« ville », définition dans le dictionnaire Littré

ville

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ville

(vi-l') s. f.
  • 1Assemblage d'un grand nombre de maisons disposées par rues, souvent entourées de murs d'enceinte, de remparts, de fossés. Elle [la paix] met les pompes aux villes. Donne aux champs les moissons fertiles, Malherbe, III, 2. C'est une ville de guerre fort pauvre, les maisons mal entendues et malpropres, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 380. Au milieu de la première guerre punique, Théodote, gouverneur de la Bactrienne, enleva mille villes à Antiochus appelé le dieu, fils d'Antiochus Soter, roi de Syrie, Bossuet, Hist. I, 8. Une grande ville fort peuplée d'artisans occupés à amollir les mœurs par les délices de la vie, quand elle est entourée d'un royaume pauvre et mal cultivé, ressemble à un monstre dont la tête est d'une grosseur énorme, et dont tout le corps exténué et privé de nourriture n'a aucune proportion avec cette tête, Fénelon, Tél. XXII. Il y a une chose qu'on n'a point vue sous le ciel, et que, selon toutes les apparences, on ne verra jamais, c'est une petite ville qui n'est divisée en aucuns partis, où les familles sont unies, et où les cousins se voient avec confiance, La Bruyère, V. Les voyageurs cherchent toujours les grandes villes, qui sont une espèce de patrie commune à tous les étrangers, Montesquieu, Lett. pers. 23. On peut avoir vu toutes les villes du monde, et être surpris en arrivant à Venise, Montesquieu, ib. 31. Paris est peut-être la ville du monde la plus sensuelle, et où l'on raffine le plus sur les plaisirs ; mais c'est peut-être celle où l'on mène une vie plus dure, Montesquieu, ib. 106. Entrez dans une petite ville de province, rarement vous y trouverez un ou deux libraires ; il en est qui en sont entièrement privées, Voltaire, Dict. phil. Goût. Je vais rasant de ville en ville, Beaumarchais, Mar. de Figaro, v, 3. Ébloui, mais lassé de l'éclat de nos villes, Souvent il s'écriait : rendez-moi mes forêts, Delille, Jard. II. Les grandes villes seules conviennent aux personnes qui sortent de la règle commune, Staël, Corinne, XIV, 2. Le silence est profond dans cette ville [Venise] dont les rues sont des canaux ; et le bruit des rames est l'unique interruption à ce silence, Staël, ib. XIX, 7.

    Par la ville, en parcourant les rues de la ville. Suivez-moi, que j'aille un peu montrer mon habit par la ville, Molière, Bourg. gent. III, 1. Prêtez-moi tout deux votre style, Et je ferai des vers galants Que l'on chantera par la ville, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 17.

    La ville est bonne, on y trouve aisément ce dont on a besoin.

    Anciennement. Bonne ville, qualification honorable donnée par les rois de France à certaines villes plus ou moins considérables.

    Être en ville, n'être pas actuellement chez soi. Mais de vous rencontrer il n'est pas bien facile : Car vous dormez toujours, ou vous êtes en ville, Molière, Fâch. III, 2. D'être en ville si tard ils n'ont pas l'habitude, Al. Duval, Tyran domest. IV, 11.

    Dîner, souper en ville, dîner, souper dans une maison où l'on est invité. Qu'on ne m'attende point, je vais dîner en ville, Régnier, Sat. VIII. Estimé de ses amis, voyant bonne compagnie, soupant en ville ou chez lui avec qui il lui plaisait, Mme de Puisieux, Ridic. à la mode, p. 201, dans POUGENS.

    Habit de ville, toilette de ville, habit, toilette que l'on prend pour faire ses visites dans la ville. Le roi leur dit [à Racine et à Boileau] : Je suis fâché que vous ne soyez venus à cette dernière campagne, vous auriez vu la guerre… Racine lui répondit : Sire, nous sommes deux bourgeois qui n'avons que des habits de ville ; nous en commandâmes de campagne : mais les places que vous attaquiez furent plus tôt prises que nos habits ne furent faits ; cela fut reçu agréablement, Sévigné, à Bussy, 3 nov. 1677. Trois Muses, en habit de ville, Y président à ses côtés, Boileau, Poés. div. IV. On s'étonna de le voir paraître en habit de ville, Hamilton, Gram. 7.

    En typographie, ouvrage de ville, impressions destinées aux usages bourgeois, telles que billets de faire part, étiquettes, etc.

    Fig. Avoir ville gagnée, se dit de toute difficulté surmontée. L'arrogant croit déjà tenir ville gagnée, Corneille, Illusion, II, 9.

    La grande ville, Paris. Si le roi m'avait donné Paris, sa grand'ville, Molière, Mis., I, 2.

    Poétiquement. La ville éternelle, la ville de Rome.

    Villes saintes, Jérusalem, Médine et la Mecque.

    Terme de numismatique. Médailles des villes, celles qui ont été frappées dans les villes autonomes de l'antiquité, et qui en portent le nom ou les emblèmes.

    Terme d'ancienne coutume. Ville d'arrêt, ville où un créancier pouvait procéder par saisie et voie d'arrêt sur les biens de ses débiteurs forains qui y étaient trouvés.

    Terme d'ancienne coutume. Perdre la ville, être banni ; rendre la ville, rappeler de l'exil.

