« me », définition dans le dictionnaire Littré

me

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

me

(me) pron.

Pronom personnel des deux genres qui signifie la même chose que moi, et s'emploie seulement comme régime du verbe.

  • 1Me, régime direct ; il se place avant le verbe. Me voici, me voilà. D'ailleurs l'affront me touche, Corneille, Cid, II, 7. Qu'on me laisse ici, Molière, Am. magn. II, 1.
  • 2Me, régime indirect et signifiant à moi ; il se place avant le verbe. Vous me donnez un sage conseil. Ne me rappelez point une trop chère idée, Racine, Bérén. V, 5. Tu dois me prononcer l'arrêt qu'on vient de rendre, Voltaire, Alz. V, 5.

    En cet emploi, il se joint au verbe être et à des verbes neutres, exprimant non pas un régime indirect, mais la circonstance que telle chose, tel fait est à moi. Les dangers me sont des appas ; Un bien sans mal ne me plaît pas, Malherbe, V, 18. À qui la bourse ? - Ah dieux ! elle m'était tombée, Molière, l'Ét. I, 3. Les dieux depuis longtemps me sont cruels et sourds, Racine, Iphig. II, 3. Venez ; les malheureux me sont toujours sacrés, Voltaire, Oreste, II, 2. Que la fortune donc me soit mère ou marâtre : C'en est fait, pour barreau je choisis le théâtre, Piron, Métrom. III, 9.

    Il m'est parent, voy. LEUR.

  • 3Me, régime indirect, est quelquefois explétif et donne un peu plus de force à l'expression. Prends ton pic, et me romps ce caillou qui te nuit ; Comble-moi cette ornière…, La Fontaine, Fabl. VI, 18. C'est une fille propre aux choses qu'elle fait, Et vous me la chassez pour un maigre sujet, Molière, F. sav. II, 7.
  • 4L'e muet s'y élide quand le verbe suivant commence par une voyelle ou une h muette. Vous m'avez secouru. Il m'honore. Vous m'aimez, vous me le soutenez, Racine, Bérén. V, 5.

    L'e s'élide aussi devant les particules y et en. Passons devant la porte d'un tel, vous m'y laisserez. Ne m'en parlez plus. Tu quitterais le dessein que tu as, si tu m'en voulais croire, Molière, Scap. III, 1.

  • 5Me se place avant la particule en. Vous m'en donnerez.
  • 6Me se place, par exception, après le verbe, lorsqu'il se trouve tout à la fois que le verbe est à l'impératif, que la phrase est affirmative et que la particule en suit immédiatement le pronom. J'ai besoin de sages conseils, donnez-m'en. Vous m'avez jeté dans l'embarras, faites-m'en sortir. Ce n'était pas un sot, non, non, et croyez-m'en Que le chien de Jean de Nivelle, La Fontaine, Fabl. VIII, 21. Instruisez-m'en de grâce, et, par votre discours, Hâtez mon désespoir ou le bien de mes jours, Molière, D. Garc. V, 5. Éclaircissez-m'en, je vous en conjure, Baron, l'Homme à bonnes fortunes, II, 15.

    À part ces cas, me ne s'emploie pas avec l'impératif ; on se sert de moi. Aimez-moi. Donnez-moi de l'argent.

    Cependant, quand il y a plusieurs verbes à l'impératif, on peut, avec le second ou le troisième, mettre me avant le verbe. Quittez cette chimère, et m'aimez, Corneille, Poly. IV, 3. Laissons cela, Zéphyre, et me dis si tes yeux Ne trouvent pas Psyché la plus belle du monde, Molière, Psyché, III, 1. Finissons auparavant votre affaire et me dites qui est celle que vous aimez, Molière, l'Av. I, 2.

  • 7Quand, avec l'impératif, la phrase est négative, me reprend sa place avant le verbe. Ne m'en croyez pas. Ne m'y laissez pas. Ne me chassez pas. Ne me donnez pas d'argent.
  • 8Me se place avant y. Vous m'y attendrez. Je vous prie de m'y attendre. Je m'y en vas (et non je m'en y vas ; voy. ALLER, rem. 3).

    D'après l'Académie, on ne dit pas : attendez-m'y ; menez-m'y ; il faut dire : attendez-y-moi ; menez-y-moi. Cependant l'Académie au mot tu donne : mets-t'y, jette-t'y ; et, quand elle assure qu'on ne dit pas mets-m'y, jette-m'y, et formes semblables, elle se trompe ; car on trouve dans la Fontaine : Menez-m'y, Ragotin, III, 15. Le fait est que cette forme est plus correcte que l'autre, et que toutes deux sont peu usitées ; mais il faut ajouter qu'on ne doit avoir aucun scrupule à se servir de celle de la Fontaine et à la remettre en honneur.

  • 9Me, comme tous les pronoms en régime, se répète avant chacun des verbes dont il est le régime. Son visage odieux m'afflige et me poursuit, Racine, Esth. II, 1.
  • 10Dans les phrases où il y a deux verbes subordonnés l'un à l'autre, on place ordinairement le pronom me près du verbe qui le régit. On ne saurait me reprocher d'aimer la table. Du reste ce n'est pas une faute de dire : On ne me saurait reprocher d'aimer la table ; et on sait même que les écrivains du XVIIe siècle affectent de placer le pronom avant le premier verbe : Il faut que le cruel qui m'a pu mépriser Apprenne de quel nom il osait abuser ! Racine, Iphig. III, 6. Dans ce cas il faut consulter l'oreille.

HISTORIQUE

IXe s. In quant Deus savir et podir me dunat [donne], Serment.

XIe s. Et de ço ne me poez enplaider, Lois de Guill. 38. Et par la barbe qui al pis me ventelet, Ch. de Rol. IV. Livrez m'en ore le gant et le baston, ib. XVII. Prenez m'as bras, me dressez en seant, ib. CXCVIII.

XIIe s. Nule chançon ne m'agrée, Couci, I. Requier le rei qu'il me te duinge [donne], e il ne m'escundirad pas, Rois, p. 164.

XIIIe s. Que le livre as histoires [il] me montra où je vi…, Berte, I. De duel [deuil] et de pitié trestous li cuers m'en art [brûle], ib. XXII. Laissez m'entrer leens, tout vous sera conté, ib. XLV. Constance vostre femme mout [vous] me saluerez, ib. CXXI.

XVIe s. Jette le moy, jette le moy par terre, Et que du pied la gorge on me luy serre, Amyot, Comment refréner la colère. Ceulx là se mocquent de toy, Diogenes. - Et je ne me sens pas mocqué moy, respondit-il, Amyot, ib. 30.

ÉTYMOLOGIE

Lat. me, accusatif de ego. Moi et me sont identiques et ne diffèrent que parce que moi porte l'accent, tandis que me est proclitique.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ME. Ajoutez : - REM. Pour l'emploi de me, comme pronom réfléchi, voy. SE, Rem. 3, 4, 5, 7, 8, 9 et 10.