« interpréter », définition dans le dictionnaire Littré

interpréter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

interpréter

(in-tèr-pré-té. La syllabe pré prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : j'interprète ; excepté au futur et au conditionnel : j'interpréterai, j'interpréterais) v. a.
  • 1Traduire d'une langue dans une autre. Le discours fut interprété en français.
  • 2Expliquer ce qu'il y a d'obscur et d'ambigu dans un écrit, dans une loi, dans un acte. Ceux qui ont interprété l'Écriture sainte.

    Terme de législation. Interpréter une loi, en expliquer le sens par une loi supplémentaire.

    Terme de pratique ancienne. Interpréter un arrêt, l'expliquer par un second arrêt.

  • 3Donner à une chose, par de certaines règles ou inductions, un sens réel ou imaginaire. C'est à l'aide des connaissances positives sur l'électricité qu'on a interprété les phénomènes de la foudre. Interpréter le vol des oiseaux. Interpréter les songes. Daniel en interpréta le sens [du songe du roi], Bossuet, Hist. II, 4. Mais vous interprétez les volontés célestes, Voltaire, Sémiram. III, 2.

    Par extension. Ce vœu du désespoir fut mal interprété ; Et je n'étais pas fait pour tant de lâcheté, Briffaut, Nin. II, III, 7.

  • 4Prendre en bonne ou en mauvaise part. Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles, Craignit que quelque inquisiteur N'allât interpréter à cornes leur longueur, La Fontaine, Fabl. V, 4. Je dois interpréter à charitable soin Le désir d'embrasser ma femme ! Molière, Tart. V, 3. Un plus long séjour serait interprété à oisiveté, Bossuet, Lett. quiét. 105. Il faut l'avouer : il n'y a personne qu'on ne puisse perdre en interprétant ses paroles, Voltaire, Mœurs, 73. On interprète Souvent le bien en mal, jamais le mal en bien, Imbert, Jaloux sans amour, II, 7.
  • 5 Terme de théâtre. Rendre, dans un rôle, les intentions de l'auteur. Cet acteur interprète bien, interprète mal le Tartuffe. Dans le langage des arts, on dit qu'un graveur interprète bien, interprète mal un tableau.
  • 6S'interpréter, v. réfl. Être interprété. C'est en contraire sens qu'un songe s'interprète, Corneille, Hor. I, 3. …Aux faux soupçons la nature est sujette ; Et c'est souvent à mal que le bien s'interprète, Molière, Tart. V, 3.

HISTORIQUE

XIIIe s. Nule descorde qui soit devant toi, ne enterpreter par doubles paroles, mais garde l'equalité dou corage, Latini, Trésor, p. 405.

XVe s. Et se interprete Seraphim ardent charité en amour de Dieu, Bibl. des chartes, 6e série, t. II, p. 134.

XVIe s. Ce voyage ne fut approuvé de gueres de gens, pour ce que l'on l'interpretoit, que c'estoit une occasion cherchée pour eviter d'aller après Mithridates, Amyot, Pompée, 58.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. interpretar, enterpretar ; esp. interpretar ; ital. interpretare ; du lat. interpretari, mot que Curtius croit composé de inter, entre, et d'un radical pret, signifiant connaître, et qu'on trouve dans le lithuanien protas, intelligence, goth. frathjan, penser ; mais qui plutôt répond au sanscr. prach, demander, interroger ; allem. fragen.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

INTERPRÉTER. - ÉTYM. Ajoutez : D'après M. Bréal, ce n'est pas le radical pret, signifiant connaître, qui est dans interpréter ; c'est le radical pre, qui se trouve dans le latin pre-tium, prix, et dans le grec πρί-ασθαι, acheter. Interpres est proprement un terme de la langue du négoce, désignant le courtier, l'intermédiaire qui conclut un achat ou une vente, proprement celui qui est entre les prix.