« aigreur », définition dans le dictionnaire Littré

aigreur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

aigreur

(è-greur) s. f.
  • 1Qualité de ce qui est aigre. Ce vin, ce lait a de l'aigreur. Le goût ne nous dit rien des sucs exprimés sur notre langue, ni comment ils doivent être faits pour nous causer du plaisir ou de la douleur, de la douceur ou de l'aigreur ou de l'amertume, Bossuet, Conn. III, 8.
  • 2Rapports que causent certains aliments ou des aliments mal digérés. Je suis sujet à des aigreurs d'estomac.
  • 3 Fig. Disposition d'esprit qui se traduit en paroles piquantes. L'aigreur de la discussion. Plaisanteries pleines d'aigreur. Cela leur donne de l'aigreur. Dans toute la maison Il règne un air d'aigreur et de division, Gresset, le Méch. I, 1. Conservant toute l'aigreur qu'ils ont l'un pour l'autre, Sévigné, 412. Je ne garde pour lui, monsieur, aucune aigreur, Molière, Tart. IV, 1. Et l'aigreur de la dame à ces sortes d'outrages, Dont la plaint doucement le complaisant témoin, Est un champ à pousser les choses assez loin, Molière, Éc. des mar. I, 6. Ses aumônes, s'étendant par leur abondance même sur les ennemis de la foi, adoucissaient leur aigreur et les ramenaient à l'église, Bossuet, Reine d'Angl. Pour ne rien rabattre de ses aigreurs et de ses caprices, Massillon, Culte. Pour contenter l'aigreur dont ils étaient animés, il ne leur suffisait pas de parler ; il fallait que la gloire…, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 355. Est-ce un adoucissement que nous prétendons mettre aux avis que nous lui donnons [au prochain], pour en tempérer l'aigreur et pour les lui faire mieux goûter ? Bourdaloue, ib. t. II, p. 299. Chacune a son sujet d'aigreur ou de tendresse, Corneille, Pomp. V, 2. L'impérieuse aigreur de l'âpre jalousie, Corneille, Sertor. I, 1.
  • 4Sentiment pénible. Il y a de l'aigreur entre eux, il y a un commencement de brouillerie. Mon épargne depuis en sa faveur ouverte, Doit avoir adouci l'aigreur de cette perte, Corneille, Cinna, II, 4. Mais comme il est, seigneur, de la fatalité, Que l'aigreur soit mêlée à la félicité…, Corneille, Pomp. V, 5. Voltaire a reproché à Corneille l'emploi d'aigreur dans ces vers, disant qu'il fallait amertume. Mais aigreur peut très bien avoir le sens donné par Corneille, et on le trouvera à l'historique, employé dans Montaigne de la même façon : les aigreurs du mariage.
  • 5Qualité aigre, en parlant d'un métal. Le fer même s'adoucit dans le feu et sous le marteau, et corrige son aigreur naturelle, Bossuet, Connais. V, 4.
  • 6 Au plur. En termes de graveur, tailles trop profondes.

HISTORIQUE

XVIe s. Rondeau où toute aigreur abonde, Va veoir la douceur de ce monde. Telle douceur t'adoucira, Et ton aigreur ne l'aigrira, Marot, II, 416. Les cavitez qui sont entre lesdits grains, causent une aigreur et rudesse à la meule d'où vient sa puissance et action d'aiguiser les outils, Palissy, 283. Aussi la peur surmonte elle en aigreur [force, vivacité] touts aultres accidents, Montaigne, I, 63. Les aigreurs comme les doulceurs du mariage se tiennent secrettes par les sages, Montaigne, III, 343. Son stile sent un beuveur d'eau, un grand travail, et ensemble une aigreur et austerité de nature, Amyot, Cicér. et Démos. 2.

ÉTYMOLOGIE

Aigre ; provenç. et catal. agror.