  • 2 Absolument. La ville, dite par opposition à la campagne. Belleau ne parle pas comme on parle à la ville, Régnier, Sat. IX. Une demoiselle habillée moitié ville, moitié campagne, Scarron, Rom. com. I, 1. Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville, La Fontaine, Fabl. VII, 10. Je fuis les chagrins de la ville, Boileau, Épître VI. J'ai fui la ville aux muses si contraire, Chénier, Élég. XI.

    Être à la ville, n'être point à la campagne.

    Il se dit aussi par opposition à la cour. Damon, ce grand auteur dont la muse fertile Amusa si longtemps et la cour et la ville, Boileau, Sat. I. La cour, ou ne connaît pas la ville, ou, par le mépris qu'elle a pour elle, néglige d'en relever le ridicule, et n'est point frappée des images qu'il peut fournir, La Bruyère, Disc. sur Théophr.

    Il se dit de la capitale par opposition à la province. Notre siècle est fertile en sots admirateurs ; Et, sans ceux que fournit la ville et la province, Il en est chez le duc, il en est chez le prince, Boileau, Art p. I. La ville dégoûte de la province, La Bruyère, VIII.

  • 3Les habitants d'une ville. Assez de sots sans moi feront parler la ville, Disait, le mois passé, ce marquis indocile, Boileau, Sat. VIII. …verras-tu d'un esprit bien tranquille Chez ta femme aborder et la cour et la ville ? Boileau, ib. x. La ville est partagée en diverses sociétés, qui sont comme autant de républiques, La Bruyère, VII.

    Bruit de ville, nouvelle incertaine ou fausse.

  • 4Le corps de ville, ou, simplement, la ville, les officiers municipaux. Messieurs de ville eurent en vérité bonne part de l'honneur en cette illustre fête, La Fontaine, Lettres, I, à Fouquet. La ville, mais sans le gouverneur, alla saluer Mme de Lorraine au Palais-Royal, Saint-Simon, 62, 40.

    L'hôtel de ville, la maison de ville, l'hôtel, la maison où se réunit le conseil municipal.

    Elliptiquement. La ville, l'administration municipale, l'hôtel de ville.

    On dit de même : Emprunt de la ville de Paris, etc.

    Il avait une partie de son bien sur la ville, il avait une partie de son bien en rente sur l'hôtel de ville de Paris.

    Sergent de ville, voy. SERGENT.

PROVERBES

Les maisons empêchent de voir la ville, voy. MAISON.

Ville qui parlemente est à moitié rendue, voy. PARLEMENTER.

REMARQUE

1. Il faut distinguer en ville et à la ville. Être en ville, c'est n'être pas actuellement chez soi ; être à la ville, c'est n'être pas à la campagne.

2. M. un tel est en ville, il est allé en ville, il est en cour, il est allé en cour, il est bien en cour ; il faut dire M. un tel est à la ville, il est à la cour, il est bien à la cour, Caillières. Bon et mauv. us. convers. I. Ces observations de Caillières ne sont plus reçues aujourd'hui, mais Mme de Sévigné s'y conformait dans le passage suivant : Il lui dit [à la comtesse de Soissons impliquée dans l'affaire des poisons] qu'il fallait sortir de France, ou aller à la Bastille, elle ne balança point… l'heure de souper vint ; on dit que Mme la comtesse soupait à la ville, Sévigné, 26 janv. 1680.

HISTORIQUE

XIe s. Quatre hommes ou de burt [bourg] ou de vile, Lois de Guill. 43.

XIIe s. Venu sont à Hauteme, s'ont la vile brisie, Sax. VII.

XIIIe s. Ensi se hebergierent devant la tour, en la Juierie, qu'on appeloit Lestanor, où il [y] avoit moult bone vile et riche, Villehardouin, LXXII. Lavile [villa] seoit en un bos, Moult i ot gelines et cos, Anes [canes], malarz et jars et oes, Ren. 1271. Les bones viles de commune, et celes meismes là ù il n'a point de commune… doivent estre gardées en tel maniere, que…, Beaumanoir, L, 1. L'autre maniere de compaignie qui se fet par reson de communalité, si est des habitants es viles où il n'a pas communes, k'on apele viles bateices, Beaumanoir, XXI, 27.

XIVe s. Quicunques est present, aidans ou confortans à occire homme ou femme dedens la ville et banlieue [de Tournay], et li occiz murt sans parler ne accuser le malfaiteur, tous les presens sont encoulpé du fait et perdent la ville [sont bannis] à tousjours mais, Du Cange, villa.

XVe s. Il ardirent une bonne ville, c'on dist Creci-sur-Selle, qui point n'estoit fremée, Froissart, I, 81, éd. LUCE. Il rendit à plusieurs bannis la ville, Mathieu de Coucy, Hist. de Charles VII, p. 682, dans LACURNE. Les autres bonnes villes, et citez fermées, et villes champestres [villages] et chasteaux, Monstrelet, ch. 158, p. 238, dans LACURNE. Ils poserent une enseigne du roy sur la muraille, et firent sonner par les trompettes le cry de ville gagnée, Saligny, Hist. de Charles VIII, p. 32, dans LACURNE.

XVIe s. Selon la ville les bourgeois, Cotgrave A l'entrée de la ville est le commencement des maisons, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, veie ; bourg. velle ; provenç. vila, maison de campagne, et aussi ville ; espagn. et ital. villa ; du lat. villa, maison de campagne, qui est le diminutif de vicus, archaïque veicus, village ; sanscr. veça, maison. Beaucoup de maisons de campagne latines étant devenues l'origine de villages, de bourgs, de cités, villa a dans le français pris le sens de ville.