« corvée », définition dans le dictionnaire Littré

corvée

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corvée

(kor-vée) s. f.
  • 1 Terme de féodalité. Journées de travail gratuit que les vassaux devaient à leur seigneur. Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts, Le créancier et la corvée, Lui font d'un malheureux la peinture achevée, La Fontaine, Fabl. I, 16.

    Corvées réelles, celles qui étaient dues par le fonds ou à cause du fonds.

    Corvées personnelles, celles auxquelles étaient soumis les habitants d'un lieu par le fait seuil de leur résidence.

    Prestation de travail personnel pour l'entretien des chemins. Celui [Turgot] qui vient de supprimer les corvées pourrait bien supprimer l'esclavage [mainmorte], Voltaire, Lett. Christine, 12 août 1775. Un impôt en travail, ou autrement dit la corvée, est peut-être une heureuse idée fiscale, Necker, Compte rendu au roi, janvier 1781, p. 70. L'impôt qui a remplacé la corvée en nature, impôt connu sous le nom de subvention représentative de la corvée, Montesquiou, Rapport, 27 août 1790, p. 8. Les beaux chemins sont un bien et un très grand bien ; mais la corvée est un mal et un très grand mal, Saint-Lambert, Saisons, II, note 2e.

  • 2 Terme militaire. Travaux que font tour à tour les hommes d'une compagnie. On commande tant d'hommes de corvée.
  • 3Nom que les ouvriers donnent à de petits travaux qu'ils vont faire en ville et qui ne leur prennent qu'une partie de leur journée.
  • 4 Par extension, travail obligé et gratuit ; chose qu'on est requis ou prié de faire, et qui est une charge. Je me serais bien passé de cette corvée. Et commettre aux dures corvées [de la guerre] Toutes ces âmes relevées…, Malherbe, III, 1. J'ai du déplaisir de la corvée qu'il vous a fait faire, Guez de Balzac, Lett. choisies, 1re part. liv. III, lett. 4, dans RICHELET.

HISTORIQUE

XIIIe s. Jou Hues de Castemon, quens de St Pol, fach savoir, ke jou tous les homes de Goy ai quité de toute corowée, sauf men droit et me justice, Tailliar, Recueil, p. 83. Cil qui sont deu par la reson des terres sont cens, gelines, corvées, et plusors autres choses qui plus doivent par la reson des terres que par autres, Liv. de just. 240. Et se le [la] corvée est d'omme sans queval, quatre deniers, Beaumanoir, XXVII, 22. N'a gaires que me voliés pendre, Or le poés de vous atendre ; Tele est ore la destinée ; Por moi ferés ceste corvée, Guill. de Palerme.

XIVe s. Comme l'on ait acoustumé de faire au dehors et près des murs d'icelle ville [Langres] un jeu appelé la courvée… lequel jeu s'encommence par enfans et aucunes fois se parfait par gens bien aagiez et puissans de corps, en gectant les uns contre les autres pierres grosses et menues au plus efforciement qu'ilz pevent, chacun en esperance de rebouter sa partie, telement que aucune foiz sont navrez ou bleciez, Trésor des chartes, reg. 131, pièce 20, dans LACURNE.

XVe s. Chascune charrue paierat chascun an trois journées à la crowée de la charrue, Du Cange, corvagium.

XVIe s. Soit déclaré le nom du censeur ou laboureur, de qui on voudra avoir la coruwée, Coustum. génér. t. I, p. 812. Quant aux courovées de brach et aux courovées de cheveaux, Nouv. coustum. génér. t. I, p. 407, col. 2. Les farces des bateleurs nous resjouissent, mais aux joueurs elles servent de corvée, Montaigne, I, 331. Servius Tullius dispensa les chevaliers qui avoient passé quarante sept ans, des courvées de la guerre, Montaigne, I, 407.

ÉTYMOLOGIE

Bas-lat. corvada, dans le capitulaire de Villis de Charlemagne, et dans des textes postérieurs corruweia, corrua, croata ; du bas-lat. corrogata, corvée, de cum, et rogare, prescrire : corrogata opera, le travail commandé. Corrogata est dans un texte presque aussi ancien que corvada du Capitulaire, et décide la question d'étymologie ; mais corvada prouve que dès le temps de Charlemagne la forme romane existait.