorieux qu'en feraient les autres ; la victoire du jour vieillirait tant celle de la veille ! Ségur, Hist. de Nap. III, 3.

  • 10Donner à un vin, à une liqueur les qualités de la vieillesse. Essence de Cognac pour vieillir les liqueurs spiritueuses.
  • 11Dire plus vieux. Vous me vieillissez ; je n'ai pas encore soixante ans,
  • 12Se vieillir, v. réfl. Se faire paraître, se dire plus vieux qu'on n'est. Il porte perruque pour se vieillir.

    PROVERBE

    Il faut vieillir ou mourir jeune.

REMARQUE

Vieillir, v. n. se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand on veut marquer l'action progressive de vieillir : il a bien vieilli depuis un an ; avec l'auxiliaire être, quand on veut exprimer l'état qui résulte de cette action : il est bien vieilli.

HISTORIQUE

XIVe s. Et sont pluseurs choses natureles, lesqueles nous faisons et souffrons sachans, et desqueles nulle n'est voluntaire ne involuntaire, si come sont villir et morir, Oresme, Éth. 157.

XVe s. Il commençoit à vieillir, Commines, VI, 7. Une armée proffite en labeur, et vieillit en repos, Les triomphes de la noble dame, f° 278, dans LACURNE.

XVIe s. Antigonus, interrogué qui lui sembloit le plus grand capitaine, respondit : Pyrrhus, pourveu qu'il vieillisse, Amyot, Pyrrh. 16. Ce sont des passions, lesquelles ne vieillissent jamais, Amyot, Sylla, 15. L'amoureux qui attend se vieillit en un jour, Ronsard, 265. …ma peine cruelle, Que le temps deust vieillir, sans fin se renouvelle, Desportes, Œuvres chrestiennes, Plainte. Ma raison s'est affoiblie et empirée en vieillissant, Montaigne, III, 271. La vengeance au teint noir, palissant, Qui croist et qui devient plus forte en vieillissant, D'Aubigné, Tragiques, éd. LALANNE, p. 136.

ÉTYMOLOGIE

Vieil ; Berry, vieillezir ; wallon, vîli ; provenç. velhezir. En présence de l'historique qu'on vient de voir, on s'étonne que Vaugelas, Nouv. rem. p. 214, ait dit que vieillir était un mot nouveau, et qu'on ne le trouvait point dans nos anciens auteurs et dictionnaires français.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VIEILLIR. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Ne veillirai jamais en mon aé, Huon de Bordeaux, V. 3560.