« êtres », définition dans le dictionnaire Littré

êtres

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

êtres

(ê-tr') s. m. plur.
  • Les diverses parties d'une maison ; la distribution différente des pièces dont elle se compose. Je sais les êtres, je vous conduirai. Savoir les êtres de la chapelle, La Bruyère, XIII. Tu sais parfaitement les êtres de la maison, Rousseau, Hél. I, 53.

HISTORIQUE

XIIe s. Li reis estut [stetit] as estres en cel palais auchur [élevé, mot à mot altius], Th. le mart. 117. Seoir en voist [qu'elle aille s'asseoir] en mil cel estre Lès cele ente qui est flourie, Lai d'Ignaur. On le doit nommer quand il tonne ; Jà puis ne carra [choira, tombera] cos [coup] en l'estre, ib.

XIIIe s. En mi la chambre aveit deus liz Bien aturnez et bien garniz ; Li neims [le nain] apele Desiré, Si li ad tut l'estre mustré, Lai del Desiré. Atant est cil entré en l'estre, Lai de l'Ombre. Renart, qui savoit tous les estres, Regarde par unes fenestres Se eles estoient fermées, Ren. 4343. Lors s'en vient droit à la fenestre Come cil qui savoit bien l'estre, Du Cange, astrum. Tant fui [je fus] à destre et à senestre, Que j'oi [j'eus] tout l'afere et tout l'estre Du vergier cerchié et veü, la Rose, 1425. Qu'el n'entrecloe ains les fenestres, Que si soit umbragiés li estres, Que s'ele a ne vice ne tache Sor sa char, que jà cil nel sache, la Rose, 14488. As estres de la tour estes vous [voilà] Garsion, Ch. d'Ant. III, 870. [Des voleurs entrés dans une maison pauvre] Lors s'assirent, regardent l'estre, Les angles et les repostailles [les lieux où l'on serre], Fabliaux mss de St-Germ. f° 52, dans LACURNE.

XVe s. Et quant revenus fui en l'estre, Par dessous le rosier m'assis, Froissart, Espinette amour. Le suppliant trouva, en ung vieil aistre où il y avoit ung four, du seigle, Du Cange, astrum. Le astre demurra au puné [la maison demeurera au puîné], Du Cange, ib. On auroit une lieue alée, Avant qu'on soit hors de cel estre, Deschamps, Poésies mss. f° 512, dans LACURNE.

XVIe s. Que mille corps restent ci pour hostaiges, Dont remplis sont nos monumens et estre, Marot, J. V, 16. Regarde donc Paris, ton royal estre, D'œil de pitié ; tu es son dieu terrestre, Marot, J. ib. 209. Estant entré la nuict dedans cette maison grande, dont il ne sçavoit pas les estres, Amyot, Cic. 36.

ÉTYMOLOGIE

Origine inconnue. L'orthographe est ordinairement estre, rarement aistre. Quant au sens, il varie : ce mot veut dire chambre, emplacement dans un lieu ouvert, jardin ou autre ; on entre en l'estre, on parcourt l'estre d'un verger ; une tour a des estres ; Paris est dit l'estre du roi ; on dit savoir les estres ou l'estre d'un lieu. Trois conjectures se présentent : ou bien c'est le substantif être employé pour signifier manière d'être, et de là des sens consécutifs qui sont bien forcés ; ou bien c'est le latin atrium, appartement, mais l's est constante dans notre mot, et atrium avait donné aitre (voy. ATRIUM) ; ou bien enfin c'est l'ancien haut allemand astrih, allemand moderne Estrich, plancher carrelé ; mais ce mot allemand paraît venir du roman : bas-lat. astricus, milanais astrich, comasque astrac, sicil. astracu, altérés, dit Diez, de l'italien lastrico, pavé, que Diez croit tiré du bas-latin plastrum, plâtre (voy. ce mot). Dans cette hypothèse, il faudrait admettre que le français estre ou aistre, si ancien, provient de l'altération d'un mot italien, dans lequel plusieurs dialectes italiques et même le bas-latin astricus, qui appartient à une très ancienne période de la basse latinité, auraient pris l'l de lastrico pour l'article ; cela n'est pas probable. Aucune de ces trois hypothèses ne peut donc être reçue. Il reste un radical astr qui est dans plusieurs langues romanes, et dans le bas-latin astrum, qui signifie foyer, maison, qui se retrouve dans âtre (voy. ce mot), et au delà duquel on ne peut jusqu'à présent remonter.