« décerner », définition dans le dictionnaire Littré

décerner

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décerner

(dé-sèr-né) v. a.
  • 1Prononcer une peine, en parlant de la loi. Les lois ne décernent aucune peine contre ce méfait. Pourquoi leur [aux prêtres fainéants] décernerait-il [le concile de Trente] des censures et des privations et retranchements de leurs revenus ? Fléchier, Serm. II, 276. Le parlement décerna que, si quelqu'un entreprenait de le délivrer, Richard II serait digne de mort, Voltaire, Mœurs, 78.

    Enjoindre, par un acte juridique, certaines mesures. Décerner une contrainte.

  • 2Accorder certaines récompenses, certaines distinctions honorifiques, en parlant de l'autorité publique. Et comme un défenseur de l'État et des siens, Il lui fait décerner les honneurs des anciens, Rotrou, Antig. III, 5. Ce même peuple [les Athéniens], dans les siècles postérieurs, devenu plus puissant, et corrompu par les flatteries de ses orateurs, décerna trois cents statues à Démétrius de Phalère, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 154, dans POUGENS. Les organes des lois, les ministres des dieux Vont, libres dans leur choix, décerner la couronne, Voltaire, Mérope, I, 1.

    Par extension, accorder un prix, en parlant de certaines compagnies. Les prix que l'Académie décerne tous les ans à de belles actions.

    Il se dit aussi des prix des colléges. On décerne les prix à la fin de l'année scolaire.

    Fig. Décerner la palme à quelqu'un, déclarer sa supériorité sur ses rivaux.

  • 3Se décerner, v. réfl. Être décerné. Les récompenses qui se décernent à ceux qui les méritent.

REMARQUE

Décerner, qui fut d'abord, comme en latin, un terme juridique, passa, par extension, dans le courant du XVIe siècle, au sens de accorder ; et dans le XVIIe siècle on contestait encore quelquefois la légitimité de cet emploi : " Ce n'est guère qu'au palais que l'on dit décerner une prise de corps contre quelqu'un ; cependant je crois qu'on peut employer décerner les honneurs divins, dans un style relevé et pompeux, VAUGEL. Nouv. rem. observ. de M***, p. 133, dans POUGENS. " Aujourd'hui la seconde acception de décerner est admise sans conteste.

HISTORIQUE

XIVe s. Et par ce il decernera et jugera droiturierement la quelle chose est bien, Oresme, Eth. 76. Servius se est assis en la sée royal, et aucuns jugemens a decerné et determiné, Bercheure, f° 21, recto. De l'assentement de tous, le delet [en latin delectus, levée] a esté decerné, Bercheure, f° 74.

XVIe s. Il y aura deux volontez contraires en lui, en tant qu'il decerneroit en son conseil estroit les choses qu'il a manifestement defendues par sa loy, Calvin, Instit. 163. Il ne leur permet point seulement de dire leur opinion, mais d'ordonner et decerner ce qu'il leur semble ; quand ils ont decreté quelque chose, il suit et obtempere, Calvin, ib. 887. Le conseil des Amphictions, emeu par ses remonstrances et raisons, decerna la guerre contre les Cyrrheiens, Amyot, Solon, 17. Les consulz decernerent la cessation de la justice et surseance de tous affaires publiques, Amyot, Sylla, 18. …quand ilz luy auroient procuré et fait decerner un tel gouvernement, Amyot, Crassus, 26. L'on luy decerna les plus grands honneurs qui jamais eussent auparavant esté decrettez et ottroyez à personne du monde, Amyot, Cicéron, 27.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. decernir ; du latin decernere, de de, et cernere, résoudre, le même que ϰρίνειν (voy. CRISE).