« mutiler », définition dans le dictionnaire Littré

mutiler

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mutiler

(mu-ti-lé) v. a.
  • 1Priver de quelque membre. Après qu'il l'eut fait ainsi mutiler par tout le corps, il commanda qu'on l'approchât du feu, et qu'on le fît rôtir dans la poêle pendant qu'il respirait encore, Sacy, Bible, Machab. II, VII, 5. Je leur dis quelquefois que tout est le mieux du monde ; mais ceux qui ont été ruinés et mutilés à la guerre n'en croient rien, ni moi non plus, Voltaire, Hist. d'un bon bramine. Il [l'homme] mutile son chien, son cheval, son esclave, Rousseau, Ém. I. Achille mutile son ennemi, et l'insulte après l'avoir abattu, Chateaubriand, Génie, II, II, 7.

    Par extension. Mutiler un arbre, en retrancher les branches nécessaires. Mutilait sans pitié les tiges inégales Dont la tête orgueilleuse ombrageait leurs rivales, Delille, Conversat. ch. III.

    Fig. Comme nous la touchons [la vérité inhérente en nous] de plus près [que la vérité en Dieu], et que nous pouvons, pour ainsi dire, mettre nos mains dessus, nous pouvons aussi pour notre malheur la mutiler et la corrompre, la falsifier et l'obscurcir, Bossuet, Sermons, Haine de la vérité, 2.

  • 2 Absolument. Châtrer. Plautien, en mariant sa fille au fils aîné de l'empereur, fit mutiler cent Romains libres, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 13.
  • 3 Par extension, détruire partiellement un ouvrage d'art. On a mutilé ce tableau à coups de couteau. Mutiler une statue. Cessez de mutiler tous ces grands monuments, Voltaire, Orphel. II, 5.
  • 4 Fig. Faire éprouver à une œuvre littéraire des retranchements ou des déformations comparées à la mutilation des corps. Je vous demanderai qu'il ne soit pas permis aux comédiens de mutiler mes pièces ; vous savez qu'il y a des gens qui croient en savoir beaucoup plus que moi et qui substituent leurs vers aux miens, Voltaire, Lett. Richelieu, 22 juill. 1767. J'eus le désagrément dont M. de Malesherbes ne m'avait pas prévenu, de voir horriblement mutiler mon ouvrage, et empêcher le débit de la bonne édition, jusqu'à ce que la mauvaise fût écoulée, Rousseau, Confes. X.
  • 5Se mutiler, v. réfl. Se couper quelque membre, et aussi se châtrer.

HISTORIQUE

XIVe s. Et ainsi fu lidit poure homme mahengnié et mutilez, Bibl. des chartes, 4e série, t. II, p. 58. Ung adveugle ou ung mutilé, le Songe du vergier, I, 182. Si est assailly ou tué ou mutilé de ses ennemis, ib.

XVe s. Et en voit-on plusieurs mourir et mutiller, en faisant ledit ouvrage, tant pour la puanteur qui est esdites mines, comme pour les autres perils, qui sont d'aller sous la terre minant, Lett. patent. du 30 mai 1413. Et personnes de tous mestiers Sont tuit fraint par beauté de femmes, Et maint en ont esté infame, Mutilé, mors et affolez, Deschamps, Miroir de mariage, p. 92.

XVIe s. Ilz deposerent qu'Alcibiades et autres siens familiers avoient ainsi tronçonné et mutilé quelques autres images, Amyot, Alc. 33. Les mutilés [en tératologie] ce sont aveugles, borgnes, bossus, boiteux, ou ayans six doigts à la main ou aux pieds, ou moins de cinq, ou joints ensemble, Paré, XIX, Préf.

ÉTYMOLOGIE

Lat. mutilare, de mutilus ; grec, μύτιλος et μίτυλος, μιτύλλω, couper, mutiler, qu'on rapporte au radical sanscrit , détruire, périr.