« desservir », définition dans le dictionnaire Littré

desservir

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desservir

(dè-sèr-vir), je dessers, tu dessers, il dessert, nous desservons, vous desservez, ils desservent ; je desservais ; je desservis ; je desservirai ; je desservirais ; dessers, qu'il desserve ; que je desserve, que nous desservions ; que je desservisse ; desservant ; desservi v. a.
  • 1Avec le sens négatif du préfixe des. Enlever les plats de dessus la table. Desservez la table.

    Absolument. Lui hors de table, on dessert au plus vite, La Fontaine, Orais. Si tôt que du nectar la troupe est abreuvée, On dessert…, Boileau, Lutrin, I.

  • 2Avec le même sens du préfixe des. Rendre un mauvais office à quelqu'un. Il vous a desservi auprès d'un tel. Un homme tel que moi, Quand il est mécontent, peut desservir le roi, Corneille, Agésil. III, 1. [Il] Met à me desservir ses plaisirs les plus doux, Rotrou, Vencesl. I, 1. Le fourbe trop longtemps a gouverné mon père Et desservi mes feux avec ceux de Valère, Molière, Tart. III, 4. C'est ainsi que le zèle indiscret du peuple a, dans tous les temps, desservi le mérite et perdu l'innocence, Diderot, Règne de Claude et Néron, I, § 85. Lépine a cru que je le desservais auprès de vous, Marivaux, le Legs, sc. 23.

    Absolument. Ils ne desservent point, mais ils veulent servir à leur mode, Guez de Balzac, 6e disc. s. la cour.

  • 3Avec le sens de continuité du préfixe des. Faire le service d'une cure, d'une chapelle. Si j'avais quelque pauvre cure de bonnes gens à desservir, Rousseau, Ém. IV.

    Par extension. Ô île de Sayne, je suis demeurée seule des neuf vierges qui desservaient votre sanctuaire, Chateaubriand, Mart. 306.

    Dans un sens tout à fait général, faire un service. Cette diligence dessert tous les lieux situés dans les environs.

  • 4Se desservir, v. réfl. Se rendre de mauvais offices l'un à l'autre. Ces deux hommes qui se font des semblants d'amitié se desservent sous main.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] N'a deservit [mérité] que altre bien il ait, Ch. de Rol. CCLXXII.

XIIe s. Dist Olivers : Bien l'avez deservie [ma colère], Ronc. p. 82. S'onques grans biens dut estre desservis Pour mal avoir, bien doi [je] merci atendre, Couci, V. Sire, fait-il, le pape qui m'a enveié ça, Cum avez deservi, par mei vus salua ; Tenez, lisiez les letres k'enveiées vus a, Th. le mart. 124.

XIIIe s. Et nonporquant, vos avés servi tant moi et lui que, se l'en vos donoit tout l'empire, si l'avés vos plus que deservi, Villehardouin, LXXXVII. Ce que n'ai deservi convient que je compere [paye], Berte, XVIII. Bien avez deservi que vous soiez mes drus [mon ami], ib. XXIV. Car qui ainsi le fait, paradis en desert [mérite], ib. XXXIV. Car bien [il] a deservi que pas [nous] ne lui faillons, ib. Ele eüst deservi destruire et lapider [mérité d'être lapidée], ib. XCVII. Or n'i a fors de bien servir, Se ge voil son gré deservir, la Rose, 4200. Et quant il faillent lor segneur en tel besoin, il deservent à perdre lor fief, Beaumanoir, 49. Comment que uns autres enport les fruis d'un fief duquel je suis hoirs, je suis tenus à obeir et à deservir [faire le service] le fief pour reson de l'hommage que j'ai fet, Beaumanoir, XII, 12. Une capelerie [chapelle] à deservir perpetuelment, Tailliar, Recueil, p. 177.

XIVe s. Et c'est la derniere et souveraine fin, excepté paradis et la grace, par quoy l'en le desert [mérite], Oresme, Eth. 11. Deux serviteurs pour chascune table, qui serviront et desserviront, Ménagier, II, 4.

XVe s. Sire de Herbannes, retournez à l'Escluse et ne les gardez point longuement ; faites les tous mourir, ils ont bien desservi mort, Froissart, II, II, 231. Il ne les peut avoir de droit, mais il les a bien desservies [gagnées] en autre maniere, Louis XI, Nouv. XXVII. Et le fait de sa coustrerie [custode, office de sacristain] recommanda à un jeune et gentil clerc, pour la desservir jusqu'à son retour, Louis XI, ib. XLII.

XVIe s. Grand mercy, dis je, monsieur, vous me faictes du bien plus que n'ay deservy envers vous, Rabelais, Pant. II, 32. Nostre repas deffaict, En desservant les metz à nous submiz, Marot, V, 353. Le serviteur reçoit ce qu'il a desservi [mérité], pource que le maistre est indigné contre lui, Calvin, Instit. 514. Les martyrs par leur mort ont plus deservi de Dieu qu'il ne leur estoit besoin, Calvin, ib. 524. Il lui faschoit fort, qu'après avoir travaillé toute la matinée, il fust desservi, avant se mettre à table, Despériers, Contes, XX. Que ce n'estoit pas mal employé, que ce meschant Cherronesien fust puni selon qu'il l'avoit deservy [mérité], Amyot, Eum. 37.

ÉTYMOLOGIE

Dès… préfixe, pour dé… avec une s de prononciation, et servir ; provenç. desservir, deservir, dessirvir, desirvir. Suivant que le préfixe implique destruction, renversement de l'action, ou renforcement de l'action, desservir signifie ôter ce qui est servi, rendre un mauvais service, ou, comme dans l'ancien français, mériter. Le latin deservire veut dire servir avec zèle et a donné, par extension, l'ancien français deservir au sens de mériter, et le français moderne au sens de faire un service. Quant aux autres sens où le préfixe a une signification négative, ils sont, comme déchanter, un exemple curieux du changement de sens des mots par la force de l'analogie des éléments.