« enger », définition dans le dictionnaire Littré

enger

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

enger

(an-jé) v. a.
  • 1Anciennement, pourvoir d'un plant, d'une herbe. Un tel m'a engé de ce plant, mais je n'en espère rien de bon, Richelet. Qui a engé votre jardin de cette herbe ? elle ne vaut rien, ID. L'ambassadeur Nicot a engé la France de l'herbe nicotiane [tabac], Dict. de NICOT.
  • 2Aujourd'hui, bien que vieilli et peu usité, ce mot signifie embarrasser d'une sotte ou d'une mauvaise engeance. Votre père se moque-t-il de vouloir vous enger de son avocat de Limoges ? Molière, Pourc. I, 3. Il les engea de petits Mazillons, Desquels on fit de petits moinillons, La Fontaine, Mazet.

HISTORIQUE

XIIIe s. Mais se m'amie a cuer changié, Ele m'a de mort aengié, Bl. et Jeh. v. 2529. D'un chapon atorné mout bel, De chieres herbes au chaudel, Si cuidierent faire mengier ; Mais ains [il] ne s'en peut aengier, ib. v. 625.

XVe s. Si tost comme Abel eust esté occis et eut receu mort soubz cest arbre, il perdit la belle couleur verte et devint en toutes choses vermeil, qui fut en remembrance du sainct sang qui dessoubz avoit esté respandu ; ne de celuy ne pouvoit nul autre plus engier [croître], ains mouroient toutes les plantes qu'on en faisoit, et à bien ne pouvoient venir, Lancelot du lac, t. III, f° 105, dans LACURNE.

XVIe s. Pareillement fut aux femmes enjoint de porter de gros culs, et d'enger en toute sureté sous iceux sans craindre le babil des sages femmes, Sat. Mén. p. 198.

ÉTYMOLOGIE

Limousin, s'endzà, s'engendrer, en parlant de la vermine ; sarde, angieri, faire des œufs, faire des petits. Mot obscur. Diez le tire du latin enecare, mettre à mort, détruire. Littéralement, la dérivation est exacte, enĕcare donnant enger, en portugais engar, presser vivement et en ennemi, comme vindicare, venger. Mais le sens présente beaucoup de difficulté : enger a deux sens : 1° embarrasser (aengier est enger avec la préposition à) ; 2° croître, végéter, produire. De ces deux sens, le premier conviendrait peut-être à enecare ; mais le second peut-il en provenir, même quand on admettrait que enger signifie toujours produire des choses nuisibles ; ce qui n'est pas dans nos exemples ? Il serait plus facile de retourner les significations et de dire : enger signifie primitivement produire, puis figurément embarrasser par cette production même. Mais d'où tirer enger en ce sens ? Ingignere, qui conviendrait pour le sens, ne convient en aucune façon pour la forme. Il y avait aussi un substantif enge : …Amis, se tu scavoies Que c'est grand chose de loenge, Et com prisie en est li enge, Plus chier l'auroies à avoir, Froissart, Buisson de jonesse. Et de fait, tant que l'enge des cordonniers soit faillie, jamais ils n'auront faute de telles reliques [le soulier de St Jean], Calvin, 165. Enge signifie ici race ; mot encore usité avec ce sens en Normandie : Des pigeons de la grande ou de la petite enge [espèce]. Enfin il y a encore un verbe ongier qui, vu le changement non rare de on en en ou an, peut représenter enger : XIIe s. Irons tornoier moi et vos ; Or ne devez vos pas longier, Mes les tornoiemens ongier, Et anpanre [entreprendre], et tot fors giter [laisser tout le reste], Chev. au lyon, v. 2501. ; XIIIe s. Ongier feme [avoir des rapports avec une fem me], Alebrand, f° 27. Dans l'état actuel des connaissances, les difficultés restent inextricables, il a fallu se contenter de réunir tout ce qu'on sait des formes et des significations.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ENGER. - HIST.

XVIe s. Ajoutez : Partout leurs demandes [de révoltés] estoyent pareilles ; dont les Suaubes estoyent premiers auteurs, et en avoyent engé les autres, Sleidan, Hist. de l'estat de la religion et republ. sous Charles V, p. 65, verso.