« tricher », définition dans le dictionnaire Littré

tricher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tricher

(tri-ché) v. a.
  • 1Tromper au jeu. Il m'a triché. J'eus toutes les peines du monde à lui faire apercevoir que je le trichais, Rousseau, Ém. III.

    Fig. À tout jeu le sort nous triche, Béranger, On s'en fiche.

  • 2 V. n. Tromper au jeu. Jeunes oisons et bégueules titrées, Lorgnant des sots et trichant au piquet, Voltaire, Épît. 35. Tricher au jeu sans gagner est d'un sot, Voltaire, Satires, Hypocr. À une époque où les femmes de la cour avaient l'habitude et la fureur de tricher, Carmontelle, Prov. t. IV, p. XLI, dans POUGENS.

    Fig. Représentez-vous, s'il vous plaît (et que votre modestie ne triche point), les grâces dont je vous suis redevable, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 119, dans POUGENS. La fortune et les dieux trichent comme de grands coquins, Galiani, Corresp. t. I, p. 78.

  • 3 Fig. Tromper, soit en de petites choses, soit par des voies basses et misérables. Le nôtre [gouverneur] est devenu trop riche ; On ne peut tant gagner, à moins que l'on ne triche, Boursault, Fabl. d'Ésope, II, 5.

    Par antiphrase. J'ai reçu avec la vôtre du 9, la petite caisse et le café sur lequel vous m'avez bien triché, puisque la quantité en est bien plus forte que celle en échange de laquelle j'envoyais les pommes, Rousseau, Ém. II.

  • 4 Terme d'arts et métiers. Dissimuler un défaut de symétrie, de régularité.

HISTORIQUE

XIIe s. Mult sunt faus li prelat… Quant trechent lur Signur, poi te serunt feeil [fidèles], Th. le mart. 29. Car vers vus nus volt faire parjurer e trichier, ib. 43.

XIIIe s. Pechiés seroit, se tu trichoies, Qu'il m'est avis que loial soies, la Rose, 1987. Et maistre Pierre li Lombars, Qui Paris triche par ses ars, Bataille des sept arts. Cinquante anz [elle] a en s'escuele, S'est maigre et seche ; N'ai pas paor qu'ele me treche, Rutebeuf, 6. Si doit perir qui s'amor triche ; Qui dame trice u qui li ment, Tros qu'elle l'aime loiaument, Cil soit par tot le mont treciés [poursuivi], Partonop. v. 5473.

XVIe s. C'est Charles V, dit Charles d'Autriche, que les anciens François de son temps brocardans appelloient Charles qui triche, faisant allusion sur Austriche qui triche, autant à dire qui trompe, Brantôme, Capit. estr. t. I, p. 1.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. trichar, tricher, tric, tromperie ; ital. treccare. Diez rejette le lat. tricari, chercher des détours, parce que l'i long latin n'aurait pas donné un e (trecher, treccare) ; suivant lui, le mot est germanique : néerlandais, trek, action de tirer et tour qu'on joue. Mais alors, inversement, d'où viendrait l'i en français et en provençal ? Le français, qui a trecher et tricher, fait la transition, et il faut adopter tricari.