« dénaturer », définition dans le dictionnaire Littré

dénaturer

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dénaturer

(dé-na-tu-ré) v. a.
  • 1Changer la nature d'une chose. Dénaturer des objets volés.

    On dénature un bien en le vendant pour en acquérir d'autres, dont on puisse disposer librement. Comme il fait surtout des efforts pour dénaturer sa fortune, Beaumarchais, Mère coup. I, 2.

    Terme de jurisprudence. Dénaturer une créance, changer une créance en une créance d'une autre nature.

    Dénaturer un fait, lui donner une autre nature, un autre caractère, en ajoutant, retranchant, changeant les circonstances.

    Dénaturer une pensée, une phrase, un langage, y faire des changements tels que le caractère en soit tout à fait altéré.

  • 2Rendre dur, dépravé. Ce peuple, qui depuis s'est peut-être laissé dénaturer, était alors la bonté même, Marmontel, Mém. t. I, liv. II, p. 165, dans POUGENS. Son âme a dû s'aigrir au sein de la misère ; J'aurai dénaturé cet heureux caractère, Ducis, Lear, II, 4.
  • 3Se dénaturer, v. réfl. Perdre sa nature. Des biens qui se dénaturent aisément. Des faits qui se dénaturent en passant de bouche en bouche.

    Devenir dénaturé, méchant. Parmi ceux-là [les soldats qui s'endurcirent aux excès], quelques vagabonds se vengèrent de leurs maux jusque sur les personnes ; au milieu de cette nature ingrate ils se dénaturèrent, Ségur, Hist. de Napol. IV, 4.

HISTORIQUE

XIIIe s. Vos me dites que je soivre [sèvre] mon enfant et desnature et face norrir del lait d'autre fame, Merlin, f° 67, verso. De la joie qu'ele ot [elle] fu si desnaturée [mise hors de soi], Berte, LXXXII. Lors dist Gavains : Segnor, veéz, Cis leus [loup] est tous desnaturés [changé de nature]. Entr'aus [eux] dient tot li baron, Qu'ainc si cortois leu ne vit-on, Lai de Melion. Toute riens veult et aime son pareil par nature ; Pour ce di-ge que fame et homs se desnature Qui n'aime à ceste fin humaine creature, J. de Meung, Test. 62.

XIVe s. Tel homme se desnature et degenere ou forligne, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVe s. Moult sont belles les euvres de nature, Laides aussi quant au desnaturer ; Une jument n'aroit d'un toreau cure, Ne la chievre n'a cure d'un sangler, Deschamps. Fou et vieux homme. L'eclipse fut toute pleniere ; Environ trois heures dura ; Nature se desnatura, Conv. de St Denis.

XVIe s. Des amours desnaturées [contre nature], Montaigne, I, 117.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et nature avec la terminaison verbale er ; provenç. et portug. desnaturar ; ital. disnaturare.