« étranger.2 », définition dans le dictionnaire Littré

étranger

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étranger [2]

(é-tran-jé. Le g prend un e devant a ou o : nous étrangeons, j'étrangeais) v. a.
  • 1Faire éloigner d'un lieu, désaccoutumer d'y venir, en parlant d'animaux. Étranger le gibier, les loups d'un pays.
  • 2 Fig. et familièrement. Écarter, éloigner, en parlant des personnes. Ils se séparèrent, Monsieur outré, mais n'osant éclater, et le roi très piqué, mais ne voulant pas étranger Monsieur, Saint-Simon, 91, 204. Courtebonne, au lieu de se laisser étranger et sa femme, sut plaire et en tirer les meilleurs partis, Saint-Simon, 145, 113.
  • 3S'étranger, v. réfl. S'éloigner, s'écarter. Le gibier s'est étrangé de cette plaine.

    Sauf l'usage technique pour la chasse, ce verbe vieillit, et c'est dommage.

HISTORIQUE

XIIIe s. Pens i [penses-y] de bon cuer orendroit Conment nos puissons estrangier [éloigner] Renart, qui bien quide mengier Nos gelines et noz chapons, Ren. 16475. Car bien est drois que s'en estrange, Et die : trop m'avés meffait, Vengier m'estuet de ce meffait, la Rose, 14416. Contes, dus, roys et princes sunt si en leur dangier [sous l'empire des Franciscains], Que qui de leurs hostiex les vouldroit estrangier, Je cuit qu'il le vouldroient par raison chalengier, Et prover par usaige qu'en ne les puet [peut] changier, J. de Meung, Test. 838.

XVIe s. … Pour tel mal estranger [chasser], Besoin luy est d'eslongner la personne, à qui son cœur enamouré se donne, Marot, 1, 162. J'apperçois bien qu'amour est de nature estrange, … Il se veut approcher quand de luy on s'estrange, Marot, VI, 262. Du temps qu'il estoit encores payen et estrangé de la foy, Calvin, Instit. 32. Le peuple des Païs Bas est d'une nature franche ; par douceur et humanité non feinte on remue les affections de son cœur ; mais par coups et injures on l'estrange et on l'anime, Lanoue, 397. Si la dame est legere, il faut estre leger ; Si elle fait l'estrange, il faut s'en estranger, Am. Jamyn, Poésies, p. 207, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Du latin extraneare, d'extraneus (voy. ÉTRANGE), prov. estranhar ; catal. estranyar ; esp. extrañar ; port. estranhar ; ital. stranare, straniare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

2. ÉTRANGER. Ajoutez : - REM. J'ai regretté que ce verbe, sauf pour l'usage technique dans la chasse, ait vieilli ; je constate que, même de notre temps, il n'est pas tout à fait hors d'emploi : vous connaissez le mot des couturiers : Madame, cette robe vous étrange. - Dès qu'un vêtement m'étrange, il n'est pas fait pour moi, Mme DE GASPARIN, Voyages, t. IV, à Florence, 2e édit. Paris, 1866. Ce mot signifie ici donner un caractère étranger. Il faut encourager les efforts contre la désuétude des mots dignes d'être conservés. Comment, en effet, remplacerait-on étranger dans cette phrase de Malherbe : Une petite somme étrange celui qui l'emprunte ; une grande le rend ennemi, Lexique, éd. Lalanne.