« corbeau », définition dans le dictionnaire Littré

corbeau

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

corbeau

(kor-bô) s. m.
  • 1Gros oiseau carnassier de la famille des passereaux ; il a un plumage très noir. Et m'ouvrez un passage à l'empire des morts, Dérobant aux corbeaux le butin de mon corps, Rotrou, Antig. I, 6. Et ton cœur sacrilége aux corbeaux exposé, Rotrou, St-Genest, III, 2. Maître corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage, La Fontaine, Fabl. I, 2. Eh ! bonjour, monsieur du corbeau, Que vous êtes joli, que vous me semblez beau ! La Fontaine, ib. L'oiseau de Jupiter enlevant un mouton, Un corbeau témoin de l'affaire, Et plus faible de reins mais non pas moins glouton, En voulut sur l'heure autant faire, La Fontaine, Fabl. II, 16.

    Noir comme un corbeau, se dit souvent d'une personne qui a les cheveux noirs et le teint brun.

    Le corbeau passait pour être de mauvais augure. … Un songe, une vapeur, Un corbeau qui croasse, enfin tout vous fait peur, Mairet, Sophon. V, 4. …Un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Et des affreux corbeaux les noires légions Fendent l'air qui frémit sous leurs longs bataillons, Delille, Géorg. I.

    Se dit familièrement dans ce sens en parlant des personnes. Quel corbeau de mauvais augure !

  • 2 Terme de chasse. Synonyme de corbine, corneille, choucas, crave, freux.
  • 3Autrefois, nom donné à des gens qui dans un temps de contagion enlevaient les pestiférés soit pour les porter à l'hôpital soit pour les enterrer. J'entrai jusques au second étage, où je trouvai deux corps nus, étendus sur la table de la chambre ; alors je me retirai bien étonné, et en sortant je rencontrai des corbeaux qui me demandèrent ce que je cherchais, Bassompierre, Mémoires, 1723, in-12, t. I, p. 193 (Collection PETITOT, 2e série, t. XIX, p. 364).

    Populairement, nom qu'on donne quelquefois aux porteurs des morts.

    Ces dénominations viennent de ce que le corbeau recherche les corps morts pour s'en repaître.

    Nom donné quelquefois par dénigrement aux prêtres à cause de leurs vêtements noirs.

  • 4 Terme d'astronomie. Constellation de l'hémisphère austral.
  • 5 Terme d'architecture. Grosse console, moindre en hauteur qu'en saillie, dont l'usage est pour soulager la portée d'une poutre ; ces corbeaux sont quelquefois de fer.
  • 6Dans l'ancien art militaire, espèce de grappin et de pont volant. Les Romains suppléèrent à cet inconvénient [la supériorité des Carthaginois dans la manœuvre des vaisseaux] par une machine qui fut inventée sur-le-champ et que depuis on a appelée corbeau, par le moyen de laquelle ils accrochaient les vaisseaux des ennemis, passaient dedans malgré eux et en venaient aussitôt aux mains, Rollin, Hist. anc. t. I, p. 311, dans POUGENS.
  • 7 Terme de pêche. Corbeau de mer. Poisson qui a le dos bleu, le ventre blanc, les côtés rouges, et la tête fort grande.

    PROVERBE

    Nourris un corbeau, il te crèvera l'œil, c'est-à-dire souvent le mal est rendu pour le bien.

HISTORIQUE

XIIe s. E j'arai cumanded à corps que la vitaille te truissent e guarisum, Rois, 310.

XIIIe s. De Renart, si comme il conchia le corbel du fromage, Ren. 7186. D'un leu [loup] cunte, ki vint jadiz Où uns corbiaus s'esteit assiz Desour le dos d'une berbiz, Marie de France, Fabl. 50. Je ne sai s'en [si on] apelle potences ou corbiaus, Qui soustiennent leurs cornes [de la coiffure des femmes], que tant tiennent à biaus ; Mès tant os-je bien dire que sainte Elizabiaus N'est mie en paradis pour porter tiex borriaus, J. de Meung, Test. 1268.

XIVe s. Ensi com je quidoie au palais retourner, Vinrent doy noir corbant mon corps avironner, Beaud. de Seb. III, 363. Et la tor est quarrée et lée ; De sus par est si bien ornée ; La coverture et li corbel Furent moult orgueillox et bel, Blanchandin, ms. de St-Germain, f° 178, dans LACURNE.

XVIe s. Venitiens à Trevy font posade, Comme corbeaulx dormans sur la charoigne, Marot, J. V, 100. Nul lait noir, nul blanc corbeau, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 173. De mauvais corbeau mauvais œuf, Oudin, Curios. fr. Mourut aussi de la maladie… Rosée, procureur en la cour, et fallut pour l'enterrer envoyer querir des corbeaux à Paris, L'Estoille, Journal du règne de Henri IV, La Haye, 1741, t. III, p. 383, année 1606. Il n'est loisible à un voisin mettre ou faire mettre et asseoir les poultres de sa maison dedans le mur moitoyen d'entre luy et son voisin, sans y faire ou faire faire ou mettre jambes parpaignes ou chesnes et corbeaux suffisans de pierre de taille pour porter les dittes poultres, Coust. génér. t. I, p. 35.

ÉTYMOLOGIE

Berry, corbin ; wallon, coirbâ ; du latin corvellus, diminutif de corvus, dont le radical cor se trouve dans ϰόρ-αξ, ϰορ-ώνη, cor-nix ; sanscr. kârava ; mots qui ont une ressemblance frappante avec l'hébreu harab, corbeau. Dans le vieux français, au nominatif singulier, li corbels ou li corbaus ; au régime, le corbel. Le primitif corb ou corp se trouve dans l'ancien français.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CORBEAU. Ajoutez :