« linceul », définition dans le dictionnaire Littré

linceul

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linceul

(lin-seul ; plusieurs mouillent l'l : linseull' ; c'est ce que fait le Dictionnaire des rimes) s. m.
  • 1Drap de toile dont on se sert pour ensevelir un mort. Joseph, ayant pris le corps, l'enveloppa dans un linceul blanc, Sacy, Bible, Év. St Matthieu XXVII, 59. Quand ma froide dépouille étendue au cercueil Sera couverte, hélas ! du funèbre linceul, Lebrun, Élég. I, 2.

    Par extension. Après ma mort une avalanche De son linceul me couvrira, Th. Gautier, le Chasseur.

  • 2 Fig. Tout ce qui enveloppe comme un linceul de mort. Artiste, poëte, savant, à la gloire en vain on s'attache ; C'est un linceul que trop souvent La postérité nous arrache, Béranger, Couplet. Elle a dormi quinze ans dans sa couche d'argile, Et rien ne pleure plus sur son dernier asile ; Et le rapide oubli, second linceul des morts, A couvert le sentier qui menait vers ces bords, Lamartine, Harm. IV, 10. Les noirs linceuls des nuits sur l'horizon se posent, Hugo, la Bataille perdue. Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées, Des vulgaires douleurs linceul accoutumé, Que viennent étaler sur leurs amours passées Ceux qui n'ont point aimé ! Musset, Poés. nouv. Souv.

    PROVERBE

    Le plus riche n'emporte qu'un linceul.

REMARQUE

1. Régnier l'a employé dans le sens ancien, à savoir drap de lit : Et les linceuls [draps] trop courts par les pieds tirassoit, Régnier, Sat. X.

2. Les poëtes font rimer linceul avec euil. Je ne veux point, couvert d'un funèbre linceul Que des pontifes saints autour de mon cercueil…, Chénier, Élégies, IX. Ils le font aussi rimer avec eul. [Au temps d'Adam] …avec rien on montait un ménage : Il ne fallait matelas ni linceul ; Même le lit n'était pas nécessaire ; Ce temps n'est plus ; hymen qui marchait seul…, La Fontaine, Herm. Je courus à la grève et ne vis qu'un linceul De brouillards et de nuit, et l'horreur, et moi seul, Hugo, les Châtiments, VII, 8. Ayant ceci présent qu'il était votre aïeul Celui qui vient de cheoir de la pourpre au linceul, Hugo, Hernani. Ces exemples prouvent que les deux rimes sont reçues ; et en effet les deux prononciations le sont aussi.

HISTORIQUE

XIIe s. Une kiute [couette] et uns linchius, Tailliar, Recueil d'actes, p. 8.

XIIIe s. Ne coute, ne coussin, lincuel [drap de lit] ne oreillier, Berte, XXXVIII. Je… lais et donne à l'hospital mil besans d'or pour lincheus et pour couvretoirs à couvrir les malades, Chr. de Rains, 110.

XVIe s. Buvez des vins delicieux, Puis après entre deux lincieulx Allez reposer vostre teste, Marot, III, 195. Ces linceux [draps de lit] me reprochent qu'ils [nos morts] ne sont pas ensevelis, D'Aubigné, I, Hist. 132.

ÉTYMOLOGIE

Berry, lincieux, au pluriel, draps de lit ; picard, lincheux, draps de lit ; bourguig. lanceu ; provenç. linsol, lensol, lensol, lanssol ; catal. llensol ; portug. lançol ; ital. lenzuolo ; du lat. linteolum, petit linge, morceau de linge, diminutif de linteum, linge, de linum, lin.