« braire », définition dans le dictionnaire Littré

braire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

braire

(brê-r')
  • 1 V. n. Crier, en parlant de l'âne. L'âne se mit à braire.

    Fig. et familièrement. Cet homme ne chante pas, il brait. Et puis viens-t'en me braire, Viens me conter ta faim et ta douleur, La Fontaine, Jum. Il faut hurler avec les loups, d'autres disent braire avec les ânes, Courier, Lett. II, 83.

  • 2 Substantivement. Il [l'homme] traite notre rire et nos discours de braire, La Fontaine, Fabl. XI, 5. Le prince de Conti avait un rire qui eût tenu du braire dans un autre, Saint-Simon, 220, 211.

REMARQUE

D'après l'Académie, ce verbe est usité seulement à l'infinitif : braire ; aux troisièmes personnes du présent de l'indicatif : il brait, ils braient ; du futur : il braira, ils brairont ; et du conditionnel : il brairait, ils brairaient. Cela est trop sévère. D'abord un fabuliste, faisant parler des ânes, pourrait employer sans hésiter les autres personnes : je brais, tu brais, nous brayons, vous brayez ; de même au futur et au conditionnel. Puis rien n'empêche de se servir de l'imparfait : il brayait ; et des temps composés : il a brait, il avait brait, etc.

HISTORIQUE

XIe s. Et homes braire, contre terre mourir, Ch. de Rol. CCLV. Cil d'Ociant i braient et henissent, ib. CCLVII.

XIIe s. Mort [il] le trebuche sans braire et sans crier, Ronc. p. 62. Que que li felun l'unt feru e detrenchié, E del ferir se sunt durement esforcié, N'aveit brait, ne groni, ne crié, ne huchié, Ne pié ne main n'aveit à sei trait ne sachié, Th. le mart. 150.

XIIIe s. Au temps que les cornoilles braient, Qui por la froidure s'esmaient…, Rutebeuf, II, 66. Cil qui de chanter se fait cointe, commence de rechief à brere, Ren. 7283. Quant les enfans aus Sarrasines breoient, elles leur disoient : tai toy, tai toy, ou je irai querre le roy Richart qui te tuera, Joinville, 275. Grant pitié estoit d'oïr brere les gens parmi l'ost, auxquiex l'en copoit la char morte, Joinville, 237.

XIVe s. Du car [char] le [la] piour roe [plus mauvaise roue] ot-on bien souvent braire, Baud. de Seb. I, 10021.

XVe s. Si fut il bien en la porte, toudis huyant et brayant et faisant signe, bien une heure, Froissart, II, III, 43. Tantost fist… les arbalestriers tirer druement sur cele chiennaille, qui là brayoient comme enragés, Bouciq. II, ch. 21.

XVIe s. J'ay icy longuement repeu mes yeulx, mais mon estomach brait de male raige de faim, Rabelais, Pant. V, 31. Les Papistes, contre la defense de l'Apostre, chantent et brayent de langue estrange et incognue, en laquelle le plus souvent ils n'entendent pas euxmesmes une syllabe, Calvin, Inst. 712. Mais comme ilz ne cessassent point pour cela de crier et de braire contre luy, il se meit à leur faire ce compte, Amyot, Phoc. 12. Ils brament comme les cerfs, ils brayent comme les asnes, Paré, Anim. 25.

ÉTYMOLOGIE

Normand, picard, wallon, braire, crier, pleurer ; provenç. braire, crier. Il y a dans le bas-latin bragire, hennir, d'où braire aurait été fait, comme l'ancien français muire de mugire, bruire du bas-latin brugire ; de bragire on rapproche l'irlandais breas, cri, bragain, crier ; le bas-breton breûgi, braire ; le kymri bragal, crier ; le gaél. bragain, crier. À côté de bragire, Diez propose de considérer plutôt braire comme raire (voy. RAIRE) fortifié par un b : b-raire. On remarquera que dans l'ancien français, dans le provençal et dans nos patois, braire a le sens général de crier, sens qui ne s'est limité que tardivement au cri de l'âne.