« chance », définition dans le dictionnaire Littré

chance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chance

(chan-s') s. f.
  • 1Façon d'advenir, suivant des conditions qui ne nous sont pas connues. La chance des armes. Nous en courrons la chance. J'abandonne à leur chance et mes sens et mon âme ; Qu'ils aillent où Dieu sait, chacun de leur côté, Lamartine, Harm. IV, 11.

    Pousser sa chance, suivre sa fortune, tenir bon. Il a poussé sa chance, Molière, Fâch. I, 1.

    Rompre la chance, faire manquer une affaire. Au hasard du succès sacrifions des soins ; Et s'il poursuit encore à rompre notre chance, J'y consens, ôtez-lui toute notre assistance, Molière, l'Étour. III, 1.

    Rompre la chance, se dit à l'écarté lorsqu'un joueur ayant gagné plusieurs fois de suite, un nouvel adversaire lui est opposé pour changer la fortune du jeu.

    Conter sa chance, conter l'aventure qu'on a eue, conter son sort. Lui conter sa chance, Molière, Éc. des maris, III, 2. Il fut trouver son cousin, lui conta sa chance, Hamilton, Gramm. 9.

    Par forme de souhait, bonne chance ! c'est-à-dire je souhaite que vous réussissiez.

  • 2Absolument et abusivement heureux hasard, bonne fortune. Il aura de la chance s'il s'en tire. Je n'ai pas de chance au jeu Quelle chance de vous rencontrer ! Poursuivez pendant que vous êtes en chance. Pauvres gens, ils n'ont vraiment pas de chance. Je finis, et je vous souhaite Une victoire très complète, Chance à tous jeux, de la santé, La Fontaine, Lettres, XXIII.
  • 3La probabilité qu'il y a qu'une chose arrive ou non. En jetant en l'air une pièce de monnaie, il y a autant de chance pour qu'elle tombe sur pile que sur face. Les chances de mort aux différents âges. Il n'a aucune chance de salut. Calculer les chances. On met ainsi presque toutes les chances contre soi, Rousseau, Contr. III, 6.

    En mathématiques, la théorie des chances, le calcul des probabilités.

  • 4Sorte de jeu de dés. Ils jouaient à la chance à deux dés, Hamilton, Gram. 11.

    Fig. La chance tourne, a tourné, c'est-à-dire les dés tournent, ont tourné, les choses changent, ont changé de face. Ah ! mon pauvre garçon, la chance a bien tourné ! Pourrais-tu de mon sort deviner l'injustice ? Molière, l'Étour. II, 7. Que si d'un sort fâcheux la maligne inconstance Vient, par un coup fâcheux, faire tourner la chance, Boileau, Sat. IV.

    Fig. C'en est fait pour jamais, la chance en est jetée, Régnier, Élég. 2.

    Donner la chance, livrer la chance, livrer chance, se dit quand le joueur, qui tient le cornet, nomme le point qu'il veut avoir en sa faveur.

    Fig. Le duc de Chevreuse livrait chance à tout le monde [provoquait] en plein salon et y disputait contre tout venant, Saint-Simon, 238, 176.

  • 5 Terme de métier. Pot de terre dans lequel on blanchit les épingles de fer.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tornée lor est la cheance Du dé en perte et mescheance, Hist. de France en vers à la suite du roman de Fauvel, ms. n° 6812, f° 72, dans LACURNE, au mot dé. Fors que Gentillesce sa fille, Cousine a prochaine cheance [a chance prochaine pour sa cousine], Tant la tient fortune en balance, la Rose, 6592. Nus deicier ne puet ne ne doit fere ne achater dez ploumez, quelque chance que il doinent [donnent], de quoi qu'il soient ploumez, soit de vif ou de plons, Livre des mét. 182.

XIVe s. … Point de plus vaillant homme, Ne qui plus de victores, pour vigueur, pour cheance, Heüst [eût] : quar douze fois [il] vainquit le roi de France, Girart de Ross. V. 278.

XVe s. Quand il cognoist qu'en hasart gist sa chance, Orléans, Rondeau, p. 288.

XVIe s. Je pose sus le bout de la table en mon cabinet tous les sacs du deffendeur, et lui livre chance premierement [je jette les dés pour lui], Rabelais, Pant. III, 37. Là [il] jouoyt à la blanche, à la chance à trois dez, à la table…, Rabelais, Garg. I, 22. Maintenant la chance est tellement tournée, qu'ils sont devenus cousins des rois et des empereurs, Calvin, Instit. 919. J'aime mieulx me resouldre à quelque party que ce soit, aprez que la chance est livrée [le sort jeté, l'affaire engagée], Montaigne, III, 47. Mais si la chance tourne…, Montaigne, IV, 53. Ce fut lui qui livra de chance [donna le signal, commença], en criant, haut les bras, D'Aubigné, Hist. II, 393. Ce petit combat livra de chance, et resveilla les uns et les autres à la guerre, de laquelle on doutoit auparavant, D'Aubigné, ib. II, 433. Il avoit le jour precedent gaigné six mille escus à la chance à trois dez, Carloix, III, 20. J'ay joué comme aux dés mon cœur et mes amours ; Arriere bien ou mal, la chance en est jettée, Ronsard, 229. Il n'est chance qui ne retourne, Leroux de Lincy, Prov. t. II, 314.

ÉTYMOLOGIE

Picard, cince ; anc. franç. cheance, du part. cheant, de choir. Provenç. cazensa ; ital. cadenza ; bas-lat. cadentia, du latin cadens, tombant, de cadere, choir (voy. CHOIR) ; comparez CADENCE.