« quereller », définition dans le dictionnaire Littré

quereller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

quereller

(ke-rè-lé) v. a.
  • 1Faire querelle à quelqu'un. Il ne vous suffit que votre libelle me déchire en public ; vos lettres me viennent quereller jusque dans mon cabinet, Corneille, Lett. apolog. C'est pour me quereller donc, à ce que je voi, Que vous avez voulu me ramener chez moi ? Molière, Mis. II, 1. Non, je n'ai de ma vie eu tant d'envie de quereller quelqu'un, Marivaux, Sec. surpr. de l'am. II, 7.

    S'emporter contre. Querellez ciel et terre, et maudissez le sort, Corneille, Hor. II, 4. Et, de tous les soldats les âmes étonnées Craignant de voir contre eux retourner leurs coignées [coupant un bois sacré], Il [César] querelle leur crainte, il frémit de courroux, Brébeuf, Phars. III. Surpris, je l'avouerai, de leur fureur commune, Querellant les amants, l'amour et la fortune, J'étais de ce palais sorti désespéré, Racine, Bajaz. III, 2. Vous, qui, de l'Asie embrassant la conquête, Querellez tous les jours le ciel qui vous arrête, Racine, Iphig. IV, 6.

  • 2Provoquer, entamer une querelle (sens vieilli). Mais ce n'est pas ici qu'il faut le quereller, Corneille, Ment. II, 4. Quereller signifie aujourd'hui reprendre, faire des reproches, réprimander ; il signifiait alors insulter, défier et même se battre, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Ment. II, 4.
  • 3 Terme d'ancienne coutume. Porter plainte en justice ; attaquer un testament, une convention.

    De là vient le sens de disputer à, sens qui a vieilli et n'est plus usité. Ne lui querelle point un bien que tu possèdes, Corneille, la Suiv. IV, 8. Vous ne lui voulez pas quereller Célidée ? Corneille, Galer. du Pal. V, 6.

  • 4Gronder, réprimander. C'est toi, pendard, qui m'as bu mon vin d'Espagne, et qui as été cause que j'ai tant querellé la servante, croyant que c'était elle qui m'avait fait le tour, Molière, Scapin, II, 5.
  • 5Il se dit absolument, soit dans le sens de faire querelle, soit dans le sens de gronder. Je ne querelle point, Molière, Mis. II, 1. Argante : Laisse-moi un peu quereller en repos. - Scapin : Vous voulez quereller ? - Argante : Oui, je veux quereller. - Scapin : Hé ! qui, monsieur ? - Argante : Ce maraud-là, Molière, Scapin, I, 6. Oh bien ! querellez donc, si cela peut vous plaire, Destouches, Phil. marié, II, 5. C'est un amant qui querelle avec sa maîtresse ; n'allez pas prendre un moment d'humeur pour une rupture, Diderot, Claude et Nér. II, 5.
  • 6Se quereller, v. réfl. Disputer l'un contre l'autre avec des paroles aigres. Se sont-ils querellés ? Corneille, Poly. III, 2. Hé quoi ! toujours se quereller ! vous n'aurez pas la paix dans votre ménage ? Molière, la Jalous. du Barb. 5. Nous nous parlions quelquefois, mais pour nous quereller, Marivaux, Pays. parv. 4e part.

    Avec ellipse du pronom personnel. Et tant mieux ! j'aime à voir quereller les méchants, C'est un repos du moins pour les honnêtes gens, Collin D'Harleville, Vieux célib. V, 1.

    Fig. (aussi avec ellipse du pronom personnel). Ils ne savent jamais que se charger de chaînes… Et faire quereller les sens et la raison, Boileau, Art p. II.

SYNONYME

QUERELLER, GRONDER. On querelle ceux qu'on n'a pas le droit de gronder ; on gronde ses amis, ses enfants, ses gens. Gronder suppose une sorte d'autorité, de supériorité, ou du moins de droit ; il faut que celui que l'on gronde soit au moins censé avoir tort. Pour quereller, il suffit d'avoir de l'humeur ; on querelle son égal et même son supérieur : " On querelle les malheureux, dit Vauvenargues, pour se dispenser de les plaindre. " Celui qu'on gronde ne peut répondre que par des excuses ; celui que l'on querelle peut quereller à son tour (GUIZOT).

HISTORIQUE

XIIe s. Cil qui mesfait as clers, Deus le het e querele, Th. le mart. 74. Se clers de tenement volsist lai [laïque] quereler [faire procès à un laïque pour fief]…, ib. 60. De mainte chose l'a li reis achaisuné [accusé], E il aveit le rei durement querelé, ib. 115.

XVe s. Le roy luy restitua toutes ses terres et toutes celles qu'il querelloit, Commines, V, 15.

XVIe s. Pallas, querellant le patronage du païs d'Attique à l'encontre de Neptune, produisit l'olivier, Amyot, Thém. 38. Il les encouragea jusques à ne pas ceder facilement la victoire, mais aussi à la debatre et quereller vertueusement, Amyot, Pélop. et Marcel comp. 3. …Ainsi en prend à ceux Qui veulent quereller à gens plus vaillans qu'eux, Ronsard, 855. Quereller en mariage n'accroist grain, bien, n'heritage, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 379.

ÉTYMOLOGIE

Prov. querelhar ; espagn. querellar ; ital. querelare ; du lat. querelare, de querela (voy. QUERELLE).