« arguer », définition dans le dictionnaire Littré

arguer

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

arguer [1]

(ar-gu-é. L'Académie ne conjugue pas ce verbe ; mais il faut écrire avec tréma : j'arguë, tu arguës, il arguë ; et même il serait bien d'écrire argüer, argüant, argüé, pour indiquer la prononciation ; autrement on le confondrait avec le verbe arguer 2) v. a.
  • 1Contredire, accuser. Arguer une pièce de faux.
  • 2Tirer une conséquence. Qu'arguez-vous de cela ?

    Absolument. Je suis ce juge intègre Qui toujours parle, arguë et contredit, Voltaire, Goût.

HISTORIQUE

XIe s. Qui de bataille s'arguent et hasteient, Ch. de Rol. LXXVI.

XIIe s. Rolanz senti que la mort mout l'argue, Ronc. p. 104. La nuit, quant s'amour m'argue, Couci, Dame de Faiel. Li altre l'arguent et reprenent et dient k'il soffrir ne puient la perece de sa tevor [tiédeur]…, Saint Bernard, 567.

XIIIe s. Et tout fussent mort se ne fust la chevalerie… qui soustint le fais des Sarrasins, qui moult les arguoient, Chr. de Rains, 93. Coart le lievres moult s'argue De cort en cort, de rue en rue, Ren. 11071. Mes cil mauvesement arguent, la Rose, 6302.

XIVe s. Et ne te dois nul temps meler d'arguer ne de contredire chose que tu lui oies dire, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 22. Et par ceste difference povons nous arguer à cest propos, Oresme, Eth. 27. Qui diroit ou argueroit ainsy : la terre est entre le soleil et la lune, Oresme, ib. 5. Maistres Thumas, dist il, vous parlés folement ; J'arguerai à vous ; car je sai bien comment : Uns mos de l'escripture vous desmontre et aprent, Baud. de Seb. XII, 321.

XVe s. Logique qui enseigne arguer, et entre le vray et fauls discerner, Christine de Pisan, Charles V, III, ch. 11. D'autre costé on le argueroit de sa promesse, Commines, II, 1. Il ne me appartenoit pas de arguer ny parler contre son plaisir, Commines, V, 13.

XVIe s. Le regime des choses humaines argue si clairement de la providence de Dieu qu'on ne la sauroit nier, Calvin, Inst. 22. Ses mouvemens et ses contenances arguent et monstrent grande foiblesse et bassesse, Amyot, Comment refréner la colère, 14.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. arguir ; ital. arguire. Le provençal et l'italien viennent bien d'arguere, par un changement de la troisième conjugaison en la quatrième. Mais le français n'en vient pas ; s'il en était venu, quel qu'eût été l'infinitif, le présent eût été j'argue, prononcé j'arghe, et non j'argue, prononcé j'arguë, comme le montrent les vers. Il vient d'argutare, argutari, fréquentatif d'arguere, répéter sans cesse, caqueter, sautiller. Primitivement, arguer signifie quereller, tancer, attaquer, par un changement de sens semblable à celui qui de calumniari a fait chalenger, appeler en justice, provoquer au combat. Puis arguer, refait sans doute sur le latin arguere au XIVe siècle, prend le sens actuel d'arguer, sans étouffer pourtant le sens primitif qu'on trouve encore dans le dictionnaire de Furetière, mais qui maintenant est tout à fait tombé en désuétude.