« borgne », définition dans le dictionnaire Littré

borgne

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

borgne

(bor-gn') adj.
  • 1À qui il manque un œil, détruit ou devenu incapable de voir. Homme, femme, cheval borgne. Où toujours le héros passe pour sans pareil, Et, fût-il louche ou borgne, est réputé soleil, Boileau, Ép. IX.

    Fig. Changer son cheval borgne contre un aveugle, changer une position médiocre pour une pire.

    Jaser comme un pie borgne, babiller, parler sans cesse.

  • 2 Fig. Chétif, sans apparence. La maréchale d'Humières se retira dans une maison borgne, au dehors des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, Saint-Simon, 23, 14.

    Un cabaret borgne, cabaret mal famé ou de mauvaise apparence.

    Un compte borgne, compte dont les articles ne sont pas clairs.

    Un conte borgne, un conte ridicule, sans vraisemblance.

    Chou borgne, chou privé de bourgeon terminal, ce qui l'empêche de pommer.

    Téton borgne, téton qui n'a pas de mamelon. Je m'aperçus qu'elle avait un téton borgne, Rousseau, Confess. 2e part. liv. VII, 1743-1744.

    Terme militaire. Grenade borgne ou aveugle, celle qui s'allume en tombant.

    Fenêtre borgne se disait, dans l'ancienne jurisprudence, d'une fenêtre qui donnait du jour, sans donner aucune vue.

    Terme de marine. Ancre borgne, ancre qui n'a qu'une patte ou qui est mouillée sans bouée.

    Terme de chirurgie. Fistule borgne, fistule qui n'a qu'une ouverture au dehors sans en avoir dans l'intérieur.

  • 3Substantivement, personne borgne. Un vilain borgne.

    Nom vulgaire de l'orvet, reptile saurien apode qui passe à tort pour venimeux.

    Nom vulgaire de la mésange charbonnière.

    PROVERBE

    Au royaume des aveugles les borgnes sont rois, c'est-à-dire parmi les incapables les gens médiocres ne laissent pas de briller.

HISTORIQUE

XIIe s. Si me disoient par reproche : borgne, borgne…, Liber psalm. p. 184.

XIIIe s. Un hume borgne unt encontré, Qui le dextre oill avoit perdu, Marie de France, Fable 71.

XIVe s. Mais ce qui plus va mon mal empirant, C'est ce que bien à mon borgne œil parçoy, Qu'à court de roy chascuns y est pour soy, Machaut, p. 90.

XVIe s. Entre les capitaines anciens, les plus belliqueux, et qui ont fait de plus grandes choses par astuce et ruze de guerre inventée de bon esprit, ont esté borgnes comme Philippus, Antigonus, Hannibal et Sertorius, Amyot, Sertor. 1. Une borgne aime un garçon qui en rien De bonne grace et de beauté ne cede, Tant il est beau, au troyen Ganimède, Baif, dans MÉNAGE. Borgne est roy entre aveugles, H. Estienne, Précell. 180.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. bane ; wallon, boigne ; catal. borni ; ital. bornio ; limousin, borli. Diez remarque que le sens propre de ce mot est celui de louche, comme on le voit dans le génevois bornicle, celui qui est louche, dans le Jura bournicler, loucher ; ce qui le rapproche de l'espagnol bornear, courber, tordre. L'origine est inconnue ; il se pourrait qu'elle fût celtique ; du moins il y a en bas-breton born, borgne ; mais ce mot, ne se trouvant pas dans les autres langues celtiques, est suspect d'avoir été emprunté au français, au lieu de lui avoir donné naissance.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BORGNE. - HIST. XIIe s. Ajoutez : D'andous les ielz boirnes esteit, Mes point ne li mesaveneit, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 5311.

XIIIe s. Il est moult pale et louche et borgne des deus ieuz, Miracles st. Loys, p. 145.