« graisse », définition dans le dictionnaire Littré

graisse

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

graisse

(grê-s') s. f.
  • 1Substance onctueuse, de peu de consistance, fondant facilement, dite en chimie corps gras (voy. GRAS), et répandue en diverses parties du corps. Dites aux enfants d'Israël : Vous ne mangerez point la graisse de la brebis, du bœuf ni de la chèvre, Sacy, Bible, Lévit. VII, 23. Les prêtres furent occupés jusqu'à la nuit à offrir les holocaustes et les graisses, Sacy, ib. Paralip. II, XXXV, 14. Cette matière est la graisse qui survient ordinairement à trente-cinq ou quarante ans ; et, à mesure qu'elle augmente, le corps a moins de légèreté et de liberté dans ses mouvements, Buffon, Hist. nat. Hom. Œuv. t. IV, p. 337.

    Étoile de graisse, voy. ÉTOILE, n° 15.

    Prendre de la graisse, devenir gras. Sur la fin de l'été, cet oiseau [le torcol] prend beaucoup de graisse, et il est alors excellent à manger, Buffon, Ois. t. XIII, p. 136.

    C'est un peloton de graisse, se dit d'un très petit oiseau très gras, tel que l'ortolan, le becfigue, et aussi d'un petit enfant bien en chair.

    Vivre de sa graisse, sur sa graisse, se dit de l'ours, de la marmotte, du loir, etc. qui vivent de leur propre corps durant leur sommeil d'hiver et qui se réveillent très maigres ; et fig. vivre sur son bien.

    Fig. Il se plaint de trop de graisse, se dit d'un homme qui se plaint de quelque chose qui lui est avantageux.

    Fig. À graisse d'argent, c'est-à-dire à force d'argent.

    Terme de marine. Graisse de coq, nom que les matelots donnent à la graisse que le coq ou cuisinier retire des viandes salées cuites dans sa chaudière.

    Graisse de pendu, graisse prise au corps d'un homme pendu et à laquelle la superstition attachait de merveilleuses vertus curatives. Probablement quelque bourreau aussi charlatan que cruel aura fait accroire aux imbéciles de son quartier que la graisse de pendu guérissait de l'épilepsie, Voltaire, Dict. phil. Supplices.

  • 2 En termes de cuisine, graisse se dit de la graisse fondue et de la friture. Faire cuire des pommes de terre dans la graisse, à la graisse d'oie.
  • 3Embonpoint. La graisse l'incommode. Monseigneur, tout noyé qu'il fût dans la graisse et dans l'apathie, parut un autre homme dans ces deux conseils, Saint-Simon, 82, 72.

    Familièrement. La graisse ne l'étouffe pas, la graisse ne l'empêche pas de courir, se dit d'une personne très maigre.

    Faire de la graisse, s'engraisser dans le sommeil, dans l'indolence.

  • 4 Fig. La graisse de la terre, la substance qui contribue le plus à la fertilité. Les grandes ravines emportent la graisse de la terre.

    Fig. Terme biblique. La graisse de la terre, les biens que la terre produit. Que Dieu vous donne une abondance de blé et de vin, de la rosée du ciel, et de la graisse de la terre, Sacy, Bible, Genèse, XXVII, 28. Tandis qu'il répandait à pleines mains, sur un petit nombre d'heureux, la rosée du ciel et la graisse de la terre…, Massillon, Carême, Aumône.

  • 5Sorte d'altération du vin dans laquelle il prend une apparence huileuse. Ce vin tourne à la graisse.
  • 6 Terme d'exploitation. Bitume purifié.

HISTORIQUE

XIIe s. Le sanc sur l'autel n'espandirent, ne la graisse à Deu ne offrirent, Rois, p. 49. Saim et craisse, Liber psalm. p. 80. Li cuens Guillaumes reperoit de berser [tirer de l'arc] D'une forest où ot grant piece esté ; Pris ot deus cers de prime gresse assez, li Charrois de Nymes, v. 17.

XIIIe s. Il soloient arder [brûler] en la viez loi les cresses des bestes en leu d'encens, Psautier, f° 76. Car bien sachés qu'Amors ne lesse Sor fins amans color ne gresse, la Rose, 2562.

XIVe s. Le vin garira de la gresse, Ménagier, II, 3. Chappons de haulte gresse, ib. II, 5.

XVe s. Et sachez, si ils eussent fait ce voyage, ils eussent porté dommage au pays de cent mille francs ; car en la marche que je vous dis gist toute la graisse d'Auvergne, Froissart, III, IV, 14. Encore vaut il mieux que ils en vivent et que ils en aient la graisse et le profit que vos ennemis, Froissart, II, III, 34. Quant à moi, par sainte Marie, Je n'y entens ni gras ni gresse, Patelin.

XVIe s. Vous convient estre saiges, pour fleurer, sentir et estimer ces beaulx livres de haulte gresse, legiers au prochas et hardis à la rencontre, Rabelais, Garg. Prol. L'Estrancards faisoit ses affaires à graisse d'argent, l'autre gagnoit le cœur de ses juges par plusieurs gentillesses, D'Aubigné, Faen. IV, 5. Dans lesquelles terres sera jettée la graisse [engrais] qu'on prendra au fonds des fossés pour servir d'autant d'amendement, De Serres, 67. Les terres en devinrent si grasses, et en penetra la gresse si profondement au dedans, que…, Amyot, Marius, 37. Il encourut d'oisiveté, de graisse et d'yvrongnerie, une maladie dont il mourut, Amyot, Démétr. 74. Un peu devant la fin de juillet les cerfs sont du tout frayez et bruniz et en leur plaine venaison ; ils demeurent en une haulte graisse et à leur donner du bon temps dedans les buissons qu'ils ont choisis pour faire leurs festes, Charles IX, De la chasse, p. 14, dans LACURNE, au mot haut.

ÉTYMOLOGIE

Gras ; picard, crache ; wallon, crâhe ; namurois, crauche ; provenç. grais, s. m., graissa, s. f. ; catal. grex, s. m. ; espagn. grasa.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GRAISSE.
1

À graisse d'argent… Ajoutez : Je conjure M. le grand maître de faire faire ce que dessus, et le clayonnage, et ce promptement, à graisse d'argent ; car, à quelque prix que ce soit, nous voulons, avec l'aide de Dieu, et prendre Hesdin et battre les ennemis, Richelieu, Lett. etc. t. VI, p. 389 (1639 ; cette locution y est fréquente)

7Courte-graisse, voy. COURTE-GRAISSE au Dict.