« ladre », définition dans le dictionnaire Littré

ladre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ladre

(la-dr') adj.
  • 1Attaqué de ladrerie, de lèpre ou éléphantiasis. Plus désolé Que si j'étais maran [espèce de lépreux] ou ladre…, Régnier, Sat. X.

    Terme de chasse. Lièvre ladre, lièvre qui habite aux lieux marécageux.

  • 2Affecté de la maladie dite ladrerie particulière aux porcs. Pourceau ladre. Truie ladre.
  • 3Insensible physiquement ; insensibilité attribuée à la lèpre. Il est ladre, il ne sent rien.

    Insensible moralement. M. de Richelieu dit à M. de Luxembourg qu'il était fort surpris de son procédé à son égard, mais qu'il n'était point ladre, Saint-Simon, 19, 223.

    Par extension de l'insensibilité morale, excessivement avare. C'est un homme très ladre.

  • 4 S. m. et f. Ladre, ladresse, celui, celle qui est attaqué de la lèpre. Dans le moyen âge, les ladres étaient astreints à porter un petit engin faisant du bruit, dit claquet, afin que les personnes saines se détournassent de leur rencontre, par crainte de la contagion. Actuellement nous ne voyons ici aucuns ladres ; autrefois il y avait un hôpital dédié pour les recevoir au faubourg de Saint-Denis, Patin, Lett. t. II, p. 177.

    Ladres blancs, les hommes qui n'ont la lèpre qu'intérieurement et qui ne laissent pas d'avoir la peau belle.

    Ladres verts, ceux dans qui elle se déclare par des pustules extérieures.

  • 5Ladre, ladresse, celui, celle qui est extrêmement avare. …Fi ! c'était un vilain, Un ladre. - Il ne faut pas appeler vilenie Ce que les gens sensés nomment économie, Hauteroche, Deuil, sc. 9. Le ladre a été ferme à toutes mes attaques, Molière, Avare, II, 6. Jamais on ne parle de vous que sous les noms d'avare, de ladre, de vilain et de fesse-mathieu, Molière, ib. III, 5. Voilà mon ladre, voilà mon vilain dans de furieuses angoisses, et la tendresse qu'il a pour son fils fait un combat étrange avec son avarice, Molière, Scapin, III, 3. Quel plaisir, vient de dire tout à l'heure un de ses héritiers, quel plaisir pour des neveux d'avoir de vieux ladres d'oncles qui renoncent aux douceurs de la vie pour les leur procurer ! Lesage, Diable boit. XII, dans POUGENS.

    Ladre vert, homme d'une avarice sordide.

  • 6 Terme de vétérinaire. Tache de ladre, partie de la peau dépourvue de pigment, et nue, ou recouverte de poils fins et courts. Ce cheval a du ladre.

HISTORIQUE

XIIIe s. [Le riche] Qui vestoit la porpre nobile, Ainsi com nous dist l'Evangile, Au ladre ne veut faire bien, Mahommet, V. 306. [Homme qui] Mix [mieux] ne vousist estre mesel Et ladres vivre en un bordel [cabane], Que mort avoir ne le trespas, Fl. et Bl. 1021.

XVe s. Celluy jour fut la damoiselle guerie qui devant estoit ladresse et meselle, Lancelot du lac, t. III, f° 110, dans LACURNE. C'est de Jesus la parabole Touchant du riche enseveli En feu, non pas en couche molle, Et du ladre au dessus de ly, Villon, Grand testament, LXXII.

XVIe s. Aucuns ont la face belle et le cuir poli et lisse, ne donnant aucun indice de lepre par dehors, comme sont les ladres blancs, appellés cachots, cagots et capots, que l'on trouve en basse Bretagne et en Guyenne vers Bordeaux où ils les appellent gobets, Paré, XXII, 11. Nostre maistre [Henri IV] est un ladre vert et le plus ingrat mortel qu'il y ait sur la face de la terre, D'Aubigné, Vie, XCV. … que ton importun caquet Soit fait compaignon du claquet, Du baril et de la besace D'un ladre vert…, Belleau, Œuv. t. II, p. 69, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Ladre, nom vulgaire du Lazare de l'Évangile, de celui qui, couvert d'ulcères, était à la porte du riche, et que le moyen âge disait lépreux ; provenç. ladre. Le mot est bien fait, l'accent étant sur la, lázărus. M. Scheler se demande si ladre dans le sens d'avare n'est pas l'italien ladro, voleur ; mais il n'est pas nécessaire d'intercaler un mot d'une tout autre origine, et la série des sens peut s'en passer.