« ficher », définition dans le dictionnaire Littré

ficher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ficher [1]

(fi-ché) v. a.
  • 1Faire pénétrer et fixer par la pointe, par un bout. Ficher un pieu en terre. Nos vainqueurs et nos législateurs [les Romains] ne savaient compter leurs années qu'en fichant des clous dans une muraille par la main de leur grand pontife, Voltaire, Dict. phil. Hist. 2.

    Se ficher, ficher à soi, enfoncer dans soi. Elle s'était fiché un bâton, devinez où, Sévigné, 269.

  • 2 Terme de maçon. Ficher une pierre, faire entrer, à l'aide de la fiche, du mortier sous la pierre lorsqu'elle est posée.
  • 3 Fig. Il se dit des yeux, des regards qu'on arrête sur quelqu'un ou quelque chose ; autrefois dans le style élevé, aujourd'hui dans le style familier. Il y fiche ses yeux [à cette empreinte], il la baigne, il la baise, Malherbe, I, 4.
  • 4Intercaler, mêler. Nous fichons quelquefois de l'italien dans nos lettres, Sévigné, Lett. 8 déc. 1675.
  • 5Se ficher, v. réfl. Être fiché, enfoncé. Pendant qu'un jeune prince parcourt les sentiers hérissés de buissons, une épine aiguë se fiche dans son pied, Fénelon, t. XIX, p. 467.

SYNONYME

FICHER, FIXER. Ce que l'on fiche, on l'enfonce par un bout. Ce que l'on fixe n'a pas besoin de cette condition ; c'est simplement rendre fixe.

HISTORIQUE

XIIe s. En la main destre l'a au paien fichez [un bref], Ronc. p. 24. Maint tres [tente] i o tendu et mainte aigle fichie, Sax. VII. Quant il ont en bataille fichié leur estendart, ib. XI.

XIIIe s. Que l'aleine lui faut, au bois [elle] se va fichier [enfoncer], Berte, XXXVIII. Bonnes [bornes] si sont unes choses qui sont fichées, comme pierres ou pex [pieux], et fet chascun certain par où son heritage vet [va], Liv. de just. 149. Certes tous jors en remembrance Deüsses avoir sa sentence ; Si devroient tuit homme saige, Et si fichier en lor coraige Que jamès ne lor eschapast, la Rose, 6816. Mais la sajete barbelée, Qui Biautés estoit apelée, Fu si dedens mon cuer fichie, Qu'al n'en pot estre hors sachie [tirée], ib. 1725. Se l'entendement i fichon [si nous y faisons attention], ib. 14086. Si ne fait pas richesse riche Celi qui en tresor la fiche, ib. 4992. Si verroit toutes les esteles, Cleres et reluisans et beles, Soient errans, soient fichies, En lor esperes estachies, ib. 20529. Quant les gens le conte virent ce, il lessierent l'ost, et se ficherent par desus la lice, et coururent sus aux Sarrazins à pié, Joinville, 233.

XIVe s. Fay pieux et les ficque de renc à plain pié l'un de l'autre, Modus, f° LXIX, verso.

XVe s. Bouciquaut tira tantost la dague, et soubdainement se fiche sous les bras de l'autre, qui jamais ne l'eust cuidé, Bouciq. I, 9. Le feu qui estoit fiché par les maisons, prit en peu d'heures, ib. I, 32.

XVIe s. Brutus regarda tousjours, avec les yeulx fichez, punir ses propres enfans, Amyot, Public. 8. Il ne sçavoit pas ficher un but au cours de sa prosperité, Amyot, Marius, 61. Il ne fichoit pas les bornes de son esperance à la conqueste de la Syrie ny des Parthes, Amyot, Crassus, 30. Sans mot dire, les yeulx fichez en terre, Montaigne, I, 6. Fichant les yeulx sur la frescheur de mon visage, Montaigne, I, 91. Il tiendra sa veue tousjours fichée en cest endroit, Paré, XVII, 1.

ÉTYMOLOGIE

Picard, fiker ; provenç. ficar ; espagn. fijar, hincar ; portug. fincar ; ital. ficcare. Diez remarque avec raison que, bien que ce verbe roman indique le latin figere, cependant il est impossible de le tirer directement soit de figere, soit de fixus, par aucune étymologie légitime. Il faut donc supposer un développement par le suffixe icare, figicare. ou fixicare, comme dans pendicare, de pendere, pencher ; suffixe qui d'ailleurs appartient au latin (voy. fodicare, de fodere, vellicare, de vellere). Ficher ne peut venir ou être une forme de fixer, attendu que ficher est ancien, et fixer moderne.