« priver », définition dans le dictionnaire Littré

priver

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

priver [1]

(pri-vé) v. a.
  • 1Ôter à quelqu'un ce qu'il a, l'empêcher de jouir de quelque chose. Je te prive, pendard, de ma succession, Et te donne de plus ma malédiction, Molière, Tart. III, 6. Notre siècle a vu un roi se servir de ces deux grands hommes [Condé et Turenne], et, après qu'il en a été privé par la mort de l'un et les maladies de l'autre, exécuter de plus grandes choses…, Bossuet, Louis de Bourbon. D'un spectacle si doux ne privez point mes yeux, Racine, Iphig. III, 1. Ô superstition ! tes rigueurs inflexibles Privent d'humanité les cœurs les plus sensibles, Voltaire, Fanat. I, 2.
  • 2Se priver, v. réfl. S'ôter à soi-même un avantage, un bien. Quoi ! ne vaut-il pas mieux, puisqu'il faut m'en priver, La céder [Monime] à ce fils que je veux conserver ? Racine, Mithr. IV, 5. Il y a des hommes… qui se privent eux-mêmes de la société des hommes, et passent leurs jours dans la solitude, La Bruyère, XI.

    Renoncer à l'usage de quelque jouissance. Il ne faut ni vigueur, ni jeunesse, ni santé pour être avare… il faut laisser seulement son bien dans ses coffres et se priver de tout, La Bruyère, XI. Les avares qui se privent du nécessaire sont abandonnés à Plaute et à Molière, Voltaire, Dict. phil. Avarice.

    Par antiphrase, renoncer à quelque chose de douloureux. Il fallait bien souvent me priver de mes larmes, Racine, Phèdre, IV, 4.

SYNONYME

1. PRIVER, FRUSTRER. On peut priver légitimement quelqu'un de quelque chose, et par un acte d'autorité ; l'idée de trahison ou d'injustice entre toujours dans celle de frustrer. Un père mécontent prive son fils de son héritage ; un frère intrigant et fourbe frustre son frère des droits qu'il avait à la succession paternelle, F. Guizot.

2. SE PRIVER, S'ABSTENIR. S'abstenir n'exprime qu'une action, se priver exprime aussi le sentiment qui l'accompagne. On peut s'abstenir d'une chose indifférente ; on ne se prive que d'une jouissance.

HISTORIQUE

XIVe s. Et avecques ce il est privé par la mort des très grans biens que il a de present, Oresme, Eth. 90. Et pour ce disoit bien Agathon le philosophe que Dieu est privé d'une seule chose, c'est assavoir que il ne peut faire que les choses qui sont faites ne aient esté faites, Oresme, ib. 172.

XVIe s. On va jusques à se priver vilainement de la jouissance de ses propres biens, Montaigne, I, 316.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. privar ; ital. privare, du lat. privare, priver.