« poivre », définition dans le dictionnaire Littré

poivre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

poivre

(poi-vr') s. m.
  • 1Fruit de diverses plantes du genre piper, qui croissent dans les pays chauds et surtout dans les Indes orientales ; le fruit sert d'épice ; il doit la saveur qui lui est propre à une huile concrète, peu volatile. D'après la relation d'Houtman et les lumières qu'on devait à son voyage, les négociants d'Amsterdam conçurent le projet d'un établissement à Java qui donnerait le commerce du poivre, Raynal, Hist. phil. II, 3.

    Cela est cher comme poivre, se dit d'une chose très chère. Cet ancien proverbe : cela est cher comme poivre, proverbe trop bien fondé sur ce qu'en effet une livre de poivre valait au moins deux marcs d'argent avant les voyages des Portugais, Voltaire, Fragm. sur l'hist. art. XX.

    Fig. Une barbe poivre et sel, une barbe grisonnante.

    Fig. Moudre du poivre, avancer péniblement dans une marche.

    Fig. et grossièrement. Chier du poivre à quelqu'un, lui nuire, lui jouer un mauvais tour. Le chien n'a pas voulu gober l'hameçon ; ce gueux-la me chie du poivre, Comte de Caylus, Écosseuses, Œuv. t. X, p. 551, dans POUGENS. Ils jurent bien de chier du poivre à la nation, cela fait au moins quinze mille hommes aliénés à la République, Corresp. du gén. Klinglin, I, 55.

  • 2Le poivre noir et le poivre blanc (piper nigrum et album) proviennent l'un et l'autre du piper nigrum, L. plante sarmenteuse de Java et de Sumatra. Le poivre blanc n'est autre chose que le poivre noir qu'on a dépouillé de sa pellicule en le plongeant dans l'eau chaude.

    Poivre grabeau, poivre concassé de qualité inférieure.

  • 3Poivre long, fruit du piper longum, Rumphius, cueilli avant sa maturité et desséché. L'odeur et la saveur en sont plus faibles que celle du poivre ordinaire.
  • 4Poivre de la Jamaïque, nom donné dans le commerce à la graine appelée amomi par les Hollandais ; c'est le fruit de l'eugénie piment (myrtacées).
  • 5Poivre de Guinée, poivre d'Inde, piment, corail des jardins, fruit du capsicum annuum (solanées).
  • 6Poivre cubèbe, poivre à queue, fruit desséché du piper cubeba, L.
  • 7Poivre d'eau, nom de la renouée âcre (polygonum hydropiper, L.), dite aussi persicaire âcre, persicaire brûlante, curage et piment brûlant.
  • 8Petit poivre ou poivre sauvage, le gattilier.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et vous di que en ces isles naist le poivre blanc comme noifs [neige] à moult grant planté [quantité], Marc Pol, p. 550. Peivere [il] soudout [broyait] en un morter [peivere n'est que de deux syllabes], Lai del desiré. Ce ne vaudroit ung grain de poivre, la Rose, 5790. Mès je di : cil fet à blasmer Qui riens nule plus vous demande Fors bons vins et bone viande, Et que li peivres soit bien fors, Rutebeuf, 95. Par saint Jake ! il me rendra bon poivre [il me le payera], Chron. de Rains, p. 172.

XVIe s. Fille de trente ans noire comme poivre et d'apetit ouvert, Sat. Mén. p. 92. Le poivre est noir, et chascun en veut avoir, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 213.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, peûv ; prov. pebre ; ital. pepe ; du lat. piper ; grec, πέπερι ; sanscr. pippalî, qui est le nom du poivre long ; Lassen (ind. Alt. I, 278), suppose que c'est le nom original et qu'il est devenu πέπερι, en passant par l'ancien persan, qui n'avait pas la lettre l.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

POIVRE. Ajoutez :
9Condamner au poivre, se dit de livres dignes d'être envoyés chez l'épicier. Que de livres de théologie, de chicane et de politique, elle [la Constitution] a condamnés au poivre ! L. du P. Duchêne, 162e lettre, p. 5.
10 Terme d'anthropologie. Chevelure en grains de poivre, chevelure qu'on rencontre chez les Papous de la Mélanésie et chez quelques tribus africaines, et dans laquelle les cheveux forment sur la tête des espèces de petits îlots, séparés par des espaces parfaitement glabres, De Quatrefages, l'Espèce humaine, 2e éd. 1877, p. 269.

REMARQUE

Poivre et sel, qui signifie, comme il est dit dans le Dictionnaire, barbe grisonnante, s'applique aussi à des étoffes grisâtres. M. Brown était un gros homme qui portait un habit et un gilet noirs, des culottes poivre et sel, et pour cravate un grand col de satin, Rev. Britan. juin 1875, p. 451. Au reste cette locution paraît être d'origine anglaise ; du moins Walter Scott, Guy Mannering, ch. XXXVI, parle d'un vêtement of peper-and-salt coloured mixture.