« autel », définition dans le dictionnaire Littré

autel

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

autel

(ô-tèl) s. m.
  • 1Sorte de table destinée à l'usage des sacrifices. Dans Rome, les autels fumaient de sacrifices, Racine, Brit. IV, 2. Si de sang et de morts le ciel est affamé, Jamais de plus de sang ses autels n'ont fumé, Racine, Iphig. V, 2. On dresse des autels de gazon, Fénelon, Tél. XXIV. Les sénateurs lui firent dresser des autels, Bossuet, Hist. III, 7. Il lui voulait dresser des autels, Bossuet, ib. II, 12. L'amour impudique eut tant d'autels…, Bossuet, ib. II, 3. Cependant à Pompée élevez des autels ; Rendez-lui les honneurs qu'on rend aux immortels, Corneille, Pomp. III, 2.

    Poétiquement. Dressons-lui des autels sur des monceaux d'idoles, Corneille, Poly. II, 6.

    Autels, monuments en forme d'autels élevés pour perpétuer la mémoire de quelque événement. Les patriarches élevaient des autels en des lieux où ils avaient reçu quelque faveur de Dieu. Il est parlé des autels d'Hercule, des autels d'Alexandre, dressés aux extrémités de leurs expéditions.

    Fig. et par extension, honneurs extraordinaires. Mériter des autels. Eux-même avec candeur, se disant immortels, De leurs mains tour à tour se dressent des autels, Gilbert, Dix-huitième siècle. Nous sommes trois, Diderot, d'Alembert et moi, qui vous dressons des autels, Voltaire, Lett. à Cath. 8. À sa gloire en cent lieux fit dresser des autels, Boileau, Art p. IV. Cette idole à qui le monde a de tout temps dressé des autels, Massillon, Dauph.

    Personne qu'on honore, qu'on adore. Ils n'ont point de faveur qu'ils n'aillent divulguer, Et leur langue indiscrète, en qui l'on se confie, Déshonore l'autel où leur cœur sacrifie, Molière, Tart. III, 3.

  • 2Chez les chrétiens, table où l'on célèbre la messe. Le prêtre monte à l'autel. S'approcher de l'autel pour la communion. Dans le même esprit qu'ils vont à l'autel, Bossuet, Par. de Dieu, 1. Une âme qui a vécu longtemps éloignée de l'autel, Massillon, Inconst. Quoiqu'elle approchât souvent des autels, Fléchier, Mar.-Th. Un prêtre oserait-il, le même jour, s'approcher de l'autel [dire la messe] ? Pascal, Prov. 6.

    Le maître autel, l'autel qui est placé dans le chœur d'une église.

    Autel privilégié, autel où il est permis de dire la messe des morts le jour qu'on ne peut la célébrer aux autels qui ne sont pas privilégiés.

    Autel portatif, pierre plate et carrée, bénite selon les formes de l'Église, pour célébrer la messe en pleine campagne.

    Le sacrifice de l'autel, le saint sacrifice de l'autel, c'est-à-dire la messe ; le saint sacrement de l'autel, l'eucharistie.

    Fig. Élever autel contre autel, faire un schisme, et, par extension, lutter avec quelqu'un de crédit, de puissance, former une entreprise rivale. On élève autel contre autel, Bossuet, Annonc. 1. Harcourt saisit l'occasion de débaucher au duc de Beauvilliers son pupille ou de faire au moins autel contre autel, Saint-Simon, 232, 94.

  • 3 Fig. La religion, le culte. Respectez les autels. Les ministres des autels. Il soutint les autels que l'hérésie avait ébranlés, Fléchier, Dauph. Et les droits de l'autel sont avant ceux du trône, Raynouard, États de Blois, II, 5.

    L'autel et le trône, la religion et le pouvoir monarchique.

  • 4 Terme d'astronomie. L'Autel, constellation de l'hémisphère austral.
  • 5 Technologie. Tablette de pierre ou de fonte placée en avant de la bouche d'un four.

    Partie d'un four à réverbère, qui a pour destination d'isoler le métal du combustible.

PROVERBES

Qui sert à l'autel doit vivre de l'autel, ou le prêtre vit de l'autel, c'est-à-dire chacun vit de sa profession.

Il en prendrait sur l'autel, se dit d'un homme qui prend tout ce qu'il peut et partout où il peut.

Ami jusqu'aux autels, ami à tout faire, excepté à agir contre la religion, contre la conscience.

HISTORIQUE

XIe s. Dessus l'alter [de] Saint Sevrin le baron, Ch. de Rol. CCLXIX. Lonc un alter belement [ils] l'enterrerent, ib. CCLXXI.

XIIe s. Mout riche ofrande [il] a dessus l'autel mise, Ronc. p. 179. Idunches se dresça, E par tuz les alters à orer s'en ala, Th. le mart. 162. E de tutes les lignées de Israel [je] le eslis, que fust mis prestres ; e à mun altel muntast, e encens i portast, Rois, 9. Dunc cumandad li angeles à Gad, que il deïst à David que il en alast pur lever un alter en l'onurance nostre Seignur, ib. 218. Tant que li fossez ki deled le altel esteit, fud plein e surundad, ib. 318.

XIIIe s. Par derriere l'autel s'ert [s'était] la bele mucie [cachée], Berte, CIX. E quant tote la messe est dite, le rei vient devant l'autier, et se comenie, Ass. de Jér. I, 31. Car teil qui auteil sert, d'auteil doit vivre, Rutebeuf, 258.

XVIe s. Il en prendroit sur le grand autel, H. Estienne, Précell. p. 77.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. autai ; provenç. altar, autar ; espagn. altar ; ital. altare ; du latin altare, proprement, ce qu'on met dessus l'autel (Quintilien, Decl. XII, 26 : aris altaria imponere), ce qui exhausse, de altus, haut (voy. ce mot). Altare a donné régulièrement alter ou altier ou autier ; la forme autel s'est glissée à côté, par l'affinité entre l'l et l'r, et peut-être aussi par le grand usage de l'adjectif autel, semblable, mot très usité dans ces temps : l'on sait combien les langues ont de tendance à assimiler les mots qui ont peu de différence ; tendance funeste et qui rend bien des choses confuses et même inintelligibles.