« abstenir », définition dans le dictionnaire Littré

abstenir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

abstenir (s')

(ab-ste-nir. Se conjugue comme tenir) v. réfl.
  • 1Se priver de, ne pas se laisser aller à. S'abstenir de vin. S'abstenir de toute hostilité. S'abstenir de combattre. S'abstenir de manger, de mentir. S'ils ne s'abstiennent pas d'écrire. Il ne s'est pas abstenu d'y toucher. Il s'abstient de se défendre. Abstenez-vous de nuire à votre ennemi. C'est une question sur laquelle nous nous sommes abstenus de nous prononcer. Que la communion, quelque fréquente qu'elle soit, ne nous rend pas impeccables, et que ce n'est pas toujours une raison de s'en abstenir que de légères fautes qui échappent aux plus vigilants, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 321. Quiconque n'avait pas eu soin de se purifier et ne s'était pas abstenu des plaisirs les plus légitimes, Bourdaloue, ib. p. 355. Avare de mon sang, quand je versais le sien, Aux dépens de ses jours [il] s'est abstenu du mien, Créb. Rhad. V, 6. Voilà par quel motif, injurieux peut-être, Je me suis devant elle abstenu de paraître, Ducis, Lear, II, 4.
  • 2 Absolument. On voudrait s'abstenir ; et on se laisse aller par fausse honte à… Dans le doute, abstiens-toi.
  • 3S'abstenir, se dit aussi pour garder l'abstinence, c'est-à-dire ne pas manger. Il vaut mieux s'abstenir que de manger ce qui fait mal.
  • 4 En termes de jurisprudence, ce juge s'abstient, il se récuse ; cet héritier s'est abstenu de la succession, il n'a point fait acte d'héritier.

REMARQUE

Ce verbe veut la préposition de, soit avec un substantif, soit avec un infinitif. Le participe s'accorde avec le sujet : il s'est abstenu, elle s'est abstenue ; ils se sont abstenus, elles se sont abstenues.

HISTORIQUE

XIe s. Charles se pasme, ne s'en puet astenir, Ch. de Rol. 203.

XIIIe s. Adonc [il] plore et gamente [lamente], ne s'en puet astenir, Ch. d'Ant. V, 450. [Il] ne s'en put astenir, des yeux en a lermé, Berte, 45.

XIVe s. Aucuns illiberaux se abstiennent de prendre aucune chose de autrui, Oresme, Eth. 111. Se aucun est vaincu de delettation ou de tristeces, des quelles pluseurs se peuvent abstenir, tel est incontinent ou mol, Oresme, ib. 210. C'est plus fort de soustenir tristeces ou choses tristes que n'est soy abstenir de choses delettables, Oresme, ib. 89.

XVe s. Comment il [le roi d'Angleterre] avoit si ardemment enaimé par amour la belle et la noble dame Alips, comtesse de Salebrin, qu'il ne s'en pouvoit abstenir, Froissart, I, I, 191.

XVIe s. Que tout juge s'abstienne de vin sur le point d'executer sa charge, Montaigne, II, 19.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. abstener, abstenir, estener ; espagn. abstener ; de abs, indiquant séparation, et tenere, tenir (voy. TENIR).