« grimoire », définition dans le dictionnaire Littré

grimoire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

grimoire

(gri-moi-r') s. m.
  • 1Livre des sorciers pour évoquer les démons, etc. Ne soupçonnes-tu point qu'agité du démon Ainsi que ce cousin des quatre fils Aimon Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire, Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire ? Boileau, Ép. X. Il y eut des livres où les mystères des sorciers étaient écrits ; j'en ai vu un à la tête duquel on avait dessiné assez mal un bouc et une femme à genoux derrière lui ; on appelait ces livres grimoires en France, et ailleurs l'alphabet du diable, Voltaire, Dict. phil. Bouc. Au peuple en butte à nos larcins, Tout grimoire En peut faire accroire, Béranger, Bohémiens.

    Fig. Savoir le grimoire, entendre le grimoire, être habile dans les choses dont on se mêle.

  • 2 Fig. et familièrement. Discours obscur, écriture difficile à lire. Et que c'est, mon ami, un grimoire et des mots, Dont tous les courtisans endorment les plus sots, Régnier, Sat. IV. Sans tant de contredits et d'interlocutoires Et de fatras et de grimoires, Travaillons, les frelons et nous, La Fontaine, Fabl. I, 21. Je lui répondis [au duc d'Orléans] que je n'avais aucune aptitude pour les finances, que c'était un détail devenu science et grimoire qui me passait, Saint-Simon, 395, 116. Soit que d'un vieux papier timbré Il débrouille le long grimoire, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 42.

REMARQUE

Il a été féminin : Mais je trouve en ma grimoire Que la foire Jamais ne le quittera, Gausserie par le sieur de Sygognes, 1634, dans FR. MICHEL, Argot.

HISTORIQUE

XIIIe s. J'irai en l'abeïe à nostre abé parler ; Si ferai le gramaire et lire et conjurer, Hist. litt. de la France, t. XXII, p. 695.

XIVe s. Et li bastart s'escrie : vez me chi, biaus amis ; Lut avés de gramare ; je sui li anemis [le diable], Baud. de Seb. XX, p. 242.

XVe s. Je l'os bien lire le grammaire ; Alons à ly ; il nous appelle, Mystères inédits du XVe s. JUBINAL, t. I, p. 69. Se fist traiter en homme de sçavoir, Leur promettant à leur faire asçavoir Chouses cachées, chouses hors de memoire Qui excedent et logicque et grammoyre, P. Faifeu, XIX.

XVIe s. Je pense que ce sont des mots de la grimoire, Des Accords, Bigarr. equivoques francais.

ÉTYMOLOGIE

Diez pense que ce mot vient de l'anc. h. allem. grîma, spectre. Mais la forme ancienne du mot, qui est gramaire, gramare, ne le rapproche pas de grîma. Génin y voit une variété du mot grammaire, la grammaire ayant été prise pour un livre de science occulte dans lequel on lisait pour évoquer le diable. Scheler y trouve un radical grimer, signifiant griffonner ; mais, comme pour grîma, le thème est gramare et non grimoire ; grimoire n'apparaît qu'au XVIe siècle, ayant passé par gramoire. En conséquence, il vaut mieux suivre la forme et tirer gramare du bas-latin gramma, lettre ; de lettre, on peut passer au sens de grimoire. Gramma est le grec γράμμα, de γράφειν, écrire ; et gramare représenterait grammarium. L'anc. anglais a dit glamour, tiré du français.