« ourdir », définition dans le dictionnaire Littré

ourdir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ourdir

(our-dir) v. a.
  • 1Disposer, arranger les fils de la chaîne pour faire un tissu. Tous ces tapis Qu'a tissus la Savonnerie, Ceux que les Persans ont ourdis, Voltaire, Ép. 28.

    Terme de corderie. Étendre, élonger tous les fils de caret qui doivent composer un cordage.

    Entrelacer des cordons de paille pour faire une natte.

    Tourner l'osier autour du moule, le tortiller pour en faire des paniers ou d'autres ouvrages.

    Terme de pêche. Ourdir les cannes, faire des espèces de claies semblables aux paillassons des jardiniers.

    Poétiquement et fig. Et vous, fatales sœurs, reines des destinées, Vous dont les noires mains ourdissent nos années, Rotrou, Herc. mour. V, 2. La Parque à filets d'or n'ourdira point ma vie, Je ne dormirai point sous de riches lambris ; Mais voit-on que le somme en perde de son prix ? La Fontaine, Fabl. XI, 4.

  • 2 Fig. Disposer comme le tisserand dispose ses fils. Cependant, son Dauphin… De faits si renommés ourdira son histoire Que ceux qui dedans l'ombre éternellement noire Ignorent le soleil, ne l'ignoreront pas, Malherbe, II, 1. De leur mollesse léthargique Le discord sortant des enfers, Des maux que nous avons soufferts Nous ourdit la toile tragique, Malherbe, VI, 29. C'est elle [notre âme] qui forme la liaison de nos sensations, et qui ourdit la trame de nos existences par un fil continu d'idées, Buffon, Disc. nat. anim. Œuv. t. V, p. 317.
  • 3 Fig. Tramer, machiner. Que ne sait point ourdir une langue traîtresse Par sa pernicieuse adresse ! La Fontaine, Fabl. III, 6. Quand on est à cent lieues de Paris, il est difficile de prévoir et de parer les effets des petites cabales, des petites intrigues, des petites méchancetés qu'on y ourdit sans cesse pour s'amuser, Voltaire, Lett. d'Alemb. 19 mai 1773. En voyant ourdir autour de moi mille trames, je ne savais me plaindre que de la tyrannie de ceux que j'appelais mes amis, Rousseau, Conf. IX. Vous y verrez avec quel artifice il a ourdi sa calomnie, Marmontel, Mém. VIII.
  • 4 Fig. Il se dit de la contexture des ouvrages d'esprit. Son talent [de Virgile] était de faire des tableaux plutôt que d'ourdir avec art la trame d'une fable intéressante, Voltaire, Ess. poés. ép. ch. 3.
  • 5S'ourdir, v. réfl. Être ourdi. La toile s'ourdissait.

HISTORIQUE

XIIe s. Trenchede est ensement cum de teissant [tissant] la meie vie ; dementres uncore que ordisseie, suztrenchad mei [me trancha par dessous], Liber psalm. p. 233.

XIIIe s. Nules mestresses du mestier ne pueent ne ne doivent ourdir fil aveques soie ne flourin [espèce de bourre de soie] aveques soie, parce que l'uevre est fause et mauvese, Liv. des mét. 88.

XVe s. Sans ourdir on ne peut tiltre [tisser], Coquillart, p. 15, dans LACURNE.

XVIe s. Tarquinius faisoit soubs main tenter le peuple, et ourdissoit une trahison, Amyot, Publ. 5. Pendant que ceste trame s'ourdissoit, Amyot, Fab. 44. Ourdir, pour s'empestrer, mille nouveaux liens, Estre serf d'un tyran qui rit du mal des siens…, Desportes, Amours d'Hippolyte, XLIV.

ÉTYMOLOGIE

Berry, ordir ; prov. ordir ; esp. urdir ; ital. ordire ; du bas-lat. ordire (dans Isidore), ourdir ; du lat. ordiri, commencer.