« tradition », définition dans le dictionnaire Littré

tradition

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tradition

(tra-di-sion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
  • 1 Terme de jurisprudence et de liturgie. Action par laquelle on livre quelque chose à quelqu'un. La vente se consomme par la tradition de la chose vendue. L'ordre de portier, dans l'Église, se confère par la tradition des clefs. La tradition réelle, qui se faisait par le sceptre, constatait le fief, comme fait aujourd'hui l'hommage, Montesquieu, Espr. XXXI, 33. L'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes ; elle rend le créancier propriétaire, et met la chose à ses risques dès l'instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite, Code civ. Art. 1138. Dans la tradition de la terre, dans les débats qui s'y rapportent, le témoin principal c'est la terre elle-même, Michelet, Orig. du droit franç. Introd. XXVIII. La tradition par le fétu était d'usage en Hollande en 1764, Michelet, ib. CXXIII.

    Fig. Le sang, l'éducation, l'histoire des ancêtres, jette, dans le cœur des grands et des princes, des semences et comme une tradition naturelle de vertu, Massillon, Pet. carême, Respect que les gr. d. à la relig.

  • 2Transmission de faits historiques, de doctrines religieuses, de légendes, etc. d'âge en âge par voie orale et sans preuve authentique et écrite. La religion juive… dans la tradition du peuple, Pascal, Pens. XIX, 7, éd. HAVET. Une tradition aussi ancienne que le monde, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 296, dans POUGENS. Voilà quelle a été et quelle sera la récompense de l'impie qui préféra la philosophie à la tradition et au divin Alcoran, Diderot, Opin. des anc. philos. Sarrasins. Quoique la tradition fasse de Cadmus un fils du roi de Sidon…, Condillac, Hist. anc. I, 10. On prétend qu'Hérodote, pour des raisons personnelles, a rapporté des traditions injurieuses à certains peuples de la Grèce, Barthélemy, Anach. ch. 65. La tradition, qui, avant l'invention de l'écriture dépositaire de l'histoire des peuples, a tout confondu et tout défiguré, Bailly, Hist. d'astr. anc. p. 15. La tradition orale et les chants de différents poëtes avaient et conservé et altéré les événements de cette guerre célèbre [guerre de Troie], Levesque, Instit. Mém. sc. mor. et pot. t. II, p. 28.

    Les faits mêmes ainsi transmis. Beaucoup de traits d'histoire ne sont que de fausses traditions.

    Traditions judaïques, les interprétations que les docteurs juifs avaient données à la loi de Moïse, et les additions qu'ils y avaient faites, lesquelles ont été depuis recueillies par les rabbins. [Les pharisiens] se piquaient d'une observance exacte de la loi, et y ajoutaient un grand nombre de traditions qu'il prétendaient avoir reçues de leurs ancêtres, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, p. 393, dans POUGENS.

  • 3Particulièrement, dans l'Église catholique, transmission de siècle en siècle de la connaissance des choses qui concernent la religion et qui ne sont point dans l'Écriture sainte. La religion catholique est fondée sur l'Écriture sainte et la tradition. La tradition, c'est-à-dire la suite toujours manifeste de la doctrine laissée et continuée dans l'Église, Bossuet, 1re instr. past. 27. C'était la tradition qui interprétait l'Écriture ; on croyait que son vrai sens était celui dont les siècles passés étaient convenus, et nul ne croyait avoir droit de l'expliquer autrement, Bossuet, Hist. I, 11. Les évêques ainsi assemblés [en concile] portaient avec eux l'autorité du Saint-Esprit et la tradition des Églises, Bossuet, ib. I, 11. L'ancienne tradition du saint-siége et de l'Église catholique n'ont plus été, comme autrefois, des lois sacrées et inviolables, Bossuet, Reine d'Anglet. Les valentiniens, les gnostiques, et d'autres sectes impies combattaient l'Évangile par de fausses traditions, Bossuet, Hist. I, 10.

    Les choses mêmes que l'on sait par la voie de la tradition. Ce point de discipline ne se trouve pas dans l'Écriture sainte, ce n'est qu'une tradition.

  • 4Tout ce que l'on sait ou pratique par tradition, c'est-à-dire par une transmission de génération en génération à l'aide de la parole ou de l'exemple. Ce jeu de scène est une tradition, est de tradition. Laissez-en la décision aux Étruriens, qui ont la tradition des plus anciens oracles, et qui sont inspirés pour être les interprètes des dieux, Fénelon, Tél. XXIII. On croit… que des désordres manifestes, qui nous sont venus par tradition, sont des droits incontestables attachés à nos charges, Massillon, Carême, Confession. La langue hébraïque s'écrivait autrefois sans voyelles, il n'y avait que les seules consonnes, et c'était la tradition et l'usage qui apprenaient comment il fallait placer les voyelles pour la lire et la prononcer, Dumarsais, Œuv. t. VII, p. 42. J'étais à la répétition, à donner les traditions du Baron d'Albikrac [comédie de Th. Corneille] à cette troupe de comédiens qui est venue pour la foire, Picard, Vieux comédien, sc. 1.

HISTORIQUE

XVIe s. L'usage commun de parler est tel, que tous edicts procedez des hommes touchant le service de Dieu, soyent nommez traditions humaines, Calvin, Instit. 944. Dessaisine et saisine faite en presence de notaires et temoins vaut et equipolle à tradition et delivrance de possession, Loysel, 747. On fait bien fascher les huguenots, quand on leur monstre que l'autorité de l'Eglise et les traditions nous apprennent à reconnoistre les Escritures, D'Aubigné, Confession de Sancy, II, 2.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. tradition ; espagn. tradicion ; ital. tradizione ; du latin traditionem, qui a donné, dans l'ancienne langue, trahison (voy. ce mot).