« dessiller », définition dans le dictionnaire Littré

dessiller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dessiller

(dè-si-llé, ll mouillées, et non dèsi-yé) v. a.
  • 1Séparer les paupières qui étaient jointes.
  • 2 Fig. Dessiller les yeux de quelqu'un ou à quelqu'un, le désaveugler, lui faire voir la vérité. Le temps dessillera les yeux, Patru, Plaidoyer 16, dans RICHELET. …Purgeant notre âme et dessillant nos yeux, Corneille, Polyeucte, I, 1. [Son sang] M'a dessillé les yeux et me les vient d'ouvrir, Corneille, ib. V, 5. Il me semble que tu m'as dessillé les yeux, et je vois clairement la vanité des choses, Perrot D'Ablancourt, Lucien, t. I, dans RICHELET. Sitôt que le respect m'a dessillé la vue…, Rotrou, Vencesl. II, 2. Il [le ciel] a touché mon âme et dessillé mes yeux, Molière, Fest. de P. V, 1. Hélas ! que ferait-il si quelque audacieux Allait pour son malheur lui dessiller les yeux ? Boileau, Sat. IV. La banqueroute, causée et fondée en principes et en droit par l'exposé de l'édit, dessille tous les yeux, Saint-Simon, 395, 123. L'on commença à dessiller les yeux du peuple sur les superstitions, Voltaire, Louis XIV, 25.
  • 3Se dessiller, v. réfl. S'ouvrir à la lumière. Mes yeux se dessillèrent, et je reconnus mon erreur. À ce signe d'abord leurs yeux se dessillèrent, La Fontaine, Phil. et Bauc.

REMARQUE

Dessiller est une mauvaise orthographe, puisque le mot vient de cil. L'Académie l'a préférée à la bonne (déciller), qu'elle consigne pourtant à son rang alphabétique et qu'elle abandonne pour suivre une vicieuse tradition.

HISTORIQUE

XIVe s. Et luy soit coupé [au faucon de chasse] le fil de quoy il est chillé, et soit deschillé de tous poins, Modus, f° LXXIX, verso. Dès la deuxieme fois que l'esprevier sera peü, le convient dessillier [découdre les paupières], Ménagier, III, 2.

XVIe s. Alors, Forget, alors ceste erreur ancienne, Qui n'avoit bien cogneu ta princesse et la mienne, La venant à revoir, se dessilla les yeux, Du Bellay, J. VI, 48, recto. Dessillez-moy l'ame assopie Et ce gros fardeau vicieux, Ronsard, 365. Se reveillant, tu t'esveilles joyeux, Et pour le voir tu dessilles tes yeux, Ronsard, 958.

ÉTYMOLOGIE

Dès… préfixe, et cil (du moins la plus ancienne orthographe dans l'historique est des-chiller ; mais on pourrait aussi avoir dé-ciller) ; mot tiré de l'usage où l'on était, dans la fauconnerie, de ciller ou coudre les paupières de l'oiseau de proie, pour le dompter et dresser.