« gager », définition dans le dictionnaire Littré

gager

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gager

(ga-jé. Le g prend un e devant a et o : gageant, nous gageons) v. a.
  • 1S'engager à… par une sorte de gage. Vous voudriez qu'elle fût parfaite ; avait-elle gagé de l'être au sortir de son couvent ? Sévigné, 522.
  • 2Convenir avec quelqu'un, sur une contestation, que celui des deux qui aura tort donnera à l'autre une somme ou quelque autre chose. Je gage cent pistoles que c'est toi, Molière, l'Impromptu, 3. Quand il y aurait une infinité de hasards, dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, Pascal, Pensées, t. I, p. 304, éd. LAHURE.

    Absolument. Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Sitôt que moi ce but, La Fontaine, Fables, VI, 10. Et si tu veux, nous gagerons, et verrons qui a raison des deux, Molière, l'Impromptu, 3. Il gage que c'est moi ; et moi je gage que c'est lui, Molière, ib. Dans le palais hier Bilain Voulait gager contre Ménage Qu'il était faux que Saint-Sorlin Contre Arnauld eût fait un ouvrage, Boileau, Épigr. v.

    Gage que, ellipse familière pour : je gage que… Gage qu'il se dédit. - Et moi gage que non, Molière, l'Ét. III, 3.

    Il se dit quelquefois comme simple affirmation. Et moi je gage qu'il ne saurait être approuvé d'aucune personne raisonnable, Molière, l'Avare, I, 6. Comme vous avez les yeux rouges ! vous avez pleuré, je gage, Genlis, Théât. d'éduc. la Lingère, I, 2.

  • 3Donner des gages, un salaire, des appointements à quelqu'un. Gager des domestiques. Elle [la royauté] fait subsister l'artisan de ses peines, Enrichit le marchand, gage le magistrat, La Fontaine, Fabl. III, 2. Vous les voyez encore, amoureux et volages, Chercher, la bourse en main, de beautés en beautés La mort qui les attend au sein des voluptés ; De leurs biens prodigués pour d'infâmes caprices Enrichir nos Phrynés dont ils gagent les vices, Gilbert, Le 18e siècle.

REMARQUE

On a contesté que gager de suivi d'un infinitif dût se dire comme parier, sur cette raison que gager indique une chose dont on est à peu près sûr, et parier une chose dont on est moins sûr ; mais la synonymie de ces deux mots est trop voisine pour que l'emploi en soit différent. Quand on a blâmé la phrase de Mme de Sévigné citée plus haut, on n'a pas fait attention que gager y a le sens non de parier, mais de s'engager ; si on y mettait parier à la place de gager, on la rendrait ridicule.

SYNONYME

GAGER, PARIER. Dans gager est gage ; et dans parier est pair, égal. Celui qui gage expose donc gage contre gage ; et celui qui parie est but à but contre quelqu'un. Cela fait une différence pour l'image que les deux mots présentent à l'esprit, mais cela n'en fait point pour le sens qui s'est attaché à l'un et à l'autre. La synonymie en est complète.

HISTORIQUE

XIIIe s. Se aucuns des mestiers devant diz est adjornés devant le mestre qui garde le mestier… et se il vient à son jour, et il cognoit, il doit gagier ; et se il ne paie dedenz les nuiz, il est à trois deniers d'amende, Liv. des mét. 110. Ciaus [ceux] ou celles qui font apeler et qui gagent bataille par champion, Ass. de Jér. 150. Il ne muet pas de sens [il n'a pas de sens] celui qui plaint Paine et travail qui aquiert avantage ; Pour ce ne puis veoir que cil bien aint [aime bien], Qui pour jouir d'amours souffrance gage [refuse, évite, locution tirée de l'expression féodale, gager du service, refuser service], Poés. franç. avant 1300, t. IV, p. 1388, dans LACURNE.

XIVe s. Mès plusors qui s'en retornoient [après une trêve], Et qui bien la trieve savoient Et l'accort que l'en avoit fet, Gagiez [arrêtés, pris] furent sans droit de fait, Hist. de Fr. en vers à la suite du roman de Fauvel, n° 6810, f° 84, dans LACURNE. Et ou cas où vous trouverés aucuns qui s'efforceront de faire le contraire des choses dessus dictes… si les gagez et contraigniez à payer la dicte amende, Ordonn. des rois, t. III, p. 98. Si vous prie que vous gaigez qu'elle le fera, et je gaigerai que non, Ménagier, I, 6. On viendra, on nous gagera, Quanque avons nous sera osté, Pathelin, dans RAYNOUARD.

XVIe s. Ainsi chascun se delibere aux armes, Gaigent pietons, francs archiers, hommes d'armes, Marot, J. V, 72. Ce que voyant le bon Jannot mon pere Voulut gaiger à Jaquet son compere, Contre un veau gras, deux aignelets bessons, Que quelque jour je ferois des chansons, Marot, I, 218. Qui l'orroit plaindre aucune fois, On gageroit que c'est la voix De quelque dolente personne, Marot, III, 151. Le jugement d'un homme gagé et achetté est moins libre…, Montaigne, I, 167. Se voyans gagez et obligez par ostages qui leur tenoient de si près, ilz envoyerent des ambassadeurs vers Romulus, Amyot, Rom. 23. Quand quelque habitant ou autre est blechié à sang, il est tenu, en dedans 24 heures enssuivant, gagier son sang, qui est de declarer au sieur son bailly le nom de cestuy ou ceulx le ayant bleschié, Nouv. coust. génér. t. I, p. 407. Gager du service [refuser de faire service en parlant d'un vassal qui se plaint d'un tort non redressé], Du Cange, vadiare.

ÉTYMOLOGIE

Gage ; wallon, wagî ; bourguign. gaigé ; norm. gagier ; provenç. gatgar, gatjar. En Lorraine, gager a souvent le sens d'arrêter, dresser procès-verbal : N'entrez pas dans ce champ, vous vous feriez gager ; on les a vus cueillir du raisin, et on les a gagés. C'est un sens ancien, dont on peut voir de fréquents exemples dans l'historique.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GAGER. Ajoutez :
4Servir de gage à, garantir. Voilà les ressources de la ville de Paris, ces ressources gagent l'emprunt, elles donnent toute sécurité aux prêteurs, Journ. offic. 21 juin 1876, p. 4366, 2e col.