« hurler », définition dans le dictionnaire Littré

hurler

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

hurler

(hur-lé) v. n.
  • 1Pousser des hurlements, en parlant du loup, du chien. Ils [les chiens mulets] hurlaient plus fort et plus souvent aux approches de la pluie et dans les temps humides, que dans les beaux temps ; les loups dans les bois ont ce même instinct, et on les entend hurler dans les mauvais temps et avant les orages, Buffon, Quadrup. t. XII, p. 266.
  • 2 Par analogie. Il se dit des cris aigus et prolongés que l'on pousse dans la colère, dans la douleur, etc. Laissons hurler là-bas tous ces damnés antiques, Boileau, Sat. XI. Eh ! quel objet enfin à présenter aux yeux Que le diable toujours hurlant contre les cieux ? Boileau, Art p. III. Je vois hurler en vain la chicane ennemie, Boileau, Lutr. VI. Il a prouvé qu'on pouvait être tragique sans hurler, La Harpe, Corresp. t. III, p. 193, dans POUGENS. Ces trois sœurs qui, d'Odin ranimant les soldats, Couraient, volaient, frappaient, hurlaient dans les combats, Ducis, Macbeth, I, 1. …Il faut au ministère Des gens qui parlent toujours, Et hurlent pour faire taire Ceux qui font de bons discours, Béranger, Ventru.

    Par personnification. Hurlez, sapins, parce que les cèdres sont tombés, Sacy, Bible, Zacharie, XI, 2. L'éclair croise l'éclair, l'air mugit, le ciel gronde, La tempête en hurlant creuse et soulève l'onde, Ducis, Oscar, III, 1.

    Fig. Lui [le publie], qui dix ans proscrivit Athalie, Qui, protecteur d'une scène avilie, Frappant des mains, bat à tort à travers Au mauvais sens qui hurle en mauvais vers, Voltaire, Ép. 64.

    Fig. Hurler, se dit de choses qu'on accouple malgré leur incompatibilité. Des mots qui hurlent de se voir accouplés.

  • 3 Fig. Parler avec emportement, avec le ton de la fureur. Une tourbe fanatique hurlait contre lui. Dis-moi donc, laissant là cette folle hurler…, Boileau, Sat. X. Si les jésuites crièrent à l'impiété, les jansénistes hurlèrent ; il se trouva un convulsionnaire nommé Abraham Chaumeix, qui présenta à des magistrats une accusation en forme intitulée Préjugés légitimes contre l'Encyclopédie, Voltaire, Mél. litt. Lett. à S. H. le prince de ***, Lett. 8.
  • 4 V. a. Prononcer avec un ton d'emportement ou de colère qu'on assimile au hurlement. Mme de Roquelaure dès la porte se met à hurler les reproches les plus amers, Saint-Simon, 199, 159. Un essaim frémissant… Hurle son chant barbare aux monts hyperborées, Delille, Énéide, X. Les prêtres de Pluton… Hurlent en chants de mort leurs funèbres cantiques, Legouvé, Trad. d'un morceau de la Pharsale. [Le peuple] Il s'enivre de vin dans l'or des saints calices, Hurle en dérision les chants des sacrifices, Lamartine, Joc. II, 71.

    PROVERBE

    Il faut hurler avec les loups, c'est-à-dire il faut s'accommoder aux manières, aux opinions des gens avec qui l'on vit. Pourquoi le voyez-vous ? - Qui donc voir ? il faut bien hurler avec les loups, Th. Corneille, Comt. d'Orgueil, IV, 6. Il faut hurler avec les loups, d'autres disent braire avec les ânes, Courier, Lett. II, 33.

    On dit de même : apprendre à hurler avec les loups, finir par s'accoutumer aux mœurs de ceux avec qui on vit. Tous ces Normands voulaient se divertir de nous : On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups, Racine, Plaid. I, 1. Comme on apprend à hurler avec les loups, malgré la terrible vie que ces bandits menaient, je ne laissai pas de m'accoutumer à vivre avec eux, Lesage, Guzm. d'Alf. IV, 9.

REMARQUE

Au commencement du XVIIe siècle, on disait souvent heurler : Il se leva heurlant comme un homme furieux, Scarron, Rom. com. I, 6.

HISTORIQUE

XIIIe s. Les lous [elle] oït uller, et li huans hua, Berte, XX. À bien petit qu'il ne se pasme ; Il ulle et brait come devez, Ren. 493. Paien uslent et braient, grans i fu la bondie, Ch. d'Ant. III, 181.

XVe s. Il faut heurler avec les leux, Deschamps, Poés. mss. f° 566.

XVIe s. Puis crient et ullent comme diables, Rabelais, Pant. III, 23. Toy Hecaté par les cantons hullée, Quand dessus nous la nuict est devallée, Du Bellay, J. IV, 24, recto. Ils hurlent comme chiens leurs barbares chansons, Du Bellay, J. VI, 35, verso. On les hurloit et mauldissoit [les gladiateurs], si on les voyoit estriver à recevoir la mort, Montaigne, III, 101. Les loups suivant la trace hurlent Ton ombre par les bois, Ronsard, 413. Tellement la douleur la ferut, Que par les champs hurlante elle courut, Ronsard, 635.

ÉTYMOLOGIE

Picard, heuler ; wallon, hoûler ; norm. hûler, heuler ; Berry, ûler, hûler, ioûler ; provenç. ulular, ullular, udolar ; catal. udolar ; espagn. et portug. ulular ; ital. ululare, ulolare, urlar ; du latin ululare ; comparez ὀλολύζω, crier, sanscrit ululis, hurlement, ulûka, hibou ; le radical est ul, onomatopéique, redoublé pour renforcer l'onomatopée. La forme ancienne et correcte est uller, ou, avec prosthèse d'une h, huller ; l'r dans hurler est une corruption.