« hure », définition dans le dictionnaire Littré

hure

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

hure

(hu-r') s. f.
  • 1Tête hérissée et en désordre.

    Il a une vilaine hure, se dit d'un homme qui a les cheveux mal peignés et hérissés.

  • 2Tête de quelques animaux. Une hure de saumon, de brochet. [Le lion] Ayant courage, intelligence Et belle hure outre cela, La Fontaine, Fabl. IV, 1. Le sanglier, dont la hure est plus longue et plus forte que celle du cochon, fouille plus profondément ; il fouille aussi presque toujours en ligne droite dans le même sillon, Buffon, Quadrup. t. I, p. 299.

    Particulièrement. La tête lorsqu'elle est coupée. Anaxandride, cité par Athénée, déclare que Nérée seul a pu le premier imaginer de manger la hure de cet excellent poisson [le glaucus], Chateaubriand, Itinér. 1re part.

    La hure, en charcuterie, préparation faite principalement avec la chair de la hure Des saucisses, de la galantine, de la hure fraîche.

  • 3Espèce de brosse garnie de tous les côtés et adaptée à un manche.
  • 4Hure de loup, nom, dans les environs de Coutances, de la carotte sauvage.

HISTORIQUE

XIIe s. Enz el chief de l'espée grant colp li [à Thomas] vait duner, Si que de la curune le cupel enporta, E la hure abati e granment entama, Th. le mart. 150.

XIIIe s. Il s'eslaisse, prent le maufé [le diable], Parmi la hure amont l'a pris, Partonop. ms. f° 166, dans LACURNE. Et li vilains crole la hure, Et se forcene, et sor sains jure Qu'il l'occira sans nul respit, la Rose, 15587. Mes moult i brait et se demente Li chahuan o sa grant hure, ib. 5999.

XVe s. Groin et cheveux com hure de sanglier, Deschamps, Poésies mss. f° 220. Lequel Bernart faisoit la hure [signe de moquerie] au dit Panquaut par maniere de derision, Du Cange, hura. La hure de sanglier notable Sera au milieu de la table, Rec. de farces, etc. p. 331. Au cappitaine Jehan Riou, Je donne six hures de lou, Villon, Gd test.

XVIe s. …C'est que tu te gardes de rymer les mots manifestement longs avec les brefs aussi manifestement brefs, comme un passe et trace, un maistre et mettre, une chevelure et hure, un bast et bat, et ainsi des autres, Du Bellay, J. I, 30, recto. Tout renversé dans la caverne obscure, Auquel [Cerbère] voyant jà herisser la hure De gros serpens…, Du Bellay, J. IV, 51, verso. En la mesme feuille ont mis aussi la figure de la divine infante, couronnée en royne de France, comme vous, vous regardant huze à huze l'un l'autre, Sat. Mén. p. 104, éd. CHARP. (les Parisiens dans le XVIe siècle prononçaient des z pour des r ; huze pour hure) Heure [hure], Palsgrave, p. 46, qui le prononce comme heure, hora, sauf l'aspiration de l'h.

ÉTYMOLOGIE

Origine inconnue. Ce mot a signifié le poil qui couvre la tête, comme on le voit par l'exemple de Thomas martyr, et aussi tête d'homme ou tête de bête. Diez essaye quelques conjectures, mais elles sont si peu appuyées, qu'il est inutile de les rapporter ici. Il y avait l'ancien adjectif huré, qui signifiait hérissé : Hurées ont les testes et barbes et grenons, li Romans d'Alixandre, p. 337, v. 21. Ce mot de huré était encore usité dans le XVIIe siècle : Estant proche de la porte D'un vieux huré paysant, Je luy ay dit de la sorte : Fait on vendange céans ? l'Eslite des chansons les plus belles, dans FR. MICHEL, Argot.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

HURE. - ÉTYM. Ajoutez : M. Bugge (Romania, juillet-octobre 1875, p. 361) commence par démontrer que hure a eu le sens de pileus, bonnet : « La Vie de saint Thomas nous donne de hure un des plus anciens exemples connus : la hure abati, où il signifie selon Diez et Littré la partie chevelue de la tête. Mais un sens différent est démontré, comme le dit M. Mätzner, Altengl. Sprachproben, p. 185, par un passage correspondant d'une vie latine de saint Thomas : pileum dejecit. Un manuscrit (XIIIe siècle) du traité lexicographique de Jean de Garlande glose pillea par hures, pilleola par hurez (Jahrb. f. rom. Lit. VI, 294). Dans l'ancien anglais hure signifie également chapeau, bonnet : Galerus (episcopi) qui hura dicitur, Vitae abbatum S. Albani, dans DU CANGE ; Pileus est ornamentum capitis sacerdotis vel graduati, anglice a hure or a pyllyon. » Cela établi (et la démonstration est complète), M. Bugge identifie hure avec le norois húfa, bonnet ou casquette, mot employé surtout en parlant d'un bonnet de poil ou de peau. Húfa est aussi indiqué comme coiffure des prêtres ; l'allem. Haube, qui correspond à húfa, se dit également du bonnet de l'évêque, du prêtre. L'f du norois húfa est syncopée dans le danois hue, island. mod. húa. En français aussi, l'f s'est syncopée, d'où hue et, par l'intercalation d'une r, hure. M. Bugge, pour appuyer cette intercalation, cite mire, de mie, médecin, remire, de remedium, navire, de navie. Ces exemples d'intercalation d'une r ne paraissent pas tout à fait assurés, et par conséquent du doute reste sur hure pour hue. Mais la conjecture de M. Bugge demeure très plausible. Le vieux franç. avait huvet, huvette, bonnet, chapeau ; celui-là vient certainement de húfa ; la présence de ce mot avec le v aide-t-elle l'opinion de M. Bugge en montrant que húfa a bien réellement pénétré dans le domaine français, ou la combat-elle en y faisant voir la conservation de l'f sous la forme de v ? M. Bugge remarque que hure signifie souvent chevelure, surtout chevelure hérissée. Le mot scandinave présente le même changement de sens : dans un dialecte norvégien, hårhuva, littéralement bonnet de poil, signifie chevelure, surtout chevelure épaisse, hérissée. En français, la notion : tête hérissée (tête du sanglier, du loup) s'est développée de la notion : chevelure hérissée.