« enchanter », définition dans le dictionnaire Littré

enchanter

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

enchanter

(an-chan-té) v. a.
  • 1Produire une opération surnaturelle sur quelqu'un ou quelque chose par des paroles magiques. Armide enchanta la forêt. Merlin enchanta le chevalier. Assoupis le dragon, enchante la princesse, Corneille, Tois. d'or, v, 4. Quelque divinité ennemie avait enchanté mes yeux ; je croyais voir Ithaque, Fénelon, Tél. IX.
  • 2Agir sur les hommes par une action comparée à un enchantement. Les faux prophètes les enchantent par les promesses d'un règne imaginaire, Bossuet, Hist. II, 7. Leur subtil conducteur [Cromwell], qui, en combattant, en mêlant mille personnages divers, vit qu'il avait tellement enchanté le monde qu'il était regardé de toute l'armée comme un chef envoyé de Dieu, Bossuet, Reine d'Anglet. Il faut d'un peuple fier enchanter les esprits, Voltaire, Fanat. II, 6. Jeune, sensible, ardent, tel qu'il frappa mes yeux. Quand seul il enchantait et la terre et les cieux, Ducis, Abufar, II, 2.

    Se laisser enchanter, ne pas résister à ce qui charme, captive.

    Il se dit des choses en un sens analogue. [Il] va de sa part enchanter ses ennuis, Tristan, M. de Chrispe, II, 2. Avant qu'elle enchantât ma vie, Devant moi l'amour s'envolait, Béranger, Qu'elle est jolie.

  • 3Causer un très vif plaisir. Cette musique, cette pièce m'a enchanté. Vos paroles… vos regards… votre action et votre ajustement ont je ne sais quel air de qualité qui enchante les gens, Molière, Critique, 3. Là pour nous enchanter tout est mis en usage ; Tout prend un corps, une âme, un esprit, un visage, Boileau, Art p. III.
  • 4Rendre charmant. Il [l'amour] enchante ces lieux par un charme invincible, Voltaire, Henr. IX.
  • 5S'enchanter, v. réfl. Être ravi, enchanté. Il s'enchantait de l'idée qu'il était l'idole du peuple.

    Se plaire vivement l'un à l'autre. Dès la première entrevue, ils se sont enchantés tous les deux.

HISTORIQUE

XIIe s. Ancor est-il ceanz, ce cuit [je pense], Ou nos somes enchanté tuit [tous], le Chevalier au lyon, v. 1127. Tant les ad enchantez qu'od sei les fist aler, à la nef sunt venu, e entrerent en mer, Th. le mart. 133.

XIIIe s. Si croi que m'avez enchantée, Male leçon m'avez chantée, la Rose, 13895. Moult i convient grant garde por nos ames salver ; Diables nous est près, qui nous veut encanter, Chans. d'Ant. I, 97.

XIVe s. Mahommes l'a craée [une femme] pour hommes enchanter ; Qui n'aroit en trois jours eüt de coi disner, à veoir ceste dame se porroit consoler, Beaud. de Seb. v, 776.

XVe s. [Les Flamands venaient de faire alliance avec le roi d'Angleterre contre le roi de France, celui-ci leur manda] que, si ils se vouloient reconnoistre et retourner à lui, et relenquir ce roi d'Angleterre qui enchantés les avoit, il leur pardonneroit, Froissart, I, I, 106.

XVIe s. Tellement enchanté et charmé du poison d'amour, qu'il ne pensoit à autre chose qu'à elle, Amyot, Anton. 46.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. encantar, enchantar ; espagn. encantar ; ital. incantare ; du latin incantare, de in, en, et cantare (voy. CHANTER) : opérer par des chants magiques.