« pâmer », définition dans le dictionnaire Littré

pâmer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pâmer

(pâ-mé) v. n.
  • 1Tomber en défaillance, en syncope. Ils ne peuvent s'empêcher de pâmer ou de pleurer, Descartes, Pass. 211. Sire, on pâme de joie ainsi que de tristesse, Corneille, Cid, IV, 5.

    Par exagération. Pâmer de rire, rire à pâmer, rire excessivement. Dans ses simplicités à tous coups je l'admire, Et parfois elle en dit dont je pâme de rire, Molière, Éc. des f. I, 1. C'était des postures à pâmer de rire, Sévigné, 71. Mon fils a ri à pâmer de votre madame, Sévigné, 5 oct, 1689.

    Pâmer de joie, éprouver une joie infinie. …Ici pâma de joie Des mortels le plus heureux, La Fontaine, Fianc.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir, pour exprimer l'action : elle a pâmé au sortir du bain ; avec l'auxiliaire être, pour marquer l'état : elle est pâmée depuis dix minutes.

  • 2Se pâmer, v. réfl. même sens. Le Gascon se pâme à ce bruit, La Fontaine, Gasc. La dame, après s'être pâmée, alla se consoler avec un petit-maître du pays, Voltaire, Micromégas, 3. M. d'Hamilton fait… ôter le petit d'Elbeuf, qui s'était jeté sur ce corps [de Turenne], qui ne le voulait pas quitter, et qui se pâmait de crier, Sévigné, 28 août 1675.

    Par exagération. On se sent à ces vers jusques au fond de l'âme Couler je ne sais quoi qui fait que l'on se pâme, Molière, Femmes sav. III, 2. C'est à ces morceaux extravagants que nos femmes se pâment d'admiration, Rousseau, Lett. sur la mus. franç. Ces petits fleuristes qui se pâment à l'aspect d'une renoncule, Rousseau, Hél. IV, 11.

    Se pâmer de rire, rire à se pâmer, se pâmer de joie, même sens que pâmer, etc.

  • 3Se pâmer, perdre sa trempe ; se dit de l'effet produit sur l'acier lorsqu'il est chauffé ou forgé trop longtemps.

REMARQUE

Voltaire sur le vers du Cid cité ci-dessus prétend qu'on ne dit pas pâmer, mais se pâmer. Voltaire prenait ici son usage particulier pour l'usage général ; pâmer, au neutre, était parfaitement usité du temps de Corneille et l'est encore.

HISTORIQUE

XIe s. À icest mot se pasme li marquis, Ch. de Rol. CXLIX. Cuide li reis que el se seit pasmée, ib. CCLXXI.

XIIIe s. Et il perdi moult de sanc, si commencea à pasmer, Villehardouin, CLXXVII. Et jut une grant pieche pasmés, que on n'i senti poux ne aleine, Chr. de Rains, p. 41.

XVe s. Encore entrerent ces gloutons [les paysans anglais révoltés] dans la chambre de la princesse… dont elle fut si espouvantée qu'elle s'en pasma, Froissart, II, II, 112.

XVIe s. Un dauphin d'argent, pasmé, Cotgrave Je ne sens rien de ma plaie cuisante, Que le plaisir dont ton œil m'a pasmé, Loys le Caron, Poésies, f° 66, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Berry, paumer ; provenç. pasmar, palmar, espalmar, plasmar, esplamar ; anc. espagn. et portug. espasmar ; espagn. mod. pasmar ; ital. spasimare ; du lat. spasma (voy. SPASME). Les formes espasmar, spasimare, espasmir (voix espamie, dans J. MAROT, V, 333), et espaumir (il s'espaumit de sorte que nous eusmes fort à faire de le revigorer, PALSGRAVE, p. 417) ne laissent aucun doute ; le spasme s'est changé en un autre accident, dans les langues romanes.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PÂMER. Ajoutez :
4Se pâmer, se dit de la luzerne qu'on laisse quelque temps coupée sur le terrain. Vous fauchez la luzerne et, après l'avoir laissée se pâmer pendant 24 heures, vous l'apportez dans la fosse, en ayant soin de la fouler, E. Garnot, Avranchin, 15 oct. 1876.