« sevrer », définition dans le dictionnaire Littré

sevrer

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sevrer

(se-vré) La syllabe se prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je sèvre, je sèvrerai v. a.
  • 1Retrancher à un enfant le lait de sa nourrice, et le faire passer à une nourriture plus solide. Comme on sèvre les enfants, lorsqu'il est temps de leur ôter le lait pour leur donner des aliments solides, Fénelon, Tél. XXIV. On sèvre trop tôt les enfants ; le temps où on doit sevrer est indiqué par l'éruption des dents, et cette éruption est communément pénible et douloureuse, Rousseau, Ém. I.
  • 2Il se dit aussi des animaux domestiques. Il faut avoir attention, lorsqu'on sèvre les jeunes poulains, de les mettre dans une écurie propre, qui ne soit pas trop chaude, Buffon, Quadrup. t. I, p. 23.
  • 3 Terme de jardinage. Couper et séparer de la plante mère les marcottes lorsqu'elles ont pris racine, ou les rameaux greffés en approche. Sevrer une marcotte.
  • 4 Fig. Priver, frustrer. L'honneur… Qui trahit notre espoir, qui sèvre nos désirs, Régnier, Sat. VI. [Gens] Qui ne sauraient souffrir qu'un autre ait les plaisirs, Dont le penchant de l'âge a sevré leurs désirs, Molière, Tart. I, 1. Si l'on demande de quoi donc il faut sevrer les chrétiens, on répondra, selon la méthode des nouveaux spirituels, que c'est des motifs répandus partout dans l'Écriture, Bossuet, 4e écrit, I, 22. Autant que je les sèvre [les pensionnaires de Saint-Cyr] de tous les plaisirs de dehors, autant suis-je soigneuse de leur en procurer au dedans, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 18 juin 1711.
  • 5Se sevrer v. réfl. Se priver, s'abstenir. Se sevrer des plaisirs du monde. C'est donc alors qu'il se faut sevrer de tous les motifs du salut et du bonheur éternel ; mais qui bannira ces motifs ? qui aura l'autorité d'exempter les âmes d'un motif répandu partout dans l'Écriture ? Bossuet, 4e écrit, I, 23.

HISTORIQUE

XIIIe s. Il jurront sor sainz qu'il noriront un enfant qui lor sera portez si chierement comme leur fil et dou lait à la dame meismes, et en severront lou leur, Merlin, f° 67, verso. Si comme li enfes qui est sevrez de la mamele…, Psautier, f° 162.

XIVe s. Moult bien nourri Sarre son fils Ysaac, et quant il fut si grant qu'elle le sevra…, Ménagier, I, 5.

XVIe s. Faut borner le temps de sevrer l'enfant par la sortie des dents, Paré, XVIII, 30.

ÉTYMOLOGIE

Poitev. sebrer, sibrer, soubrer, mettre en pièces ; provenç. sebrar, séparer, sevrer ; du lat. separare (voy. SÉPARER). Sevrer est la forme française tirée de separare ; séparer a été refait sur le latin. Sevrer avait constamment le sens de séparer [Tute la teste li a par mi sevrée, Ch. de Rol. CV], et, par restriction, celui de sevrer.