« potence », définition dans le dictionnaire Littré

potence

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

potence

(po-tan-s') s. f.
  • 1Béquille, bâton d'appui qui a la forme d'un T. Marcher avec des potences. Il [un mendiant] pourra se servir de deux potences, et avoir un pied attaché au derrière, Lesage, Guzm. d'Alf. III, 3.

    Table en potence, longue table à l'un des bouts de laquelle une autre est placée en travers.

    En termes militaires, on dit qu'une partie d'une troupe est en potence, quand elle est placée en retour relativement au front général de la troupe.

  • 2Sorte de béquille isolée, nommée appuial, sur laquelle on s'appuie la poitrine pour se reposer debout quand on est malade, et dans les églises de l'Orient, où les chaises sont inconnues, quand on est à l'office. J'ai entendu la messe dans le grand couvent de l'oasis des Lacs Natrons, ainsi appuyé sur une potence, De Laborde, Émaux, p. 460.
  • 3Appareil qui sert à mesurer la taille des hommes et des animaux : c'est une large règle qui porte des divisions numériques, et sur laquelle glisse à frottement une petite pièce de bois. Avoir cinq pieds sous potence.
  • 4Gibet, instrument de supplice, ainsi dit à cause de la ressemblance de forme avec la béquille. Commandez qu'on dresse une potence fort élevée, qui ait cinquante coudées de haut, Sacy, Bible, Esther, v, 14. Xerxès, outré de dépit contre Léonide qui avait osé lui tenir tête, fit attacher son cadavre à une potence, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 217 dans POUGENS. Pendant un mois entier, on ne vit dans Amboise que des échafauds sanglants et des potences chargées de cadavres, Voltaire, Mœurs, 170.

    Le supplice même. Harlay fut prié chez M. de Chaulnes, et il y alla comme un homme qu'on mène à la potence, Saint-Simon, 42, 240. Il faut effrayer le crime ; oui, sans doute ; mais le travail forcé et la honte durable l'intimident plus que la potence, Voltaire, l'Homme aux 40 écus, Des proportions.

    Fig. et familièrement. La campagne qu'on peut appeler la potence d'une jeune personne, Hamilton, Gramm. 9.

    Gibier de potence, homme dont les actions appellent la sévérité des lois. Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence, Molière, Avare, I, 3.

    Traîne-potence, voy. TRAÎNER.

    Terme de blason. Meuble de l'écu, qui indique le droit de haute justice.

  • 5 Terme de manége. Le morceau de bois où pend la bague.

    Brider la potence, donner contre ce morceau de bois, au lieu d'emporter la bague ou de la toucher.

  • 6Pièce de bois ou de fer qui se met sous une poutre, pour soutenir un plancher, et dont le sommet forme un triangle. On distingue la potence à un ou à deux liens : la première qui se met contre le mur, l'autre qui se met au milieu de la poutre.

    Barre de fer tournée en volute à une de ses extrémités, servant de support à un balcon, à une poulie de puits, etc.

    Le fer qui sert à suspendre une enseigne devant la boutique d'un artisan.

    Terme d'administration. Long tuyau soutenu par une console, qui porte à un mètre environ de la maison où il est attaché le bec de gaz et la lanterne qui l'enveloppe.

  • 7Potences, les bouts des branches d'une trompette, qui sont formés en arc.
  • 8Instrument avec lequel le verrier transporte des objets trop chauds pour être maniables.
  • 9Pièce qui porte deux des pivots de l'échappement, dans les montres à roue de rencontre.

    Une des pièces du moulin du lapidaire.

  • 10 Terme de marine. Sorte d'épontille fourchue qu'on place sous le faux pont, à l'endroit où correspond le pied du mât d'artimon, lorsque ce pied ne repose pas sur la quille.

    Se dit encore de divers montants, arcs-boutants, supports saillants et retenus par des cordages.

  • 11Petite enclume de chaudronnier.

HISTORIQUE

XIIIe s. Li blanc moine me traïstrent fors, Mès tant me batirent le cors Ô potences et o bastons, Qu'il me mistrent à ventrillons, Ren. 14363. Mès por ses membres apuier, Ot ausinc cum par impotence De traïson une potence [bâton], la Rose, 12296. Et vraiement, fist le chevalier, vous le comparrez [payerez] ; et lors il hauça sa potence, et feri le juif les l'oÿe [près de l'oreille], et le porta à terre, Joinville, 198.

XIVe s. Estoit si malade que il aloit toz jors à potences sous ses esseles, ne autrement il ne pooit aler, et sembloit que il eust le dos rompu, De Laborde, Émaux, p. 460.

XVe s. En icelle salle avoit trois tables drecées, dont l'une fut au bout dessus, traversant à potence, et estoit la table pour l'honneur, De la Marche, Mém. II, p. 528, dans LACURNE.

XVIe s. Le blessé doit cheminer longtemps sur une potence, Paré, VIII, 37. Le pere mena son fils à Paris, et, en passant par Amboise un jour de foire, il vit les testes de ses compaignons d'Amboise encore reconnoissables sur un bout de potence, D'Aubigné, Mémoires, édit. LALANNE, p. 5.

ÉTYMOLOGIE

Bas-lat. potentia, potence, du lat. potentia, puissance, et de là, appui, bâton, béquille, et, par comparaison avec la forme, gibet.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

POTENCE.
5Ajoutez :

Fig. Brider la potence, ne pas réussir, manquer son coup. Il [M. de Chaulnes] me mande qu'il se pourrait vanter d'avoir fourni une assez belle carrière et de n'avoir point bridé la potence, sans la douleur mortelle qu'il a d'avoir été contraint d'offrir au pape ce charmant comtat [d'Avignon], Sévigné, Lettres inédites, éd. Capmas, t. I, p. 147. L'édition Regnier portait d'avoir fourni bride la potence, leçon inexplicable.