« visière », définition dans le dictionnaire Littré

visière

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

visière

(vi-ziè-r') s. f.
  • 1Partie antérieure du casque, qui se haussait et se baissait, et au travers de laquelle l'homme d'armes voyait et respirait (seul sens que l'historique connaisse). Lever sa visière. Je vis de votre armet la visière baissée, Mairet, Sophon. IV, 1. Marolles ayant observé que de L'isle Marivaux [contre qui il se devait battre en duel] avait son habillement de tête entr'ouvert par des grilles assez larges, dit à la Chastre que sans faute il lui donnerait dans la visière ; ce qu'il exécuta et le tua, Sauval, Hist. de Paris, t. II, p. 677, dans LACURNE.

    Porter le poignard à la visière, se disait de l'homme d'armes qui, renversant son adversaire, lui portait le poignard à la visière, pour le tuer ou le forcer à se rendre.

    Fig. Vous me croyez abattu, vous me portez le poignard à la visière, Courier, Conversat. chez Mme d'Albany, Lettres, t. II, p. 210.

    Rompre en visière, rompre sa lance dans la visière de son adversaire ; et fig. attaquer, contredire quelqu'un en face, brusquement. Il me rompit rudement en visière, Scarron, Rom. com. I, 13. Je n'y puis plus tenir ; j'enrage ; et mon dessein Est de rompre en visière à tout le genre humain, Molière, Mis. I, 1. Les commis du ministre Bollanus, qui ne gardait de mesures avec personne, et qui rompait en visière à tous ceux dont l'abord lui était désagréable, Lesage, Diable boit. 10.

    Rompre en visière se dit aussi des choses avec lesquelles on se brouille. Peut-on impunément, comme vous faites, rompre en visière à la raison ? Molière, Critique, 3. Rompre brusquement en visière aux maximes de mon siècle, Rousseau, Conf. VIII.

  • 2Partie d'un shako, d'une casquette qui abrite le front et les yeux.

    Par extension. Et se faisant une visière de sa main gauche étendue, il interrogeait l'horizon…, Th. Gautier, Journ. offic. 7 nov. 1871, p. 4329, 3e col.

  • 3Ouverture qui sert de passage aux essais dans un fourneau de recuisson.
  • 4 Familièrement. Vue. Que les gens de savoir ont la visière tendre ! Régnier, Sat. x. Vous avez la visière mal nette, Th. Corneille, le Geôlier de soi-même, II, 5. J'ai lu très aisément la lettre dont vous m'avez honoré ; mais c'est que le plaisir rend la visière plus nette, Voltaire, Lett. Chauvelin, 21 sept. 1762.

    Fig. Avoir la visière courte, avoir peu de sagesse, de pénétration.

    Fig. Blesser, choquer la visière, faire chagrin à voir. Vous savez que sa bile assez souvent s'aigrit, Qu'il peste contre vous d'une belle manière, Quand vos déportements lui blessent la visière, Molière, l'Ét. I, 2. Ce monsieur bas-normand me choque la visière, Regnard, le Bal, 5.

    Fig. Donner dans la visière de quelqu'un, lui inspirer de l'amour. Cette femme lui a donné dans la visière.

  • 5Rainure ou petit bouton de métal au bout du canon d'un fusil, pour diriger l'œil lorsqu'on tire.

    Petit morceau de fer troué qu'on lève sur le bois de l'arbalête et au travers duquel on vise.

HISTORIQUE

XIIIe s. Escuiers pot avoir, quand il se combat, capel de fer à visiere et les autres armes que noz avons dites, Beaumanoir, LXI, 43.

XIVe s. Et Bertran, qui l'oy, raficha sa visiere, Et feri un Anglois, Guesclin. 12080.

XVe s. Et [les deux champions] avoient avalé [baissé] leurs bassinets et clos leurs visieres, Froissart, II, II, 85. L'abit de chiefs [des têtes des femmes] en estrange maniere Fait un auvent com ceulx qui font verriere, Qui leur cuevre leurs visaiges devant Piet et demi, et semble à leur visiere Qu'elles ayent le chief d'un cahuant, Deschamps, Poésies mss. f° 328.

ÉTYMOLOGIE

Dérivé de l'anc. franç. vis, visage (voy. VIS-À-VIS) ; picard, voisière, fenêtre ; génev. j'ai rompu en visière avec lui, ce qui est une faute ; il faut : je lui ai rompu en visière.