« bizarre », définition dans le dictionnaire Littré

bizarre

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bizarre

(bi-za-r') adj.
  • 1Qui s'écarte du goût, des usages reçus. Homme bizarre. Opinion bizarre. Ils tournent leurs humeurs en bizarres façons, Régnier, Sat. XII. Ces bizarres esprits, Racan, Berg. Polistène, II, 4. En un lieu que devait la déesse bizarre [la Fortune] Fréquenter sur tout autre ; et ce lieu c'est la cour, La Fontaine, Fabl. VII, 12. Elles font de lui un composé bizarre, La Bruyère, 12. Bizarre assemblage, Racine, Ath. II, 5. Bizarre refus, Racine, ib. Bizarre destin, Racine, Andr. III, 1. Le voilà fou, superbe, impertinent, bizarre, Boileau, Ép. V.
  • 2Substantivement, une personne bizarre. Un honnête homme, un fat, un jaloux, un bizarre, Boileau, Art p. III.

    Ce qui est bizarre. Cet auteur se plaît dans le bizarre.

REMARQUE

Au XVIe siècle et au XVIIe, on a dit bigearre à côté de bizarre ; dans les exemples, cités plus haut, de Régnier et de Racan, les éditions portent bigearre ou bijarre ; et Vaugelas remarque que bigearre et bizarre se disent également. Mais Marguerite Buffet et Thomas Corneille recommandent exclusivement bizarre, qui a prévalu ; l'autre est tombé dans l'oubli.

SYNONYME

BIZARRE, FANTASQUE, EXTRAVAGANT. L'homme bizarre n'est ni l'homme fantasque, ni l'homme extravagant. S'écarter du goût ordinaire par une singularité non convenable, c'est être bizarre ; s'en écarter par une fantaisie qui tout à coup change d'idée, c'est être fantasque ; s'en écarter d'une manière contraire au bon sens, c'est être extravagant, LAVEAUX.

HISTORIQUE

XVIe s. Quand cette bonne dame eut connu l'humeur de l'homme, elle le laissa avec ses opinions bigearres et lui dit seulement, Despériers, Contes, XXX. Le soldat françois est beaucoup plus bisarre : et ne peut quasi vivre sans se battre, ne monstrant que trop sa valeur contre ses compagnons, Lanoue, 269. C'est un petit homme bisarre et qui jure en diable, ne parle que d'estrangler mille homes à la fois, D'Aubigné, Faen. III, 17. C'est une bizarre piece, ib. Maladie d'une nature estrange et bigerre, Paré, Intr. 23. L'assiette de Luxembourg est fort bisarre, Du Bellay, M. 543. Quelque bigearre et rebours que soit le lieu [emplacement], il se peut neantmoins ageancer, De Serres, 18. Ce mesme meslinge fait le mulet capricieux, bigearre, de difficile conduite, De Serres, 312. Pour rendre la racine de bouïs solide et lui confirmer la beauté de sa blonde couleur et bigearre madreure, De Serres, 556.

ÉTYMOLOGIE

Berry, bigearre ; bigearrer, disputer ; espagn. et portug. bizarro, magnanime, vaillant ; ital. bizarro, emporté, colère. Notre mot français vient de l'espagnol et il a eu d'abord le sens de vaillant, brave (voy. à l'historique l'exemple de Lanoue). L'italien a, il est vrai, un substantif bizza, colère ; mais bizarro n'en peut dériver, puisque le suffixe arr n'est pas italien. Tout porte à croire que le mot est d'origine espagnole ; dès lors deux étymologies s'offrent : le basque bizarra, barbe, décomposé par Larramendi en biz arra (qu'il soit un homme) ; et l'arabe bāshāret, beauté, élégance, d'où vaillant, chevaleresque, puis les sens de colère, emporté, extravagant.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BIZARRE. Ajoutez :
3 Terme de vénerie. Tête bizarre, celle d'un cerf dont les andouillers ne sont pas placés d'une manière régulière qui permette d'apprécier l'âge de la bête.