« aumône », définition dans le dictionnaire Littré

aumône

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

aumône

(ô-mô-ne) s. f.
  • 1Ce qu'on donne aux pauvres pour les soulager. L'aumône qu'on est obligé de faire, Pascal, Prov. 12. L'obligation de donner l'aumône, Pascal, Réfut. de la rép. à la 12e lettre. Quand ils ne donnent point l'aumône de leur superflu, Pascal, Prov. 9. Les loups n'étaient pas gens qui donnassent l'aumône, La Fontaine, Oies. On se souvient toujours qu'on distribue des aumônes, et que les aumônes ne rendent pas aux malheureux ce que la fortune leur a ôté, mais ce que la nature seule leur refuse, Massillon, Usage des revenus ecclés. Ne croyez pas qu'il n'employât au soulagement des malheureux que les restes inutiles de son luxe, et que ses aumônes ne fussent que les débris de ses passions, Massillon, Villars. Une femme forte, pleine d'aumônes et de bonnes œuvres, Bossuet, le Tellier. C'est en effet la vraie grâce de l'aumône, en soulageant des pauvres, de diminuer en nous d'autres besoins, Bossuet, Anne de Gonz.

    Mettre à l'aumône, réduire à la mendicité. Le contrôleur du domaine se justifiait d'avoir réduit vingt familles à l'aumône, Voltaire, L'h. aux 40 écus, aud. du contr. gén. Son mariage [de Bellisle] avec une sœur du duc de Levi acheva de le mettre à l'aumône, Saint-Simon, 830, 84.

    Fig. On lui a fait l'aumône de quelques éloges. Quoi ! d'une charte on nous a fait l'aumône, Et sous le joug vous voulez nous courber ! Béranger, Tomb. de juillet.

    Il dérobe l'aumône aux pauvres, se dit d'un homme qui demande l'aumône par fainéantise.

  • 2 Terme de pratique. Autrefois, amende à laquelle on condamnait, en certains cas, ceux qui perdaient leur procès.
  • 3En jurisprudence féodale, aumônes fieffées, terres tenues en franche aumône, terres qui relèvent en franche aumône, terres et rentes données à l'Église par le roi ou par quelque seigneur, sans autre obligation que de reconnaître qu'on les tenait de celui qui les avait données.

HISTORIQUE

XIIe s. Puisque mes cuers ne s'en vuet revenir De vous, dame, pour qui il m'a guerpi, Aumone aurez, se'l daigniez retenir, Couci, IX. Tous li clergés et li home d'eage Qui en aumosne et en bienfais mainront [demeureront], Quesnes, Romancero, p. 94. Ço que à saint iglise unt si ancesur duné, En parmenable almosne li unt tut graanté, Th. le mart. 45. Grant almosne est, fait il, que li fel est ocis ; Ne fu ainc si buens faiz à faire mais enpris, ib. 155.

XIIIe s. J'iroie ains d'uis en uis mes aumosnes rouver, Berte, XLIII. Car me monstrez la voie, si aurez fait aumosne, ib. XLVI. Nulle fillaresse de soie aux grans fuiseaus ne puet ne ne doit ouvrer à jour de feste, ne en quaresme, puis que l'aumosne est sonée à Saint Martin des Chans, Liv. des mét. 81. Et par quelque maniere il soient venu, noz poons entendre que grant aumosne fet li sires qui les oste de servitute et les met en francise, Beaumanoir, XLV, 32. Je voil bien que tu saches que tu n'anporteras jà plus de cest siegle que honor et aumosne, Merlin, f° 69, verso.

XIVe s. Et vous aventurez pour recevoir tel don, Com ce premier montant [à l'assaut] a pris en guerredon ; Car à telles aumosnes tel presse ne vit-on, Guesclin. 21789.

XVe s. Si est aumone et gloire à Dieu et au monde de adresser et reconforter les deconfortés et deconseillés, Froissart, I, I, 17. Et monta à cheval et s'en vint sur les rues ; et detourna ce jour à faire cruauté et plusieurs horribles faits qui eussent esté faits, si il ne fust allé au devant, dont il fit aumone et gentillesse, Froissart, I, I, 272. [Eustache de St-Pierre se lève et dit :] Seigneurs, grand pitié et grand meschef seroit de laisser mourir un tel peuple que ici a, par famine ou autrement, quand on y peut trouver aucun moyen ; et si seroit grand aumone, et grand grace envers Notre Seigneur, qui de tel meschef le pourroit garder, Froissart, I, I, 321.

XVIe s. Je vous apporterai cent doubles ducats à deux testes dès demain pour expier le peché, et faire des aumosnes si secrettes que personne ne s'en appercevra, D'Aubigné, Hist. II, 332. La ligue qui demandoit l'aumosne avec une espée à deux mains, D'Aubigné, ib. II, 438. Les novices, pour aumosne, lui monstrerent à lire et à escrire, D'Aubigné, ib. II, 462.

ÉTYMOLOGIE

Picard, amone ; Bourguig. armône ; provenç. elemosina, elimosina, almosna, almorna ; espagn. limosna ; portug. esmola ; ital. limosina ; de eleemosyna, du grec ἐλεημοσύνη, pitié, miséricorde, bienfait, aumône, de ἐλεήμων, miséricordieux, de ἐλεέω, avoir pitié. On voit dans l'historique que aumône avait fini par prendre le sens général de bonne action.