« éconduire », définition dans le dictionnaire Littré

éconduire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

éconduire

(é-kon-dui-r') v. a.

Se conjugue comme conduire.

  • 1Éloigner avec plus ou moins de ménagement quelqu'un de chez soi, d'une société. On l'éconduisit de cette société dans laquelle il s'était glissé. Ne manque pas d'éconduire tous ceux qui se présenteront, Picard, Provinc. à Paris, IV, 6.
  • 2 Par extension, se défaire par quelque adresse d'une personne qui nous demande quelque chose. Éconduire un lion rarement se pratique, La Fontaine, Fabl. IV, 12. Le roi [Philippe V] l'en éconduisit [M. de Savoie, du souper] par des excuses, sous prétexte que ses officiers n'étaient pas arrivés, Saint-Simon, 107, 140. En plaisantant ainsi, vous croyez m'éconduire, Du Frény, Mariage fait et rompu, III, 2. Impudents, toujours pleins d'un espoir téméraire, Qu'on éconduit toujours sans pouvoir s'en défaire, La Chaussée, Préjug. à la mode, IV, 4.

    PROVERBE

    Vous ne serez pas battu et éconduit tout à la fois, se dit pour encourager quelqu'un à faire une demande.

HISTORIQUE

XVe s. Nul de ceste faulte ne se peust esconduire [excuser], Perceforest, t. IV, f° 136. Le dit evesque considerant que bonnement il ne se povoit esconduire n'excuser, qu'il ne feit assistance et ayde à ceux de son pays, Monstrelet, t. II, f° 60, dans LACURNE.

XVIe s. L'empereur luy fist option de choisir ce que plus en Rome luy plairoyt, avecques promesse jura de non l'esconduyre, quoique il demandast, Rabelais, Pant. III, 19. Allons-y ensemble, je vous supplye ne me esconduire, je vous seray ung Achates, Rabelais, ib. III, 47. De ceulx les prieres n'ont jamais esté esconduictes qui ont mediocrité requiz, Rabelais, ib. IV, Nouv. prol. Il avoit esté assez honteusement esconduit de sa requeste, Amyot, Thés. 46.

ÉTYMOLOGIE

Si on lit l'historique, on verra que éconduire n'a nulle part le sens de conduire hors, et qu'il signifie toujours s'excuser, refuser. On remarquera aussi que l'historique ci-dessus ne le donne qu'à partir du XVe siècle ; si ce verbe existe antérieurement, il est extrêmement rare ; mais en place se trouve, dans l'usage le plus général et le plus fréquent, escondire qui signifie refuser et qui a étymologiquement ce sens, venant de ex-condicere, se défaire par des paroles. Escondire existe aussi dans le provençal qui n'a pas éconduire, raison de plus pour croire qu'éconduire est une altération d'escondire, altération produite par une fausse assimilation de sens et de forme. Mais, une fois l'assimilation faite, éconduire a pris le sens de conduire hors, qui lui appartient légitimement, tandis que celui de se défaire par des excuses, qui lui a été attribué, ne lui appartient pas et appartient à l'autre verbe, à escondire. Si la langue n'avait pas commis cette fautive confusion, elle aurait gardé escondire pour se défaire par des paroles, et créé éconduire pour écarter, éloigner. C'est une règle beaucoup plus étendue qu'on ne le croirait, que des mots se confondent ainsi avec d'autres, et que nous nous efforçons d'y trouver ou d'y créer des analogies qui permettent de rapporter le mot à la racine apparente, bien qu'il y soit tout à fait étranger à l'origine.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉCONDUIRE. Ajoutez :
3Conduire hors, en parlant de l'eau. L'eau qui aura servi dans la turbine [servant à épuiser les caves inondées] sera éconduite, bien entendu, par l'égout, De Parville, Journ. offic. 11 mai 1876, p. 3208, 1re col.